Le 13 novembre dernier, quelques minutes après les attentats sanglants qui ont frappé Paris, l’AFP diffusait une dépêche en anglais, reprise par France 24, assimilant les terroristes à des « militants ».

Voici le titre particulièrement choquant tel qu’il est apparu sur Twitter :

 #BREAKING Eight militants killed in Paris attacks: investigation source

S’en suit le descriptif des faits :

Paris (AFP) – A total of eight militants were killed, including seven by their suicide belts, during Friday’s attacks in Paris that left at least 120 dead, a source close to the investigation said.

Four of the attackers were killed in the Bataclan concert hall, three by activating their suicide vests and one shot by police. Three more died near the national stadium and a fourth was killed in a street in eastern Paris.

(Traduction : Un total de 8 militants ont été tués, dont 7 par leurs ceintures explosives lors des attentats de vendredi à Paris qui ont causé la mort de 120 personnes. (…) 4 des assaillants ont été tués dans le hall de la salle de concert du Bataclan, 3 en activant leurs vestes d’explosifs et un abattu par la police. 3 autres sont morts près du stade et un quatrième a été tué dans une rue de l’est parisien.)

Sans entrer dans une analyse de texte approfondie, on constate d’emblée une volonté de déculpabiliser les terroristes en ne les nommant pas, en laissant penser que ce sont eux les victimes alors qu’ils portent la mort.

Nous pensions que cette perversité sémantique ne s’appliquait qu’à Israël mais ce n’est pas le cas puisque la France, qui fait face à la même menace et vient de connaître la pire attaque terroriste de son histoire, subit les mêmes dérives verbales. Non seulement les terroristes sont victimisés par le terme « militants » et l’emploi de la forme passive (« ont été tués »), mais on ne saisit pas clairement le détail des faits et à qui incombe la responsabilité.

Cette corruption morale est la conséquence logique du traitement global de l’information et du vocabulaire que l’AFP emploie pour parler de la menace islamiste en général et du conflit israélo-palestinien en particulier.

L’AFP apparaît comme une agence partisane qui censure sciemment ce qui ne convient pas à sa ligne, tant en politique intérieure qu’à l’international. Cette réalité est bien connue de la plupart des journalistes mais pas de l’opinion publique : nombre de Français ignorent le rôle central de l’AFP et sont convaincus de la diversité des médias et de l’information sans penser que c’est précisément cette agence qui fournit les nouvelles.

La couverture de l’information par l’AFP tronque non seulement la réalité des faits sans le moindre souci d’éthique mais elle opère un renversement de la responsabilité, célèbre les bourreaux et élude les victimes.

Ces Français assassinés valent-ils « moins » que les terroristes présentés comme des victimes ? Les jeunes en terrasse étaient-il comme les « colons » israéliens coupables d’exister? La France « occupe »-t-elle un territoire? A quelle organisation respectable ces terroristes appartenaient-ils pour être qualifiés de « militants »? Ne sont-ils pas des barbares qui commettent des crimes contre l’humanité et contre lesquels la France et une coalition d’Etats sont en guerre ?

L’AFP, catalyseur de l’information : une situation de quasi monopole

L’Agence France Presse est sans doute l’un des plus puissants médias français. Elle a été fondée à Londres par Pierre Bourdan pour le général de Gaulle en 1944 : il était la Voix des Français qui parlent aux Français avec Maurice Schumann. Son statut, dès le départ, prévoyait qu’elle respectât la neutralité et le pluralisme qui seraient la condition même de la confiance que devrait lui porter ses futurs clients. Mais depuis, cette neutralité n’est plus et son pluralisme réduit à un attachement partisan, de gauche voire d’extrême-gauche.

On estime que 80% de l’information continue en France provient de l’AFP qui est en situation de quasi monopole depuis sa création en 1944.

C’est aussi l’une des trois plus importantes agences de presse dans le monde avec AP et Reuters. L’AFP est gouvernée par un conseil d’administration[1] de 16 membres dont 8 représentants des directeurs de journaux quotidiens (sachant que ceux-ci sont largement subventionnés par l’Etat), 2 représentants du personnel de l’AFP élus à bulletins secrets, 2 représentants de la radio et de la télévision française (l’Etat, encore), 3 représentants des services publics : le Premier ministre, le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie et le ministre des Affaires étrangères nommant chacun un représentant, et le président directeur général choisi par le conseil d’administration en dehors de ses membres.

Aucun n’a donc intérêt à contester l’information fournie. L’AFP dépend de l’État, et présente une façade de neutralité bienveillante, alors qu’il n’en est rien. Il s’agit donc d’un problème de démocratie grave, d’autant que l’agence nourrit la quasi intégralité de l’information fraîche en France, dans tous les domaines.

Concernant le Moyen-Orient, l’Agence a pris une position résolument pro-palestinienne et pratique une désinformation permanente qui, nous le voyons, a des conséquences graves en France, au-delà même de la communauté juive, puisque tous les citoyens français se sentent à juste titre menacés. La manière de hiérarchiser l’information, le titre choisi, ce que l’on va mettre en avant, ou ce que l’on va au contraire omettre.

L’AFP oublie sciemment de mentionner certains événements. Ainsi, quelques jours après les attentats du 13 novembre à Paris, elle publiait une liste qui recensait les attentats les plus meurtriers en France.

L’Hyper Cacher ne figurait pas dans la liste. Après signalement, il fut finalement intégré. Soyons lucides, s’il n’y avait que l’attentat de l’Hyper Cacher, il n’y aurait jamais eu autant de manifestants le 11 janvier 2015.

L’affaire Merah n’avait rassemblé que la communauté juive et une poignée de citoyens solidaires, sans parler de l’assassinat de Sébastien Selam en 2003 ou de la torture et du meurtre d’Ilan Halimi en janvier 2006.

En refusant de nommer les coupables, en omettant les faits, en sanctuarisant les radicaux, l’AFP et les médias en général portent une lourde responsabilité dans la déliquescence de notre société. Nous sommes aujourd’hui pris en tenaille entre la poussée de l’Islam radical sur notre sol et l’ascension du Front national.

La diabolisation d’Israël

L’image d’Israël dans les médias est déconnectée de la réalité du terrain. Israël est globalement perçu comme un pays « militariste » et « brutal » qui « occupe des territoires » et qui les « colonise ». C’est aussi un Etat qui a dressé un « mur » de séparation, ce qui renvoie au Mur de Berlin dans la conscience collective européenne.

Parallèlement, les Palestiniens se sont construits une image à rebours. Ce sont ces images, associées à une terminologie accusatrice ou partisane, qui sont véhiculées en permanence par les télévisions et par la presse écrite. Tant que les Israéliens seront associés aux mots « occupant », « blocus », « mur », « apartheid » et les Palestiniens à celui de « victimes », la perception manichéenne du conflit ne changera pas et continuera d’être instrumentalisée par les islamistes pour se victimiser et recruter davantage.

Les dérives de l’AFP s’étendent à l’ensemble des organes de presse.

Parmi les exemples que l’on peut citer, le 18 novembre 2014, cinq Israéliens furent tués et six autres blessés lors d’une attaque conduite par deux Palestiniens dans un quartier résidentiel de Jérusalem-Ouest.

Munis de hachoirs, de couteaux et d’une arme de poing, ceux-ci ont pénétré dans la synagogue Bnei Torah de Har Nof, où une trentaine de fidèles étaient rassemblés pour la prière du matin. Ce sanglant attentat fut relayé par les medias français dont BFM TV, qui ne manqua pas de rappeler que les terroristes étaient « pères de plusieurs enfants », comme pour redonner un semblant d’humanité à ces « assaillants » qui n’étaient une fois de plus pas désignés par le terme de « terroristes ».

Les spectateurs étaient invités à s’apitoyer sur les assassins qui devenaient alors les victimes. Quant aux victimes, anonymes, elles disparaissaient, dans une volonté manifeste de conditionner l’opinion.

Voici le contenu du bandeau de BFM TV tel qu’il apparaissait à la suite de cet attentat :

« Synagogue attaquée à Jérusalem, les deux assaillants palestiniens, pères de plusieurs enfants, ont été abattus ».

A l’AFP, les bourreaux semblent avoir plus d’importance que les victimes. Les Israéliens assassinés n’étaient-ils pas eux aussi « pères de familles » ? Pourquoi cette confusion entre victimes et meurtriers ?

Ce déséquilibre se manifeste également par un double standard flagrant dans le traitement des sources qui s’avère être toujours en faveur des Palestiniens, la partie israélienne étant le plus souvent réduite à la portion congrue. Contrairement aux engagements de l’AFP, le choix des mots employés traduit un jugement de valeur permanent qui semble témoigner d’une volonté d’apporter une opinion sur les faits présentés et de favoriser l’un des camp, en l’occurrence le camp palestinien, au détriment des Juifs et des Israéliens.

Depuis le début du mois d’octobre, Israël a été la cible de plus de 80 attentats au couteau ou à la « voiture-bélier ». L’excuse terminologique des assassins était toute trouvée et préparée depuis fort longtemps car ce ne sont pas des Juifs qui sont assassinés, ni des Israéliens, mais des « colons ». L’assassin semble alors crédité d’un permis de tuer.

Pis encore, dans une liste publiée récemment, l’AFP recense les attentats sanglants qui vont du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center à New York jusqu’au carnage du 13 novembre dernier à Paris, Israël, qui a pourtant subi bien plus d’attaques que tous les autres pays réunis est étrangement absent de la liste, comme si implicitement les journalistes justifiaient la terreur lorsqu’elle le frappe.

Omissions des sources et vocable

Dans une étude sur l’AFP publiée au début des années 2000 lors de la Seconde Intifada, le journaliste Clément Weill-Raynal [2] soulignait déjà un réel déséquilibre des sources.

A titre d’exemple, le samedi 30 septembre 2000, jour du déclenchement des violences, l’AFP émettait 79 dépêches. Sur celles-ci, 47 dépêches donnent des informations émanant du seul camp arabo-palestinien contre 13 seulement émanant de la partie israélienne.

Si l’on se penche sur l’heure d’émission de ces informations, le déséquilibre se creuse encore davantage. Sur les 13 dépêches émanant de sources israéliennes, 10 ne furent diffusées qu’entre 20 heures et 23 heures, soit à des heures trop tardives pour être relayées par les principaux rendez-vous d’informations, alors que les dépêches émanant du camp palestinien étaient diffusées chaque heure. Il en est de même pour les images qui ne montrent que la souffrance palestinienne et la violence israélienne et qui sont filmées par des Palestiniens auxquels des journalistes occidentaux ont confié des caméras afin de pouvoir prendre des images « au plus près du terrain ».

Les territoires investis par Israël depuis 1967 et objets des négociations de paix sont unanimement considérés par les journalistes français comme des colonies, contrairement à leurs confrères anglo-saxons qui utilisent le terme plus neutre de « settlement », c’est-à-dire  « implantation ». On peut toutefois s’interroger sur le mot « colonie » qui, en France fait écho à l’histoire de la décolonisation.

Si le terme de « colonie », employé quotidiennement par toutes les rédactions, ne semble pas poser problème aux médias, il est d’autres mots que les journalistes sont beaucoup plus réticents à employer. Notamment la notion de « terroriste ».

L’AFP dispose d’un champ lexical très particulier pour parler du conflit israélo-palestinien, dont voici quelques exemples :

  • « L’activiste » ou « l’assaillant » est un terme pour qualifier un terroriste, c’est-à-dire une personne qui tue des civils pour semer la terreur au nom de sa cause.
  • Le « colon » est employé pour déshumaniser la victime. Ainsi « un couple de parents assassinés devant leurs 4 enfants de 4 mois, 3 ans, 6 ans et 9 ans » devient « 2 colons tués ».
  • « Cisjordanie occupée » et non Cisjordanie.
  • « Agression » ou « violences » palestinienne pour éviter le mot        « attentat ».

Comme le disait justement Albert Camus, « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. ». Alors que la France et l’Europe sont confrontées à une crise majeure et que leur sécurité est mise à mal par l’action de groupes terroristes islamistes sans foi ni loi, il est temps de dénoncer les dérives de certains organes de presse qui propagent la désinformation et justifient le terrorisme. On ne peut combattre la haine et défendre la République sans en dénoncer ses fossoyeurs.

L’AFP n’est ni neutre ni indépendante et encore moins objective dans le traitement de l’information qu’elle diffuse. La façon dont elle a annoncé les attentats est une atteinte à la déontologie et une insulte envers toutes les victimes de cette barbarie.

L’AFP et certains médias participent à une forme d’apologie du terrorisme par des omissions, des confusions, des relativisations. Ce comportement contribue à banaliser la violence et à la légitimer pour la rendre acceptable par la majorité de la population.

Comme l’a dit le Président Hollande, « nous sommes en guerre ». La lutte contre la désinformation et la manipulation des masses fait incontestablement partie du combat.

La guerre ne se remportera que par les armes et par les âmes. Ceux qui propagent le mensonge portent atteinte à l’âme de la France, à l’âme des démocraties, à l’âme de notre civilisation. Il est du devoir des responsables politiques de rappeler les médias en général et l’AFP en particulier à leurs responsabilités et à l’éthique qui fait l’honneur et la grandeur de la liberté d’informer dans une démocratie.

[1] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000315388

[2] Clément Weill-Raynal, « L’agence France Presse et la couverture de l’Intifada », http://www.nuitdorient.com/n122.htm

ELNET
Think tank du dialogue stratégique entre la France et Israël, ELNET est une organisation européenne indépendante et apolitique qui oeuvre au renforcement des relations entre l’Europe et Israël. L’action d’ELNET, inspirée des valeurs républicaines, s’inscrit résolument dans la promotion de la démocratie, de la liberté, de la justice et de la paix.

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André

Effectivement cette dépêche va loin et je la trouve même curieuse dans la mesure où il s’agit de la France et non d’Israël. Curieux aussi de connaître l’identité du journaliste français ayant rédigé cette dépêche…