Au Pakistan, des dessinateurs ont décidé d’unir leurs forces pour contrer la redoutable influence des Talibans sur la jeunesse. Grâce à l’ouvrage collectif Paasban, ils s’attaquent à leur rhétorique radicalisante.

<i>Paasban</i> est distribué gratuitement depuis le début de la semaine à 15.000 exemplaires dans toutes les librairies du Pendjab, et ce, autant en version originale anglaise que dans une traduction en ourdou.

C’est à coups de crayons, qu’un collectif d’artistes a décidé de combattre la radicalisation. Baptisée Paasban, une bande dessinée a été lancée au début de la semaine dans la province du Pendjab, la plus importante du pays. Cette œuvre fera ensuite le tour du monde par l’entremise d’une application pour téléphone mobile présentée le 10 juin.

Avec cette BD, «nous voulons montrer qu’on peut être croyant et non violent», a résumé plus tôt cette semaine, au micro de l’AFP, le scénariste de cette série, Gauhar Aftab. «Nous devons être des musulmans qui rejettent cet extrémisme violent dont certains groupes ont affublé notre foi.»

En trois tomes, la série suit le quotidien d’un groupe d’amis d’université pris entre modernité et tradition. Un jour, un des leurs va s’éloigner du groupe pour aller grossir les rangs d’une organisation religieuse versée dans les œuvres sociales, une façade permettant au djihad de recruter la jeunesse dont il a besoin pour entretenir sa violence. Il y aura soupçons sur les véritables visées de cet organisme, crainte de son islamisme sournois et tentative de sauvetage du copain. Le premier épisode s’intitule Obscurantisme et innocence. Le ton est donné.

Le scénariste a puisé dans son histoire personnelle pour nourrir la trame narrative de Paasban, et particulièrement dans ses années d’étudiant où, en quête de repères, il s’est fait avoir lui aussi, comme bien des jeunes aujourd’hui, par l’appel à combattre un soi-disant ennemi de l’islam. «Je me suis retrouvé moi-même confronté à une figure d’autorité, à l’âge de 13 ans, indique Gauhar Aftab. C’était un professeur très charismatique qui présentait le monde en noir et en blanc avec une division très claire entre les lois de la civilisation occidentale et les lois de la civilisation islamique.»

Le but était d’amener le jeune homme à combattre l’armée indienne dans la région himalayenne du Cachemire, un territoire sur lequel le Pakistan et l’Inde sont quotidiennement en tension depuis leur indépendance en 1947. Une intervention familiale a sauvé son âme que des radicaux religieux cherchaient, à dessein, à lui faire percevoir comme perdue, car menacée par un «autre».

C’est le massacre de Peshawar, dans le nord-ouest du Pakistan, en décembre dernier, qui a donné le coup d’envoi à ce projet de résistance par le dessin, explique Mustafa Hasnain, graphiste formé en Grande-Bretagne et surtout fondateur de Creative Frontiers, boîte de graphisme installée à Lahore, la capitale culturelle du pays, qui orchestre ce projet de bédé. 150 personnes, dont 130 enfants, ont perdu la vie dans cette attaque terroriste, une des plus sanglantes depuis 10 ans au Pakistan, sous les balles et la folie aveugle des talibans.

L’attaque de Peshawar «a été pour nous un moment très fort, un tournant», résume le jeune graphiste dont l’entreprise fait vivre une vingtaine de dessinateurs, informaticiens, auteurs. «J’ai été voir Gauhar et je lui ai dit: “ il faut vraiment qu’on fasse quelque chose contre cela ”». Le duo avait déjà l’engagement social au même diapason: tous deux bossaient sur un projet de sensibilisation aux méfaits de la corruption, un mal qui ronge la fragile économie tout comme le tissu social et politique du Pakistan depuis des années.

15.000 exemplaires vendus gratuitement

Paasban est distribué gratuitement depuis le début de la semaine à 15 000 exemplaires dans toutes les librairies du Pendjab, et ce, autant en version originale anglaise que dans une traduction en ourdou. Le changement de cadre linguistique a été piloté par l’écrivain et scénariste pakistanais Amjad Islam Amjad, auteur de plusieurs séries télévisées populaires. Cela devrait faciliter la propagation de cette bd sur un territoire où seule une petite élite parle couramment l’anglais, estiment les instigateurs de ce projet.

La série se déclinera également dans quelques jours dans une version pour téléphone intelligent où la bande dessinée est exposée case par case et jumelée à une bande sonore puisant dans des tonalités dramatiques.

Pour Gauhar Aftab, le scénariste de Paasban, cette autre guerre sainte, celle du saint phylactère, pour combattre l’exploitation de la désillusion de la jeunesse par des radicaux religieux, devrait créer une brèche dans laquelle d’autres auteurs et artistes gagneraient à s’engouffrer, espère-t-il. Et ce, malgré les pressions ou menaces de certains cercles islamistes influents.

 

Le Figaro.fr

 

 

 

 

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