Le 18 février, des milliers de personnes se rassemblaient en France pour dénoncer la multiplication récente d’actes antisémites. En Belgique, le site antisemitisme.be annonce 81 cas en 2018 contre 35 en 2017.

Pour tenter de comprendre cette recrudescence, Moustique a choisi de laisser carte blanche à Jonathan De Lathouwer, Vice-Président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB). 

« L’antisémitisme n’a jamais disparu ni en France ni en Belgique, ni nulle part en Europe. Il était bien présent même après la guerre, après la Shoah. L’horreur du génocide l’avait mis entre parenthèses. L’extrême droite qui en était l’expression principale dans les médias et dans l’espace public, est sortie de la guerre fortement affaiblie et discréditée en Belgique comme en France; elle essayait généralement de se dissocier de l’image de la collaboration et de sa complicité dans le génocide des Juifs.

Le ressentiment antisémite était toujours-là mais sous-jacent, exprimé surtout dans le cercle familial et l’entourage immédiat. Il était donc moins visible à l’exception de quelques négationnistes comme Robert Faurisson et quelques groupuscules néo-nazis.

À la fin des années 90, un autre antisémitisme va apparaître de plus en plus dans l’espace public, celui de l’antisémitisme islamiste qui ne portait pas comme l’occidental, le poids et l’opprobre lié au génocide. Cet antisémitisme va bénéficier d’une complaisance particulière, pour beaucoup surtout à gauche, il fallait soutenir une population déshéritée et déjà stigmatisée. Cet antisémitisme sans complexe va s’avérer très menaçant et dangereux chauffé par le conflit israélo-palestinien et la radicalisation religieuse.

L’antisémitisme de gauche qui a des origines très anciennes, notamment en France d’avant-guerre chez les opposants socialistes à Léon Blum, s’est lui aussi développé. Porté par le stalinisme dans les pays de l’Est pendant la Guerre Froide, il provoqua les purges « antisionistes » de Gomulka et du Général Moczar en Pologne qui chasseront du pays plus de 15.000 juifs dans les années 60.

En Europe occidentale, c’est le conflit israélo-palestinien qui va le renforcer, en assimilant la majorité des juifs qui soutiennent le droit à l’existence d’Israël à des « sionistes », des adversaires à combattre. Sous prétexte de « critiquer Israël », on a laissé se répandre l’antisémitisme.

L’antisémitisme va s’adapter, se moderniser aux thèmes de l’antiracisme, va s’exprimer sous la couverture de « l’antisionisme ». Il ne sera plus « raciste », mais « antiraciste » combattant les Juifs tous présumés « racistes et colonialistes  » sauf rares exceptions, celle des Juifs officiellement « antisionistes ». Les anciens clichés complotistes assimilant les Juifs à l’argent et à un pouvoir occulte sont réactualisés. Le négationnisme progresse, certains n’hésitent plus à assimiler les les « sionistes » aux nazis ce qui inverse l’image des Juifs victimes en bourreaux génocidaires.`

C’est la raison pour laquelle le Conseil de l’Europe a adopté la définition élargie de l’antisémitisme (IHRA) aux cas manifestes où « l’antisionisme » ne sert que de couverture opportuniste à un antisémitisme manifeste. Cette nouvelle définition que le président Macron a proposé d’intégrer dans la loi en France, spécifie clairement que les critiques à l’égard d’Israël comparables à celles exprimées à l’encontre d’autres pays ne peuvent être qualifiées d’antisémites.

Le regain actuel d’antisémitisme est dû à la conjonction de plusieurs phénomènes: la persistance du vieux fond antisémite occidental chrétien qui ne demandait qu’à s’exprimer, la radicalisation islamiste qui exacerbe un antisémitisme traditionnel et surtout les réseaux sociaux qui permettent une diffusion extraordinaire des thèses complotistes et antisémites en toute impunité et cela depuis plusieurs années.

Le mouvement social et contestataire actuel des Gilets Jaunes, a donné un coup de projecteur sur la résurgence antisémite, sur son expression dans l’espace public alors qu’il restait généralement confiné sur le net ou dans les spectacles de Dieudonné.

Le mouvement des Gilets Jaunes n’est pas antisémite par nature, mais que ce mouvement ait été l’occasion des antisémites pour exprimer leur haine des juifs n’a rien de surprenant. L’hostilité des manifestants vise le pouvoir, les parlementaires, les élites, les médias, la finance, les banques, les possédants et les liens d’intérêt supposés entre eux or ce sont des thèmes semblables qui ont nourri l’imaginaire antisémite depuis le milieu du 19 ème siècle; belle occasion pour les antisémites de faire le lien, d’affirmer que tout serait la faute des Juifs. La méfiance des Gilets Jaunes envers les médias « officiels » et les consultations de sites « alternatifs » et « anti-système » ont permis une large diffusion des thèmes antisémites.

La pression antisémite n’a pas arrêté de croître ces dernières années, même si quelques commentateurs relativisent cette explosion (74% en France en 2018) des actes antisémites en rappelant qu’il y a déjà eu des hausses plus brutales encore dans le passé et des nombres plus élevés d’actes antismites officialisés. Ils ne tiennent pas compte du fait que les cas déclarés ne sont qu’une infime partie et que la gravité des faits est d’un autre ordre de grandeur avec assassinats, menaces mortelles visant les institutions juives, les écoles, les personnalités que les gouvernements doivent aujourd’hui faire protéger par la police et l’armée.

Pour les citoyens juifs de France comme de Belgique ou du Royaume-Uni, le doute n’est plus permis : l’antisémitisme est bien plus présent, plus menaçant que jamais depuis la chute du nazisme. »

Jonathan De Lathouwer Vice-Président du CCOJB

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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