Les Arabes israéliens « pris à la gorge » par le fléau du crime organisé

La violence dans la communauté arabe a enregistré un record de 128 morts en 2021, d’après un décompte de l’ONG locale Aman.

Lorsqu’il pointe du doigt sa porte perforée de balles, Sami Abou Chamsia dévoile des poignets enroulés de pansements. Un souvenir de cinq jours passés aux mains d’un des gangs criminels qui sévissent dans la communauté arabe israélienne.

Ce Palestinien de 47 ans se dit victime collatérale d’une vague de violence qui ronge les localités arabes en Israël. Cette situation a poussé le gouvernement israélien à approuver fin octobre un plan de huit milliards d’euros sur cinq ans pour améliorer les conditions socio-économiques de la minorité arabe.

Le 14 octobre, ce commerçant avait été enlevé par des hommes armés et cagoulés devant son lieu de travail, avant d’être détenu à Lod, ville mixte arabe et juive du centre d’Israël minée par la criminalité. Des images de vidéosurveillance le montrent être jeté dans une camionnette qui file à toute vitesse.

« On m’a bandé les yeux. Pendant que j’étais otage, j’étais allongé par terre, mes mains étaient attachées à mes pieds (…) Ils m’ont battu et ont menacé de me tirer dans les jambes », dit-il, mais « j’ai refusé de rembourser une somme que je n’ai jamais empruntée ».

Les criminels s’en sont pris à lui, faute de pouvoir mettre la main sur son frère, empêtré dans des problèmes de gangs. Sami a fini par être relâché au bout de cinq jours. Avant cela, il avait été menacé à plusieurs reprises, et on avait tiré à balles réelles sur sa porte.

Désavoué par sa famille il y a six ans, le frère a accumulé une dette de 850 000 shekels (environ 237 000 euros) auprès de criminels, ont expliqué plusieurs membres de la famille dans leur maison à Jérusalem-Est, secteur palestinien occupé et annexé par Israël.

Un État dans l’État

Explosion d’une voiture à Nahariya, fusillade au volant à Haïfa (Nord), tirs en direction d’un homme qui saute dans la mer à Jaffa pour tenter d’échapper à ses agresseurs : la violence dans la communauté arabe a fait un record de 128 morts en 2021, d’après un décompte de l’ONG locale Aman.

Pour Omer Bar-Lev, ministre de la Sécurité publique, les « familles criminelles dans les secteurs arabes » ont « pris à la gorge » le reste de la communauté, composée des descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création de l’État hébreu en 1948 et représentant environ 20 % de la population israélienne.

Le Premier ministre Naftali Bennett a dénoncé « un État dans l’État », affirmant que les gangs avaient « des quantités d’armes illégales suffisantes pour une petite armée ».

Aujourd’hui, cinq familles mafieuses arabes sont omniprésentes et leur pouvoir s’est considérablement renforcé depuis 2003, explique Walid Haddad, criminologue et ancien conseiller du ministère de l’Intérieur.

Après la tentative d’assassinat cette année-là d’un parrain de la mafia juive, attaque qui avait fait trois morts à Tel-Aviv, les autorités avaient lancé une répression sans merci des mafias juives.

Mafias incontournables

Une fois celles-ci affaiblies, les mafias arabes « ont pris la place », explique M. Haddad : « Elles ont décidé de se concentrer dans les localités arabes car elles savent que la police se fiche de ce qu’il s’y passe ».

Ces mafias sont vite devenues incontournables, notamment pour prêter de l’argent à une minorité qui se dit souvent discriminée par les banques israéliennes, explique Jaafar Farah, directeur de Moussawa, une ONG de défense des droits des Arabes israéliens.

Pour tenter de remédier au problème, la coalition de M. Bennett, soutenue par un parti arabe, la formation islamiste Raam, une première dans l’histoire d’Israël, a approuvé le plan de huit milliards d’euros et un plan de 686 millions d’euros dédié à la lutte contre la criminalité dans les secteurs arabes a aussi été adopté.

Frappés par un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale et ayant plus de difficultés à obtenir des prêts selon lui, les Arabes israéliens se retrouvent « obligés d’emprunter à un taux très élevé sur le marché noir des gangs criminels », relève M. Farah. « Si le bénéficiaire tarde à rembourser, on crible sa maison de balles. Et s’il ne paie toujours pas, on lui tire dans les jambes ou on le tue ».

Majeda EL-BATSH, Ben SIMON/AFP

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