Parmi tout ce qui nous fait vibrer en Israël, il y a la fierté de pouvoir dire qu’une innovation technologique ou une avancée scientifique est israélienne.

Alors ce n’est pas étonnant, si le 22 février dernier en pleine nuit, tous les regards étaient tournés vers Cap Canaveral: la sonde Bereshit y a décollé avec un objectif, atteindre la lune le 11 avril prochain.

Parmi les ingénieurs qui ont travaillé sur ce projet, on ne trouve pas moins de 3 olim de France: Ariel Gomez, Agnès Lévi et Avner M. Ils ont tous les trois accepté de répondre aux questions de LPH. Attention, décollage immédiat et frissons assurés.

Alya success story

L’histoire de la sonde Beresheet est donc indissociable de celle de trois alyot réussies. Ariel arrive en Israël en 2000, le bac en poche. Il étudie l’ingénierie électronique au Mahon Lev puis travaille sur le développement du tank Merkava, lors de son service Atudaï, au sein de Tsahal. Après 9 ans de service, il est embauché chez Elbit et travaille sur les lasers.

”Il y a 3 ans, on m’a proposé de rejoindre l’association Space IL pour réaliser une sonde qui se poserait sur la lune”.

Les tanks, les lasers, comment cela mène-t-il à une fusée sur la lune?

“A vrai dire, j’ai été le premier à me poser cette question. C’est même ce que j’ai dit à Alex Friedman, qui est à la tête du projet, lors de mon entretien d’embauche”.

Et que vous a-t-il répondu?

“Que lui non plus n’avait aucune idée de comment on pourrait construire une fusée qui atterrirait sur la lune! Il avait besoin de personnes qui réfléchissent pour y parvenir”.

Ariel Gomez

Agnès Lévi, quant à elle, vient du métier. Elle fait son alya, il y a cinq ans, après des études d’aéronautique en France et déjà une expérience dans le domaine. “Lorsque j’étais encore en poste en France, j’ai rencontré des représentants de Space IL. Le projet m’a séduite. Après mon alya, j’ai intégré l’association en tant que bénévole et parallèlement je cherchais un emploi. Finalement, le bénévolat s’est transformé en emploi salarié”.

Lorsque vous faites votre alya, vous pensiez que vous pourriez continuer à travailler dans votre domaine d’activité?

“Non, je m’étais faite à l’idée que je ne travaillerais pas dans le spatial. Inutile de dire ma joie de pouvoir le faire!”.

Au début, Agnès exploite les quelques mots d’hébreu qu’elle connait et se débrouille surtout avec l’anglais, très courant dans ce genre de métiers. Avec le temps, elle maîtrise maintenant bien la langue.

Et vos diplômes français, ont-ils été reconnus à leur juste valeur?

”Le fait d’avoir obtenu un doctorat après l’université a aidé à cela”.

Agnès Lévi

Avner est en Israël depuis 18 ans. Si ses parents ont fini par le laisser partir, c’est parce qu’il allait étudier au Technion. “J’y ai fait des études d’ingénierie aéronautique. A l’armée j’étais ingénieur officier dans la marine puis j’ai obtenu un master en aéronautique. Il y a un, on m’a proposé de travailler pour Space IL”.

Google Lunar X Price

Fin 2010, un grand concours est lancé: le Google Lunar X Price. L’objectif: être le premier à fabriquer une fusée capable d’atterrir sur la lune, d’y effectuer 500 mètres et de prendre des selfies. La récompense: 20 millions de dollars. Pour pouvoir participer, il fallait être une association à but non lucratif, non étatique, 90% des fonds devaient venir de fonds privés, sans limitation de budget imposée par le règlement.

C’est dans ce but qu’a été créée Space IL en 2011.

Au vu des contraintes de départ, la première des difficultés a été de trouver l’argent nécessaire. ”C’est un projet à plus de 90 millions de dollars. Rien que le lancement coûte 20 millions de dollars, soit la somme de la récompense en jeu”, nous apprend Ariel, ”sans subventions de l’Etat, en se basant uniquement sur des dons, la phase de la récolte des fonds n’était pas gagnée d’avance”. D’ailleurs, beaucoup des concurrents de Space IL n’ont pas réussi à passer cette étape.

Agnès souligne que le budget dont disposait Space IL était relativement restreint par rapport à une mission de cette ampleur. Mais cela arrête-t-il les Israéliens? Non, évidemment, ce n’est pas dans leur nature de se décourager pour si peu.

“Ce projet est un miroir de la mentalité israélienne, la start up nation”, poursuit Avner. Space IL est le premier concurrent à avoir réussi à parvenir au lancement de sa fusée.

200000 kilomètres et seulement à mi-chemin

Le 22 février, cette nuit aura vraiment été différente des autres nuits. Le lancement de Beresheet est prévu à Cap Canaveral et toute l’équipe de Space IL a les yeux rivés, depuis Israël sur les écrans.

 

”C’était un grand moment de stress”, nous décrit Avner, ”c’était à la fois le début du projet et l’aboutissement de plusieurs années de travail. Le lancement est un moment très critique, on sait que le risque est grand et que l’on peut tout perdre”.

Le soulagement se ressent lorsqu’une demi-heure après le décollage, Bereshit envoie son premier signal. Mais l’enthousiasme est mesuré: l’objectif est d’atterrir sur la lune: ”le plus dur est devant nous”.

 

”A partir de cet instant, nous découvrons vraiment ce qui fonctionne ou pas”, nous explique Agnès, ”Nous n’avons pas eu de trop mauvaises surprises mais quelques capteurs ne marchaient pas comme nous l’avions prévu. Il faut donc, à partir de là, faire avec les nouvelles contraintes”.

La première semaine, les ingénieurs de Space IL travaillent presque 24h/24: ”on avait posé des matelas dans la salle de conférence”.

Il faut surveiller la fusée de près, faire des ajustements, des manœuvres pour entrer dans une orbite stable. ”Nous devons analyser les données qui nous arrivent et il n’est pas toujours évident de comprendre pourquoi certains éléments ne fonctionnent pas”, avoue Avner.

C’est lui qui se charge de récolter les données relatives à la trajectoire puis les changements à effectuer sont évalués, une stratégie de manœuvre est sans cesse corrigée pour atteindre l’objectif lune.

A l’heure où nous faisons cet entretien, Beresheet a déjà parcouru 200000 kilomètres mais n’en est qu’à mi-chemin.

Ils sont 15 ingénieurs de Space IL et encore 15 de l’IAI (industrie aéronautique israélienne) à travailler sur ce projet.

Est-ce possible pour vous de mener une vie de famille en parallèle?

Ariel, père de 4 enfants s’amuse: ”Mes enfants sont tout excités. Ils se sont réveillés en pleine nuit pour voir le lancement. C’est devenu une aventure familiale. Ce sont surtout les 6 derniers mois qui ont été intenses et les quelques semaines devant nous. Comme dans tout travail, il y a des périodes plus chargées que d’autres”.

Avner est jeune marié: ”Nous prévoyons nos sorties en fonction des manœuvres à faire sur Bereshit”.

Mais la direction du projet prend soin de ses ingénieurs: ”on nous envoie nous reposer, on nous encourage à prendre du temps pour être avec nos familles”, reconnaissent-ils.

Que va-t-on chercher sur la lune?

La fierté nationale de voir une fusée israélienne se diriger vers la lune, alors que seuls des méga pays comme la Chine, les Etats-Unis et l’ex-URSS ont jusqu’à aujourd’hui réussi cet exploit, est palpable.

Pourtant, on entend aussi des voix dissonantes qui s’interroge sur l’utilité d’une telle démarche, surtout lorsque l’on voit les sommes d’argent qui sont en jeu.

“Le satellite prend des photos et le passage sur la lune rentre aussi dans une expérience scientifique que nous faisons avec le Mahon Weizman et dont je suis en charge”, commence à nous expliquer Ariel.

“Sur la lune et autour, il est intéressant de mesurer le champ magnétique. Celui-ci est très hétérogène et nous donne des indications sur ce qui se passe dans le noyau lunaire. Ces données seront analysées par le Mahon Weizman”.

Agnès avance un autre intérêt à cette mission: l’éducation. ”A travers ce projet, nous espérons encourager les jeunes générations à s’investir dans la science. Nous leur montrons jusqu’où elle peut nous amener. En d’autres termes, il s’agit aussi de faire rêver, ce qui n’empêche pas de consacrer aussi du temps et de l’argent à des causes plus terre à terre, qui touchent les gens dans leur quotidien”.

Agnès et Ariel sont d’ailleurs envoyés dans les écoles du pays pour faire de la pédagogie: ils leur expliquent comment une fusée est construite, leur parlent de leur travail et surtout souhaitent leur montrer que rien n’est impossible.

Et Avner renchérit: ”le principal donateur dans ce projet a déclaré qu’il s’agissait du plus bel investissement de sa vie. Cette phrase m’a beaucoup touché. Un homme mûr qui a construit des empires industriels et pour qui envoyer une sonde israélienne sur la lune est le plus bel investissement de sa vie!”.

Une fusée qui respecte Shabbat

Est-ce pour vous, aussi, un projet sioniste?

”Je rappelle que l’objectif de Space IL n’est pas uniquement que la fusée se pose sur la lune, mais qu’elle y plante le drapeau d’Israël. A l’intérieur, nous y avons déposé une Bible, l’Hatikva et des dessins d’enfants israéliens. Si ça ce n’est pas du sionisme!”, s’enthousiasme Ariel.

Et il ajoute même un élément étonnant: ”Bereshit respecte le Shabbat! Alex Friedman est un hassid Habad. Avec lui, nous sommes allés trouver le Rishon Létsion, le Rav Itshak Yossef, pour lui demander la conduite à tenir pendant Shabbat. Il nous a rendu une réponse de 6 pages. Nous n’effectuons aucune manœuvre le Shabbat. Cela rajoute des contraintes importantes mais nous nous y tenons”.

Et là aussi, Israël veut faire valoir sa réputation de pionnier. ”Ce projet est très représentatif de la société israélienne”, analyse Avner, ”nous rentrons sur le ring aérospatial, nous nous mesurons à des géants. Mais c’est cela Israël, avec des petits moyens et beaucoup de volonté, on réussit des grands projets, que l’on pensait être réservés seulement aux grands Etats”.

Un aller simple

Bereshit doit atterrir le 11 avril sur la lune, ni avant, ni après. ”Cette date a été fixée après des calculs précis relatifs à la configuration des astres et autres facteurs”, précise Agnès, ”elle ne pourra pas atterrir avant et si ce n’est pas le 11 avril, alors nous devrons le reporter d’un mois, ce qui constitue un enjeu financier important”. Et Ariel de rajouter: ”En plus, nous serions embêtés pour manœuvrer la fusée avec les contraintes de Pessah!”.

Compris, Beresheet a rendez-vous avec la lune le 11 avril et ne doit pas lui poser un lapin. Une fois cette rencontre officialisée, les photos souvenirs envoyées, les données transmises, elle restera sur la lune.

Pourquoi ne pas la faire revenir? ”Ce serait un autre projet”, estime Agnès, ”nous laissons cela à nos enfants. Ils réfléchiront sur la question de savoir comment la faire revenir”.

Ce qui ferme, pour le moment, tout vol habité sur la lune? ”Là aussi, c’est un autre projet, très complexe. Si cela a déjà été fait, on peut aujourd’hui remplacer l’humain par des robots, ce qui est beaucoup moins risqué et coûteux”.

Pour autant, les projets de voyages touristiques dans l’espace sont bien à l’ordre du jour, comme nous le confirme Ariel: ”La société Space X parle de faire un vol habité en 2019, avec un milliardaire japonais, autour de la lune. Le tourisme spatial commence à éclore. En tout cas, ce qui est certain c’est que la prochaine station spatiale internationale sera autour de la lune, ce qui permettra d’étudier les effets sur l’humain dans cette zone”.

A quand Shemot?

Le nom Beresheet a été choisi après une consultation populaire et il ne peut nous empêcher de penser qu’il marque le début d’une nouvelle ère pour la science. Ariel nous raconte en souriant que l’équipe pense à l’avenir et se prépare à ”Shemot ou Vayikra”. Mais pour l’heure, nos ingénieurs se concentrent sur l’objectif à atteindre: poser en douceur Beresheet sur la lune. Rendez-vous le 11 avril. Beatsla’ha!

Guitel Ben-Ishay

Source: lphinfo

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Léa

jalouisie quand tu nous tient!!!!

Eric

Cet exploit donne aux juifs une grande fierté et une leçon au monde entier.