Accueil International La Turquie s’embrase avec le PKK et la gauche

La Turquie s’embrase avec le PKK et la gauche

901

La Turquie face à la montée de la colère kurde

A Istanbul le 26 juillet, une femme brandit une pancarte «Paix bloquée» face à un policier, après l'interdiction d'une grande marche en mémoire des victimes kurdes d'un attentat mené à la frontière syrienne.

C’est une colère qui monte de jour en jour, au fur et à mesure que s’accentuent les bombardements intensifs de l’aviation et de l’artillerie turques contre les positions de la guérilla kurde du PKK, en Irak et en Syrie, et les arrestations de centaines de militants de la cause kurde. «Tout le processus de paix entre Ankara et le PKK est désormais remis en cause et cet engrenage de la violence renforce encore l’option d’élections anticipées en novembre 2015, où les islamistes au pouvoir de l’AKP espèrent gagner la majorité qu’ils ont ratée en juin», constate Nuray Mert, politologue et commentatrice de la chaîne prokurde IMC. Les frappes contre les infrastructures militaires du PKK dans la région frontalière turco-irakienne sont une première depuis décembre 2012, date du début du processus de la paix entre Ankara et le PKK. Les signes d’une tension croissante sont partout. La préfecture de la ville d’Istanbul a interdit dimanche la grande marche pour la paix organisée notamment par le HDP (Parti démocratique des peuples), le parti prokurde qui avait remporté 12% des voix en juin. La police d’Ankara a empêché les manifestations dans la capitale.

Côté PKK, c’est la guerre, dans les actes comme dans les mots. «Un commandant régional est tombé martyr et quatre de nos combattants ont été blessés lors des raids, qui ont également visé des objectifs civils»,précisait samedi soir un communiqué de cette organisation qui mène la lutte armée contre Ankara depuis 1984, dans un conflit qui a fait plus de 45 000 morts. «Le cessez-le-feu n’a plus de sens», clame dans ce texte le PKK, répondant aux menaces du président de la République, Recep Tayyip Erdogan, qui les avait appelé «à rendre les armes ou à subir toutes les conséquences de ce refus». Le fait que le leader historique du PKK, Abdullah Ocalan, en prison depuis 1999, n’a pas pu recevoir de visiteurs, parents proches ou avocats depuis maintenant presque trois mois complique encore la donne et exaspère les Kurdes. «L’isolement d’Ocalan est un casus belli»,estime lundi le quotidien kurde Ozgur Gundem.

PRIS DANS L’ÉTAU

Les islamo-conservateurs, au pouvoir depuis 2002, manient un vocabulaire tout aussi martial. «Ces attaques [celles menées par le PKK, ndlr] menacent la démocratie et elles se poursuivront jusqu’à ce que le PKK mette fin à ses opérations», a expliqué le premier ministre Ahmet Davutoglu, fort du soutien donné par les Américains aux frappes contre la guérilla kurde, classée organisation terroriste par Washington comme par l’UE. Cette dernière, par la voix de Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne, tout comme Berlin, appellent Ankara à ne pas remettre en cause le processus de paix. D’où les déclarations qui se veulent apaisantes de Davutoglu, soulignant que «le processus de paix est un processus stratégique» et que c’est au HDP, vitrine politique de la guérilla kurde, «de choisir entre les armes et la démocratie». Pris dans l’étau, ne pouvant ni désavouer le PKK sans indigner son électorat le plus militant, ni soutenir ses actions sans se couper de ses nouveaux électeurs de l’ouest, le HDP ne sait trop que faire, tout en dénonçant la stratégie d’Ankara. «L’AKP a déclenché une guerre pour sauver son pouvoir. Erdogan risque même un jour d’être jugé par une cour internationale en tant que criminel de guerre», affirme Sirri Sureya Onder, député du HDP. «Nous ne vous laisserons pas déclencher la guerre» est désormais le nouveau slogan du HDP, qui avait mené sa campagne électorale de juin contre Erdogan au cri de «Nous t’empêcherons de devenir président».

L’opération, lancée à la fois contre l’Etat islamique et le PKK, remet en tout cas Ankara au centre du jeu. «La présence d’une Turquie susceptible d’utiliser efficacement la force peut permettre de changer l’équilibre en Syrie, en Irak et dans toute la région», a déclaré le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu. Les autorités turques ont démenti toute attaque contre les Kurdes syriens du PYD, organiquement liés au PKK, tout en posant leurs conditions en vue d’une normalisation des relations avec cette organisation qui contrôle les zones kurdes de Syrie. «Si le PYD coupe ses liens avec le régime [du président syrien Bachar al] Assad, et ne représente pas de menace pour la Turquie […] il peut rejoindre le mouvement pour une Syrie démocratique», a précisé Ahmet Davutoglu, ajoutant que «si ce parti essaie de procéder à un nettoyage ethnique de la région […] les choses seraient différentes». Les autorités turques ont récemment accusé les Kurdes de Syrie de chasser les Turkmènes et les Arabes des zones qu’ils administrent, et elles s’inquiètent de la création d’une entité autonome kurde qui lui serait hostile à sa frontière sud.

 BLOCAGE POLITIQUE

Les bombardements et les arrestations de masse ont également influencé les pourparlers entre les partis pour la formation d’un gouvernement de coalition, qui jusqu’ici s’est avéré impossible depuis les élections du 7 juin, où pour la première fois depuis 12 ans l’AKP a perdu la majorité, même s’il reste la première force politique du pays. Certes, le climat de guerre pourrait pousser au compromis aussi bien les nationalistes du MHP que les sociaux-démocrates du CHP, la principale formation de l’opposition. Mais l’AKP reste intransigeante et fait monter les enchères. «Le Palais [Erdogan] désire des élections anticipées», assure un député du CHP. «L’AKP ne veut surtout pas partager le pouvoir et espère récupérer dans un scrutin anticipé les 10 points qu’il a perdus lors des élections du 7 juin», analyse Cengiz Candar, politologue de renom, fin connaisseur des rouages du parti islamo conservateur au pouvoir depuis novembre 2002.

 

La Turquie s’embrase à l’extrême gauche

Des affrontements entre militants d’extrême gauche et anarchistes d’un côté et forces de l’ordre turques de l’autre ont lieu depuis plusieurs jours en Turquie. La police procède depuis vendredi dans tout le pays à une vague d’arrestations visant des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes), des membres présumés du groupe djihadiste Etat islamique (EI) et des militants d’extrême gauche. Ces coups de filet interviennent après l’attentat suicide meurtrier attribué à l’EI perpétré à Suruç (sud) après lequel le gouvernement turc a ordonné des frappes aériennes contre des cibles djihadistes en Syrie et des positions du PKK en Irak. Ici, un militant lance un cocktail molotov en direction de la police, le 24 juillet à Istanbul.

PHOTOS. 10 images des émeutes en Turquie.

Pour dénoncer le double jeu mené par le gouvernement d’Erdogan, qui selon eux profite de la lutte contre l’Etat islamique pour frapper des positions kurdes, les manifestants pro-kurdes sont sortis dans les rues d’Istanbul. Lors du coup de filet contre les milieux d’extrême gauche, une jeune femme a été tuée par la police, ce qui a participé à embraser la situation. Ici, des manifestants tiennent une barricade dans le quartier populaire de Gazi, le 26 juillet à Istanbul.

Des militants d’extrême gauche brandissent des drapeaux rouges en signe de contestation durant les affrontements avec la police, le 25 juillet dans le quartier de Gazi à Istanbul.

Pour disperser les manifestants, la police a usé de canons à eaux et tiré des balles en plastique ainsi que des gaz lacrymogènes. Ici, un homme blessé est évacué par d’autres manifestants le 25 juillet dans le quartier de Gazi à Istanbul.

Des militants d’extrême gauche bâtissent une barricade à Gazi, quartier populaire d’Istanbul, le 24 juillet.

Le 26 juillet, plus de 600 arrestations avaient déjà eu lieu en Turquie. Le quartier de Gazi, en proie aux émeutes, est le bastion de la communauté alévie, musulmane progressiste et opposée au gouvernement islamo-conservateur d’Erdogan. Sur cette photo, un manifestant s’abrite face à un canon à eau durant les affrontements, le 26 juillet à Istanbul.

Durant les affrontements avec la police turque, un manifestant lance un cocktail molotov dans le quartier populaire de Gazi le 26 juillet.

Un manifestant déambule dans les rues de Cemevi Square à Istanbul, là où ont eu lieu de violents affrontements avec la police turque.

 

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Verified by MonsterInsights