Israeli Supreme Court President Esther Hayut and Supreme Court justices arrive to petitions against the Jewish Nation-State Law, at the Supreme Court in Jerusalem on December 22, 2020. Photo by Yonatan Sindel/Flash90 *** Local Caption *** עתירה עתירות חוק הלאום הרכב מורכב אסתר חיות בית משפט עליון ממשלה עורכי דין

En marge de la réforme judiciaire : La Cour suprême et l’identité d’Israël

Par Pierre Lurçat

Synagogue de Neve Dekalim détruite après le retrait du Goush Katif

Synagogue de Neve Dekalim détruite après le retrait du Goush Katif

Deux éléments sont essentiels à la compréhension du débat juridico-politique actuel autour de la réforme judiciaire en Israël. Le premier est le fait que le système tel qu’il existe aujourd’hui repose sur une “monstruosité” juridique (au sens d’une réalité contre-nature), à savoir une Cour suprême exerçant le contrôle constitutionnel le plus activiste et le plus poussé du monde occidental, en l’absence de Constitution véritable. Sous la houlette du juge Barak, la Cour suprême a en effet accaparé les pouvoirs de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat, de la Cour des Comptes et du Conseil constitutionnel… alors qu’Israël ne dispose d’aucune Constitution et d’aucune loi lui conférant de tels pouvoirs.

Le second élément est le fait que la “Révolution constitutionnelle” menée par le juge Barak dans les années 1990 a rompu le fragile statu quo instauré par David Ben Gourion en 1948, en abolissant la frontière entre droit et politique, entre décisions judiciaires et politiques et entre les normes juridiques acceptés de tous et les valeurs sociétales, sur lesquelles il n’existe pas de consensus en Israël. C’est ce fragile statu quo ante que la réforme Levin s’efforce de rétablir aujourd’hui. Dans les lignes qui suivent[1], je relate comment la Cour suprême a pris parti dans le Kulturkampf israélien et est devenue un acteur politique, avec le soutien des élites post-sionistes et de la frange gauche de l’échiquier politique, à partir des années 1990.

Ben Gourion: un esprit de compromis

Ben Gourion: un esprit de compromis

Pendant les quatre premières décennies de l’État d’Israël, la question de l’identité du droit israélien – juif ou occidental – s’est pour l’essentiel résumée à celle, de la place occupée par le droit hébraïque dans le système judiciaire. Celle-ci était pour l’essentiel une question technique, qui intéressait principalement les juristes et les hommes politiques, et beaucoup moins le grand public. Cette situation a été radicalement modifiée dans les années 1990, avec l’émergence de la doctrine de l’activisme judiciaire : à savoir, l’idée que la Cour suprême, et les tribunaux en général, n’ont pas seulement pour vocation de dire le droit et de trancher des litiges juridiques, mais qu’ils sont également habilités à se prononcer sur des questions de valeurs, en prenant ouvertement position dans le débat public, y compris sur des questions autrefois considérées comme échappant aux tribunaux.

Cette politisation de la Cour suprême a largement été l’œuvre d’un seul homme, le juge Aharon Barak, qui a mené à bien, à partir de la fin des années 1980, une véritable “révolution constitutionnelle”. Celle-ci s’est traduite par l’émergence d’un pouvoir judiciaire, faisant concurrence au pouvoir législatif de la Knesset et au gouvernement, en intervenant régulièrement dans des questions politiques ou sécuritaires. C’est ainsi que la Cour suprême israélienne, sous la présidence du juge Barak et jusqu’à aujourd’hui, s’est érigée en véritable “pouvoir des juges”. Ce faisant, elle a porté atteinte au fragile équilibre des pouvoirs sur lequel repose le système démocratique et à la confiance du public en l’impartialité des juges.

Cette évolution a été concomitante au phénomène de judiciarisation de la vie publique, commun à plusieurs démocraties occidentales à partir des années 1990. Mais elle revêt en Israël une dimension particulière, du fait de la situation spécifique à ce pays, qui tient notamment à l’absence de constitution formelle[2]. A partir de la “révolution constitutionnelle” menée à bien par le juge Barak, la Cour suprême a non seulement bouleversé l’équilibre des institutions, en accélérant dramatiquement le processus d’élaboration d’une constitution ; mais elle a aussi pesé de tout son poids dans le débat politique, en affaiblissant la notion d’un État juif inscrite dans la Déclaration d’Indépendance de 1948, au profit de celle “d’État de tous ses citoyens”[3]. C’est sans doute l’aspect le plus significatif de cette Révolution constitutionnelle, largement passée inaperçue du grand public à ses débuts, et qui suscite aujourd’hui une vive opposition et donne lieu à des débats virulents à la Knesset, dans les médias et dans la sphère publique en général.

Ainsi, la polémique déclenchée par le vote à la Knesset de la Loi fondamentale définissant Israël comme “l’État-nation du peuple Juif” est une conséquence directe de l’affaiblissement de la notion d’État juif par la Cour suprême. Cette notion était en effet inscrite dans la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël de 1948, qui mentionnait explicitement le “droit naturel du peuple juif d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain”. L’idée que le nouvel État d’Israël était l’État-nation du peuple Juif était considérée comme une évidence incontestable par ses fondateurs, et elle a été acceptée par la communauté des nations, lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies du 29 novembre 1947.

Comment cette évidence a-t-elle été progressivement remise en question, au point que l’adoption par le parlement israélien de la Loi fondamentale sur l’État juif est aujourd’hui largement dénoncée comme “polémique” ou anti-démocratique ? La réponse à cette question est étroitement liée à l’interventionnisme judiciaire de la Cour suprême. C’est en effet cette dernière qui a ébranlé le large consensus qui existait en Israël en 1948, lors de la proclamation d’Indépendance, signée par des représentants de tous les partis, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique. En faisant du caractère juif de l’État un sujet polémique et en opposant “État juif” et “État démocratique” – deux réalités qui avaient coexisté sans problème majeur pendant quatre décennies – la Cour suprême a ouvert la boîte de Pandore.

Dans l’esprit des pères fondateurs du sionisme politique et des premiers dirigeants de l’État d’Israël – au premier rang desquels David Ben Gourion – le caractère juif de l’État n’était en effet nullement contradictoire avec son caractère démocratique. C’est dans cet esprit qu’il a élaboré le fragile équilibre sur lequel ont reposé l’État et ses institutions après 1948. Ben Gourion a fait preuve à cet égard d’une volonté de compromis inhabituelle, qu’il justifie ainsi dans ses écrits : “Sauver la nation et préserver son indépendance et sa sécurité prime sur tout idéal religieux ou antireligieux. Il est nécessaire, dans cette période où nous posons les fondations de l’État, que des hommes obéissant à des préoccupations et à des principes différents travaillent ensemble… Nous devons tous faire montre d’un sage esprit de compromis sur tous les problèmes économiques, religieux, politiques et constitutionnels qui peuvent supporter d’être différés[4].

Par Pierre Lurçat  vudejerusalem.over-blog.com

La présidente de la Cour suprême Esther Hayut et les juges arrivent pour entendre les pétitions contre la loi sur l’État-nation juif, à la Cour suprême à Jérusalem, le 22 décembre 2020 (Crédit : YonatanSindel/Flash90)


[1] Extraites de mon livre Israël, le rêve inachevé, Editions de Paris / Max Chaleil 2019.

[2] Pour des raisons historiques et politiques, l’Assemblée constituante élue en 1949 ne put accomplir sa tâche constitutionnelle, comme le prévoyait la Déclaration d’Indépendance. Au lieu de cela, elle adopta le principe d’une “Constitution par étapes”, c’est-à-dire de l’élaboration successive de Lois fondamentales, qui furent effectivement adoptées à partir de 1958.

[3] Je renvoie à ce sujet à mon livre La trahison des clercs d’Israël, chapitre 13. La Maison d’Edition 2016.

[4] David Ben Gourion, in Hazon ve-Derekh, cité par Avraham Avi-Hai, Ben Gourion bâtisseur d’État, p. 120.

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Charles DALGER

Notre ami Pierre LURCAT a raison d’expliquer et de réexpliquer, sans cesse, les tares profondes du système judiciaire israélien et la dérive politique d’extrême gauche qui en découle.
Le problème, c’est que peu d’Israéliens en particulier, et de Juifs en général, ont des notions sur la nécessaire séparation des pouvoirs législatif et judiciaire.
Depuis la renaissance en 1948, d’éminents juristes israéliens et juifs, alertent sur ce flou.
Ce qui est par contre incompréhensible, c’est l’extrême légalisme des Israéliens de tous bords, religieux, ou pas, par rapport aux iniquités des décisions de ce qu’ils appellent « la cour suprême ». Il n’est qu’à voir les rares réactions après chaque jugement inique. Les critiques ne vont pas au système judiciaire, biaisé par nature, mais aux éléments du jugement.

Ce serait une énorme déception et une perte importante de confiance, si le Roch Hamemchala interrompait la réforme pour remettre les juges à leur place.

Alex E. MÉRALI

Pardon, Charles, de vous corriger. Il existe une différence essentielle dans le droit constitutionnel : il n’y a que 2 pouvoirs bien séparés : le législatif et l’exécutif. Le judiciaire n’est pas un pouvoir. C’est simplement une fonction, très importante, dont le caractère non asservi doit impérativement être protégé dans toute véritable démocratie. En revanche, le constituant (législatif, en général sur initiative de l’exécutif) lui, peut parfaitement préciser l’indépendance du judiciaire ou, encore mieux, légiférer pour ramener le judiciaire à sa place s’il s’arroge des droits (comme il n’a cessé de le faire, en Israël comme en France) et donc le contraindre à la raison. Indépendance de la justice ne signifie en aucun cas droit d’empiéter sur les prérogatives dont seuls disposent les 2 pouvoirs.

Franck DEBANNER

Puisque aucun Israélien n’ose évoquer le simple fait que le pire démolisseur à l’intérieur d’Israël, soit jugé, il serait opportun qu’un Juif de l’exil, règle définitivement le problème, pour le plus grand bien du pays Israël, et pour le peuple Juif tout entier !

marco darmon

trouvez vous normal que la cour supreme defend plus les interets des palestiniens via les ong gauchistes juives d israel  » yesh din , yesh vul , shalom achav , bethselem etc que bibi n a jamais voulu les attaquer et les interdire d exister tellement ce bibi est un idiot car avec de tels personnes gauchistes il faut s attaquer a eux en les mettant tous «  » HORS D ETAT DE NUIRE «  » et les considerer comme des traitres comme le journal haaretz qu on devrait faire fermer pour le soutien qu il a envers la cause palestinienne «  » HONTE A CES TRAITRES QUI MERITENT QU UNE B… ENTRE LES 2 Y…POUR TRAHIR ISRAEL ET LA CAUSE JUIVE …

LA DROITE A RAISON DE S EN PRENDRE A LA COUR SUPREME QUI DEFEND PLUS LA CAUSE PALESTINIENNE QUE CELLE D ISRAEL SIONISTE …

C EST PAS NORMAL QUE LA COUR SUPREME PUISSE DECIDER DE DEMANTELER LES YICHOUVIMS DE JUDEE SAMARIE PARCE QUE SOI DISANT ELLES SE TROUVENT EN TERRE ARABO PALESTINIENNE ALORS ON LE SAIT TOUT EST FAUX …. OU ENCORE CETTE COUR AVAIT AUTORISER L EXPULSION DES JUIFS DU SINAI AU TEMPS DU PM LIKOUD BEGIN EN 1982 ET DU PM SHARON POUR EXPULSER LES JUIFS DE GAZA EN 2005 ET COMMENT LE LIKOUD A T IL PU VENDRE SON AME POUR EXECUTER LES ORDRES DE LA COUR SUPREME ALORS QUE CA AURAIT DU ETRE LA KNESSET ET LA MAJORITE QUI AURAIT DU AVOIR LE DERNIER MOT ..PAR 61 DEPUTES SUR 120 ..

MOI J APPROUVE LE PLAN DE YARIV LEVINE QUI DOIT CONTINUER POUR CHANGER TOUT CA ET BRISER OSLO AUSSI QUE LE LIKOUD JUSQU A NOS JOURS NA JAMAIS OSER ANNULER PAR LA KNESSET TELLEMENT LE LIKOUD A VENDU SON AME ..EN FAISANT LA MEME CHOSE QUE LA GAUCHE TRAITRE PARTISANE D UN ETAT FATAH …

VOILA CE QUE JE PENSE …DU PLAN DE LEVIN QUI EST TRES BIEN POUR ISRAEL ET QUE LA GAUCHE VA SE FAIRE FOUTRE ET QUE LES GAUCHISTES QUITTENT ISRAEL CA SERA BIEN POUR ISRAEL …

AU LIEU QUE TOUS LES JUIFS SOIENT TOUS UNIS POUR ISRAEL HELAS LA GAUCHE VEUT UN ETAT FATAH ALORS QUE CE MEME FATAH A DECLENCHER L INTIFADA AVEC TOUS LES MORTS JUIFS QUE L ON SAIT ..ET EUX CES GAUCHISTES ONT LA MEMOIRE COURTE POUR TJR JURER SUR UN ETAT FATAH COMME LES YESH ATID ..AVODA MERETZ ET MEME GANTZ ET EIZENCOTT QUI NE JURENT QUE SUR UN ETAT FATAH ..HONTE A CES TRAITRES …

AU MOINS LA DROITE EST UNIE D ETRE CONTRE UN TEL ETAT FATAH MAIS LE LIKOUD A ETE LE 1ER A FAIRE DES CONCESSIONS AUX ARABES A L EGYPTE EN RENDANT LE SINAI SOUS UN PM FAUCON LIKOUD …ALORS CA AURAIT DU ETRE L EGYPTE QUI AURAIT DU EN PAYER LE PRIX ..PAS A ISRAEL …§§

ILS SONT TOUS COUPABLES D AVOIR VENDU ET TRAHI ISRAEL ET AVEC LES ARABES FAUT ETRE DUR ET INTRANSIGEANT C EST TOUT PAS LEUR FAIRE DES CADEAUX COMME LEUR ONT FAIT LE LIKOUD ET LA GAUCHE D OSLO …

AM ISRAEL CHAI ET VIVE BEN GVIR ET SMOTRIC