Selon Washington, Pékin accélère son programme d’armes nucléaires

Le rapport annuel du département américain de la défense estime que la Chine disposera de 1 000 têtes nucléaires en 2030.

 

Vite, toujours plus vite. La Chine avance plus que prévu dans son programme d’armement nucléaire, affirme le département américain de la défense dans son rapport annuel sur les capacités de l’Armée populaire de libération (APL), publié mercredi 3 novembre.

Que Pékin veuille une armée « de classe mondiale » en 2049, approchant ainsi la parité militaire avec la puissance américaine, n’est pas une nouveauté. La modernisation a pris du retard dans certains domaines conventionnels, mais l’accélération de son effort serait notable dans le nucléaire, selon Washington. De quoi « permettre à la République populaire de Chine d’avoir jusqu’à 700 têtes nucléaires opérationnelles en 2027 », estime le rapport – l’année 2027 ayant été ajoutée en 2020 comme une nouvelle étape dans la réforme de l’APL par le Parti communiste chinois.

Ainsi, l’APL « a probablement l’intention d’avoir au moins 1 000 têtes d’ici 2030, dépassant le rythme et la taille que le département américain de la défense projetait en 2020 ». Il y a un an, le même rapport estimait que l’APL possédait 200 têtes nucléaires et doublerait ce nombre en 2030 – une estimation basse cependant, les sources ouvertes sérieuses estimant plutôt l’arsenal entre 220 et 320 armes, explique au Monde Benjamin Hautecouverture, de la Fondation pour la recherche stratégique.

Dans sa posture affichée d’une « dissuasion limitée », Pékin veut entretenir une force nucléaire « capable de survivre à une première frappe et de répondre avec assez de force pour conduire de multiples contre-attaques », analyse le Pentagone. Dans ce cadre, « elle choisit ses cibles pour réaliser une désescalade et retourner à un conflit conventionnel ». Mais faute de transparence, de grandes ambiguïtés subsistent. Si les armes opérationnelles américaines (3 800 têtes), russes (4 495) ou françaises (290) sont déclarées, ce n’est pas le cas des chinoises. Pékin a jugé le rapport « plein de préjugés » et qualifié la mention d’une menace militaire chinoise de « manipulation ».

300 silos seraient en construction

La Chine « a déjà probablement mis sur pied une triade nucléaire », assure le Pentagone, soit des plates-formes capables de délivrer la bombe depuis la terre, la mer et les airs. En 2019, l’APL avait ainsi annoncé avoir validé sa composante aéroportée, grâce au bombardier ravitaillable en vol H-6N. En 2020, elle a lancé plus de 250 missiles balistiques pour des tests ou des exercices, « soit plus que le reste du monde », lit-on dans le rapport. Elle « développe de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) qui vont exiger une augmentation de la production de têtes nucléaires », ajoute-t-il. Le développement de centaines de silos à missiles démontrerait en outre que Pékin entend « accroître la préparation en temps de paix de ses forces nucléaires, en évoluant vers une posture de lancement sur alerte » – pouvoir lancer une frappe de représailles dès la détection de l’approche d’un missile ennemi.

De potentiels silos à missiles, repérés dans les provinces désertiques du nord du pays (Xinjiang, Gansu et Mongolie-Intérieure), interrogent les experts nucléaires depuis cet été. De nouvelles images satellites ont été analysées par la Fédération des scientifiques américains (FAS), début novembre. Pékin n’a ni confirmé ni nié que les installations suspectées soient des silos, mais ces chercheurs jugent avec « une confiance croissante » que les infrastructures en dur qui émergent ici et là sont liées au programme nucléaire de l’APL. Hangars gonflables, excavations, tunnels, mais aussi bâtiments logistiques et QG : « Opérer de vastes champs de silos à missiles requiert des infrastructures de soutien étendues. Beaucoup des constructions en cours sur les trois sites suspects à Hami, Yumen et Ordos, tout comme sur le site d’entraînement de Jilantai, apparaissent dédiées à de telles fonctions », écrivent Matt Korda et Hans Kristensen.

Quelque 300 silos seraient en construction, soit plus que la Russie, auxquels s’ajoutent 100 lanceurs mobiles. Pour les experts de la FAS, « bien que la Chine ait rejeté l’idée de limiter ses forces nucléaires, arguant du fait que “les pays dotés des arsenaux les plus importants [Russie et Etats-Unis] ont des responsabilités particulières et principales dans le désarmement nucléaire”, la taille du programme chinois de silos à missiles, combinée à d’autres éléments de la modernisation nucléaire de la Chine, devrait amener celle-ci dans la même catégorie dans un futur pas si lointain ».

De quoi dissuader les Etats-Unis en cas de confrontation à Taïwan ? « Les unités nucléaires de la force des fusées de l’APL seront vraisemblablement positionnées pour conduire des opérations de dissuasion, et davantage préparées à se tenir prêtes pour des contre-attaques nucléaires rapides si besoin », estime le rapport annuel américain.

Nathalie Guibert

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