Pourquoi et pour combien de temps encore, le gouvernement de Binyamin Netanyahu concède(ra) t-il le maintien d’un régime Hamas à Gaza, alors que des voix nombreuses, notamment, au sein du cabinet (Yuval Steinitz, Miri Regev, Naftali Bennett et l’Avigdor Lieberman de la semaine passée, avant qu’il ne change d’avis en ouvrant le passage de Kerem Shalom), parmi les résidents et les maires du sud, -dont Alon Davidi, le maire de Sderot, devenue ville-cible,- appellent à une solution définitive pour Gaza, qui puisse apporter une garantie de calme pour la région méridionale d’Israël?

 

Qui est réellement intéressé par la « trêve » de longue durée (réduite de 5 à 1 an, en moins d’une semaine), négociée depuis longtemps par la direction des services de renseignements égyptiens et le médiateur de l’ONU, Nikolaï Mladenov? Ou, plus prosaïquement, qui est prêt à y croire? Le Major-Général égyptien Abbas Kamal s’est rendu, fait exceptionnel, à Tel Aviv, en gage d’implication hors-norme à parvenir à un accord de trêve avec les voyous de Gaza. Avigdor Lieberman en personne dit avoir rencontré le représentant Qatari pour mettre au point un plan humanitaire et de fourniture électrique à l’enclave, -sous-entendu : que l’Autorité Palestinienne joue ou non le jeu.

C’est d’ailleurs là que le bât blesse, puisque Mahmoud Abbas n’a pas eu la courtoisie diplomatique de recevoir le chef des renseignements égyptiens, Abbas Kamal pour seulement prêter attention à ce qu’il pourrait avoir à lui proposer comme garanties. Le chef israélien des renseignements intérieurs, Nadav Argaman, du Shin Bet, abonde pour partie en son sens et fait comprendre l’erreur majeure que commettrait Israël, en concédant même un blanc-seing temporaire au Hamas à Gaza : cela signifierait accorder une prime au terrorisme, à la casse, aux cerfs-volants incendiaires et aux désordres à la barrière de sécurité. L’Etat Juif opérerait alors à la française, où les moindres éclats d’arrêts de bus saccagés et de voitures brûlées sont toujours récompensés par des budgets pharaoniques.

Politiquement, laisse entendre Argaman, on marginaliserait un peu plus le camp des néanmoins signataires d’Oslo et laisserait la main aux Frères Musulmans de l’enclave sud, épaulés par le Qatar, la Turquie en conflit financier et géopolitique avec Washington, incidemment par le Hezbollah et l’Iran, les archi-ennemis que compte Israël au Moyen-Orient.

Le Hamas lui-même ne voit dans la trêve qu’un moyen de se sortir la tête de l’étau qui s’est peu-à-peu refermé, après l’été meurtrier de 2014.

Quant à la tête de l’Etat d’Israël, c’est, semble t-il, la perspective d’élections anticipées ou qui surviendront nécessairement en fin 2019, qui pousse à gagner du temps.

A court terme et sur le plan intérieur, un accord de restitution des corps d’Oron Shaul et Hadar Goldin, les deux soldats détenus comme un trophée par les terroristes gazaouïtes et le retour des deux otages égarés, Avraham Mengistu, un jeune déséquilibré d’origine éthiopienne et un Bédouin transhumant dont le nom n’est pas autorisé à publication, représenteraient un succès d’estime et la préservation de l’ethos de Tsahal pour le négociateur qui y parviendrait. On le sait, cet enjeu humain fort, déterminant, est devenu un sujet d’acrimonie et d’échanges verbaux violents, entre le bureau du Premier Ministre, le Ministère de la Défense et les familles endeuillées. On laisse comprendre que Tsahal dispose des unités commandos et des moyens d’un coup de force pour les récupérer, va t-on dire : « comme au bon vieux temps » de la solidarité du champ de bataille où « on n’abandonne pas un des nôtres sur le terrain ». Pourtant, cette disposition a été radicalement appliquée, par le déclenchement du Code Hannibal, au moment même de la disparition de la dépouille d’Hadar Goldin : les secteurs terroristes de Rafah avaient intensivement été bombardés pour couper les espaces de fuite, ratissés un à un par les meilleures unités commandos présentes afin d’empêcher la fuite des ravisseurs. Au-delà, retrouver les corps tenus en otage représente un enjeu religieux et humain fort, mais n’implique pas nécessairement de mettre en jeu la vie d’autres soldats. Le « prix à payer » d’une libération de terroristes ayant du sang sur les mains n’aurait rien de comparable avec l’échange catastrophique de tueurs contre le caporal Gilad Shalit. Il faut amener le Hamas à y renoncer, parce qu’il aurait encore plus à perdre s’il maintient la pression.

Concernant les négociations, derrière l’Egypte et l’ONU, on peut deviner la main invisible de Donald Trump, qui peut être contrarié par l’obstination d’Abu Mazen : celui-ci a pris la mouche et se sent trahi, y compris par le camp arabe (le père de Mohamed Bin Salman est, néanmoins venu à sa rescousse dernièrement, en réaffirmant la revendication de Jérusalem-Est), au moment de l’épisode de la reconnaissance de Jérusalem. En tant qu’homme d’affaires, à l’approche économiste, appliquée aux enjeux géostratégiques, Trump attribue un prix immense à une négociation rondement menée avec les pires ennemis, a  priori, de la démocratie. On l’a vu avec Kim Jong Un, y compris avec Rouhani, là encore, au-delà d’une farouche obstination, tenant aux postulats idéologiques de chaque partie. Pour forcer la main d’Abbas, dans le cadre du « deal du siècle », Trump peut avoir besoin d’un « poisson-pilote » comme le Hamas, qui n’est jamais qu’un succédané en miniature des semi-colosses comme l’Iran ou la Corée du Nord qu’il affronte par ailleurs. Et, comme Parangon surdimensionné d’Abbas, Donald Trump bénéficie d’un autre sparring-partner dur en affaires, en la personne d’Erdogan, qui lui tient aussi tête, en refusant de céder au marché de l’échange d’otages, puisque, contre le renvoi de la militante pro-Hamas Ebru Özkan, libérée par Israël, le dictateur d’Ankara devait laisser partir le révérend Andrew Brunson. A coup de sanctions ou d’augmentation de taxes douanières, l’Administration américaine espère, progressivement, finir par faire flancher ses deux outsiders les plus tenaces : Téhéran et Ankara…

Pour Abbas, en fin de carrière, après le blocus et les sanctions contre le Hamas, démontrer que même les pires ennemis de l’Occident, par intérêt bien compris, ou projection à long terme, préfèrent une négociation dûment conditionnée, sans vendre définitivement leur fonds de commerce idéologique (la destruction d’Israël et la réinstallation des populations arabes à Tel Aviv et Haïfa), pousserait Ramallah à se montrer un peu moins intransigeant. La dynamique semble simple : Abu Mazen, patron de l’OLP ne peut rien céder tant qu’il a dans le dos l’arme aiguisée de ses rivaux du Hamas qui l’assaillent en tant que traître à la cause et vendu à Washington et « Tel Aviv » (pour éviter le gros mot de Jérusalem, selon la vindicte palestinienne). Débloquer cette systémique de la terreur revient à forcer le Hamas à céder le premier, tout en s’appuyant sur des mentors qui, comme le Qatar, ont tout à gagner à se montrer médiateurs indispensables parce qu’écoutés par les moutons noirs de la scène internationale. Si le Qatar joue ce rôle, même s’il est boycotté par les frères arabes sunnites du Golfe, cela justifie le crédit que lui accorde encore Washington et, d’une pierre deux coups pour Trump, cela affaiblit considérablement la ligue des Frères Musulmans, reliant Doha à Ankara. Au-delà d’eux, Abbas perd ces derniers remparts turc et qatari, et, si et seulement si ces points pouvaient être acquis, Les Etats-Unis redeviennent incontournables au Moyen-Orient, alors que, sur le plan militaire, c’est Poutine qui a fait l’effort en Syrie, ces trois dernières années.

Le Hamas bénéficierait d’un port contrôlé à Nicosie pour que les matériaux nécessaires aux missiles et tunnels n’atteignent pas l’enclave ; le Qatar se substituerait à l’Autorité Palestinienne en matière de fourniture de gaz et d’électricité, voire de salaires de « fonctionnaires » du Hamas et l’accord réaliserait un certain nombre de progrès sur le plan économique et donc humanitaire. Alors quoi? Le Hamas pourrait tranquillement attendre une meilleure conjoncture pour reprendre sa rhétorique agressive et marquer des points par un rituel de « marche du retour » à la frontière? Est-ce cela le « meilleur des mondes » possibles, avec un ex-archi ennemi, seulement à demi-endormi, en attendant que la charge du Hezbollah et des milices chiites pro-iraniennes viennent à sa rescousse au Nord, pour livrer son baroud d’honneur?

Qu’est-ce qu’Israël, hormis le calme jusqu’aux prochaines élections, pourrait bien avoir à y gagner, à long terme? Est-ce un sursis pour le sud rageur?

Sur le plan militaire, selon toutes les indications observées ces derniers temps, Tsahal dispose d’ordres précis et de plans capables d’infliger un prix tellement élevé au Hamas qu’il n’aurait d’autre choix que de demander à prolonger une trêve à moyen terme, par l’entremise de l’Egypte et de l’envoyé spécial de  l’ONU, Nikolaï Mladenov. C’est, en tout cas, la leçon immédiate qu’on puisse tirer, à titre de « prix de consolation », des derniers événements.

Avec la perte d’une partie conséquente de ses tunnels d’attaque, entre l’opération Bordure Protectrice et aujourd’hui, y compris des tunnels sous-marins débouchant sur les rivages comme la plage de Zikim, le groupe islamiste sait qu’Israël a, à sa disposition, de nouvelles technologies de détection. En outre, l’Etat Juif met en place des barrières sous-marines et souterraines qui limitent drastiquement les options agressives.

Les islamistes au pouvoir dans l’enclave ont aussi la quasi-certitude de la destruction de la majeure partie de leur stock de missiles, de leurs ateliers de fabrication, de leurs sites de lancements et postes d’observation, en cas de récidive. Les chefs militaires du Hamas savent donc que leurs options armées sont limitées.

Il n’est guère question, non plus, que des terroristes-suicide puissent s’infiltrer en territoire israélien, à l’occasion d’une des manifestations du vendredi à la barrière, quoi qu’en dise la presse occidentale, hostile à l’égard concept de souveraineté et d’intégrité nationale.

La notion de « trêve »(houdnah) que s’impose le groupe terroriste dirigeant à Gaza, chaque fois que les coups de Tsahal risquent de réduire encore les capacités stratégiques de son bras armé, ne comprend pas l’arrêt des manifestations de la « marche du retour » à la barrière avec l’Etat hébreu ; pas question, non plus, de mettre un terme à sa politique de la « terre brûlée », qui consiste à incendier les cultures du sud israélien, par pilotage de cerfs-volants et de ballons incendiaires.

C’est une nouvelle faille paradoxale à surmonter pour la défense anti-aérienne israélienne : alors que Dôme de Fer abat régulièrement toutes sortes de projectiles hostiles, allant du missile, à la roquette, voire l’obus de mortier de courte portée, seuls 2/3 environ des engins incendiaires aéroportés low-cost que font flotter les cellules palestiniennes, peuvent être interceptés par des drones israéliens. Ceux-ci ont été mis au point d’abord par les agriculteurs eux-mêmes, puis adoptés par les unités de protection aérienne de Tsahal. Il va sans dire que ces contre-mesures devront progresser encore, afin de garantir une imperméabilité d’environ 80 à 90%, si l’idée de rendre les cieux totalement hermétiques à toute atteinte reste, pour le moment, hors de portée.

Si on fait le bilan, les agressions terroristes souterraines, voire sous-marines sont presque sous contrôle, la quasi-maîtrise du ciel est assurée, tant par l’aviation de l’IAF que par la défense anti-aérienne du Dôme de Fer, bientôt par le rayon-laser Bima, anti-obus de mortiers de courte portée. Les terroristes-suicide ne sont pas parvenus à s’infiltrer, sauf quelques-uns armés de couteau, depuis ou en Judée-Samarie, et une fois, un commando-armé sur sur le Mont du Temple de Jérusalem. Jamais, depuis l’enclave de Gaza.

Les attentats à la voiture-bélier ou au couteau sont de nature plus létales au nord-ouest que ne le sont, au sud, les pilotages d’engins incendiaires aéroportés. Même les tirs de roquettes demeurent aléatoires, avec quelques blessés et des dégâts matériels contre les habitations. L’agriculture et les résidences sont menacées, avec des dégâts spectaculaires, notamment dans les champs et forêts. Mais, sur la totalité des affrontements depuis le 31 mars, on compte un soldat tué par tir de sniper, le sergent Aviv Levy z’l, le 23 juillet.

Le paysage du sud d’Israël dans le voisinage de cette enclave terroriste s’est donc profondément modifié, au cours de cette mi-année 2018. La capacité de nuisance missilière ou par voie de roquettes du Hamas et de ses groupes partenaires-islamistes reste intacte, à courte ou moyenne portée (de Sderot à Beersheva -40 km-, en passant par Ashkelon et les conseils régionaux du sud) et selon des rythmes de frappe relativement courts, fréquemment entre 24 et 48h. L’intensité des répliques de l’artillerie et de l’armée de l’air de Tsahal incite ensuite les négociateurs dépêchés au Caire à chercher une solution médiane, pour s’éviter trop de déconvenues d’ordre « stratégique » (perte de nouveaux atouts). Au cours de ces périodes, Tsahal laisse entendre que la réduction de ces moyens balistiques, centres de commandement, d’entraînement, tunnels etc. est, à ses yeux, plus important que de tuer des para-militaires en grand nombre, ce qui enclencherait un conflit à un niveau supérieur, que ni l’un ni l’autre ne semblent souhaiter à ce stade.

On est à l’inverse du tableau de 51 jours de 2014, ressemblant à une guerre d’usure, jusqu’à ce que l’une des deux parties cède. Et ce fut le Hamas, quels que fussent les cris de « victoire à la Pyrrhus », qu’on ait entendu ici ou là : l’ampleur des destructions dans la Bande est restée considérable, l’argent international allant à la réparation de tunnel et à la recherche de nouveaux moyens de nuire, jamais au mieux-être des Amok prêts à se jeter comme des zombies sur la frontière.

D’autre part, malgré les attentes de constat d’un amenuisement de la popularité d’un régime qui traite aussi mal ses administrés, en se servant de la population comme bouclier humain, le Hamas est parvenu à reprendre à son compte la notion d’Intifada. Elle s’était illustrée par deux fois, avec un centre névralgique plutôt situé en territoires palestiniens de l’Ouest du Jourdain, en lisière de la Judée-Samarie libérée et à l’Est de Jérusalem, en 1987, puis à partir de 2000, sous l’égide d’un leader de l’OLP Arafat, mimant le fait d’être « débordé par les événements », de façon à conserver son aura de partenaire de négociation à Oslo. C’est l’apanage d’une lutte menée au nom du peuple et, apparemment, par une partie de celui-ci (même encadré par un mouvement radical), pour le « retour » des « réfugiés », repoussés par les différents conflits (1948, 1967 essentiellement) loin des zones côtières de ce qui est devenu l’Etat d’Israël.

Bien que le Hamas n’ait marqué aucun point d’ampleur, au cours de tous les conflits l’opposant à Israël, sinon par sa capacité de nuisance durant un temps défini, le changement de lexique et l’option politique consistent à s’emparer des symboles de la lutte globale « palestinienne » et à utiliser un nouveau moyen tactique : la foule-bélier prête à endommager symboliquement des segments de barrière, si elle ne parvient pas à reconquérir une part de territoire. Le simple fait, pour un groupuscule particulièrement hardi, de courir 25 à 100 m sur le sol israélien, représente une « victoire » parcellaire et de très courte durée, permettant de se filmer en conquérant, avant de se replier aussi vite que possible pour échapper à l’arrestation ou au tir de sniper dans les jambes, ou ailleurs. Si le gain territorial reste impossible ou purement virtuel, l’exaltation collective repose sur deux piliers :

* porter symboliquement atteinte à l’invincibilité militaire de Tsahal par une simple incursion et la coparticipation à la martyrologie hamasnik, par tous les moyens low-cost à portée du simple quidam : pneus enflammés déconseillés pour la santé de tous, démontant si besoin était, le caractère foncièrement suicidaire de la cause palestinienne, jets de pierres, de cocktails-Molotov et au bout du compte, de tout ce qui vole, pollue et détruit : dont les cerfs-volants et ballons.

* L’effet-propagandiste est assuré, auprès des mass-médias occidentaux, puisque même si le bilan est fortement mâtiné d’agents infiltrés à hauteur de 80% des effectifs abattus, la première impression reste celle à laquelle adhère l’opinion publique : une armée tire sur des « civils » en rase campagne, puisque l’infiltration en territoire souverain est interdite, par définition même de ce qu’est une « frontière ».  Dans un monde largement pacifié, la notion de frontière et de sécurité ne devient admissible que lorsqu’elle reste calme, ce qui concourt à sa parfaite « légitimité » : contester cette frontière par tous les moyens est une autre forme de délégitimation, tolérée voire accordée par des Nations occidentales qui se croient souveraines, mais ont, depuis longtemps, renoncé à leur intégrité, face aux entités supranationales (l’U.E, l’ONU) et aux phénomènes incontrôlables de l’immigration clandestine ou accueillie pour motifs humanitaires (l’Aquarius, qui veut vider l’Afrique avec des soutes remplies de la mauvaise conscience de l’Occident autrefois colonialiste, esclavagiste et trafiquant de « bois d’ébène » vers les Amériques).

Cette fois, et tous les vendredis désormais, environ 10.000, voire moins, rarement au-delà de 40.000 Palestiniens pour les très grands jours anniversaires (Naqba, Naqsah, etc), guidés par des hommes de main infiltrés de l’organisation terroriste, affrontent directement les tireurs d’élite de Tsahal, qui ont des ordres de mission précis pour n’abattre essentiellement que les leaders et éléments dangereux, bien que d’autres profils puissent tomber en dommages collatéraux. Cette tactique n’a aucune chance de parvenir au moindre résultat tangible sur le plan paramilitaire, où ce sera toujours le pot de terre contre le pot de fer, même si Tsahal ne met que peu de moyens anti-émeutes et quelques tirs à balles réelles ajustés de façon à maintenir le message suffisamment dissuasif pour les masses.

Elle permet, en revanche, au Hamas de durer, sur les plans qui lui manquent le plus : la légitimité internationale de représentante d’une frange conséquente du « peuple palestinien » (celui vivant sur le territoire de l’enclave et ceux qui se reconnaissent en lui à l’Ouest, voire à l’Est du Jourdain). Le paradoxe veut que les Etats ne reconnaissent que l’Autorité Palestinienne de Ramallah, puisque signataire des accords d’Oslo, ménageant une chance illusoire de règlement pacifique. Alors que les peuples ne s’identifient qu’avec la partie combattante, souhaitant l’éradication d’Israël : qu’il s’agisse de BDS en Occident, ou des ressortissants arabes-palestiniens à travers le monde. En réalité, c’est le Hamas qui a remporté les seules élections palestiniennes menées sous George Bush, en 2006, qui cherchait, pour le monde libre et après le retrait unilatéral de Sharon à Gaza, une victoire démocratique contre le terrorisme et la marque de la « sincérité » des Palestiniens envers les intentions de paix, « puisque » Israël venait de faire un geste conséquent.

Pour Israël, il va de soi que ce triple-fiasco diplomatique du retrait de Gaza, suivi des élections palestinienne pro-Hamas, en 2006, puis du coup d’Etat du Hamas à Gaza, contre les forces de l’OLP, en juin 2007, suffisent à faire la preuve par 9, surtout 12 ans après le début du processus d’Oslo, de l’impossibilité de la paix avec aucune entité se réclamant de la cause palestinienne : continuer de compter sur la révolte populaire contre des dirigeants corrompus ou/et terroristes relève du mythe rousseauiste du « bon sauvage » qui finirait toujours par s’amadouer ou être traversé par un éclair de lucidité. Trump peut y croire de là où il s’y trouve, avec l’effet de lorgnette, mais la sécurité immédiate d’Israël ne joue pas avec ce feu-là.

Néanmoins, alors que des guerres ou périodes conflictuelles intenses avec Gaza se perpétuent tous les 3 ans en moyenne, force est de constater que le territoire arabe de l’Ouest du Jourdain, -dite Cisjordanie ou Judée-Samarie pour les Juifs qui souhaiteraient la reprise de contrôle total par Tsahal des villes et villages arabes accordés en juridiction autonome par Oslo,-  est marqué par une relative apathie. La seule exception concerne les attaques au couteau ou des tirs à partir de véhicules roulants, des voitures-béliers qui marquent la résurgence, à l’état cellulaire, d’un groupe terroriste proche du Hamas, FPLP ou autre groupement radical, alors que la majorité de la population ne fait plus guère écho aux aspirations de Gaza, encadré par le Hamas.

Au contraire, chaque période d’échanges de tirs entre la Bande de Gaza et le territoire (principalement du sud) d’Israël semble s’inscrire dans un rituel codé, dont les règles échappent de plus en plus aux populations locales.

Les objectifs politiques  du Hamas sont clairs : il se considère comme le représentant de tous les réfugiés confiés à l’UNWRA en 1949, chargé de leur faire réintégrer, par n’importe quel moyen (à savoir terroriste), les habitations de leurs ancêtres en n’importe quel point du territoire qui est devenu celui d’Israël, dès le moment où la Légion Arabe les incitait à quitter « provisoirement » leurs pénates, jusqu’à ce que les Juifs soient rejetés « à la Mer ».

C’est, en somme, l’échec dans la guerre des coalisés arabes qui a généré le phénomène de l’exode et créé le « peuple palestinien », dont la date de naissance est double : la guerre d’Indépendance, d’abord, puis celle des Six-Jours qui officialise, en quelque sorte, l’ébauche de 1949 et redessine des enclaves « disputées » au-delà de la Ligne Verte.

Là où l’OLP est inventée de toutes pièces par les conseillers soviétiques et syriens, à la suite de la défaite arabe de 1967, le Hamas trouve ses sources d’inspiration dans la contestation islamiste radicale de ces régimes arabes et la doctrine des Frères Musulmans (jamiat al-Ikhwan al-muslimin) emprisonnés ou tenus à l’écart de la gestion du pouvoir, notamment en Egypte.

Pour comprendre la nature proprement terroriste du Hamas, il faut prendre conscience de la doctrine en goulot d’étranglement adoptée par nombre de Frères Musulmans : ceux-ci, dans leur grande majorité, font de la lutte « non-violente » contre l’influence laïque occidentale leur principe de vie, par la prédication envers les masses et le retour aux préceptes de l’Islam. Mais, cette apparente non-violence originelle supporte une exception notable : La lutte contre l’État d’Israël est au cœur du mouvement, et le théoricien du jihad armé, Sayyid Qutb, qui entrera par la suite en rupture avec le mouvement, fut pendant un temps l’un de ses membres égyptiens les plus en vue. La pensée de Qutb devient le catalyseur de différents bras armés, dont la Jamaat Islamiya, qui donnera naissance aux Jihad Islamique égyptien (père nourricier d’Al Qïda en la personne de son actuel leader : Aymam Al Zawahiri), lequel organisera l’assassinat d’Anouar Al Sadate pour avoir fait la paix avec « l’ennemi sioniste ». Néanmoins, ses différentes branches ont, depuis , condamné le recours à la violence en dehors de la « Palestine ». Cette lutte devient donc, sur le plan métapolitique, comme une condition sine qua non de la « survie de l’Islam » : comme si, hors de la mise à mort de l’Etat hébreu et de ses représentants, il n’existait pas de salut pour le monde musulman…

Le Hamas représente donc le bras armé de cette confrérie répandue à travers le monde : ailleurs, elle pourrait concéder le recours à la prédication comme l’essentiel de ses activités, par la conquête des esprits ; en revanche, il n’est absolument pas question de la moindre concession territoriale face à Israël, qui incarne le fer de lance de cet Occident combattu : d’où le recours au fameux Hadith foncièrement antisémite du Jugement Dernier, dans l’article 7 de sa charte. Il s’agit, ni plus ni moins que du pacte fondamental des adeptes palestiniens du Hamas, en tant qu’ils réalisent, en son nom, le djihad que tout musulman devrait faire :

« [Le prophète Mahomet] nous a parlé de la bataille finale et décisive : ‘Le Jour du jugement n’arrivera que lorsque les musulmans combattront les juifs. Les juifs se cacheront derrière les pierres et les arbres, et les pierres et les arbres diront : ‘ô musulman, ô serviteur d’Allah, un juif se cache derrière moi, viens le tuer’, sauf l’arbre Gharqad, qui est l’un des arbres des juifs’. »

Au-delà des explications théologiques, qui font que, comme pour Daesh, le meurtre du Juif maléfique -qui inflige un recul à l’Islam en retrouvant sa propre souveraineté-, est au centre de la cosmologie ou métapolitique du Hamasnik, que peut-on espérer de la médiation égyptienne, au fur et à mesure des différentes phases de contention du Hamas (forcément) toujours résurgent, du simple fait de la mission théologico-militaire qui l’anime?

L’Egypte du Président Sisi n’aime pas les Frères Musulmans, auxquels il a ravi la seule période de pouvoir dont ils aient bénéficié dans ce pays. Mais il reconnaît qu’ils sont l’émanation d’un courant religieux dissident qui parcourt tout le XXème siècle jusqu’à aujourd’hui et qu’il doit soumettre, s’il veut être réellement reconnu comme le Raïs d’Egypte. La branche égyptienne de Daesh, que son armée combat, est l’expression la plus violente à l’heure actuelle de ces formes radicales d’Islam. On ne discute pas avec Daesh, on le liquide ou on est liquidé par lui. L’Egypte pense pouvoir amadouer la direction gazaouite, usée par 11 années de confrontation au double-blocus israélo-égyptien. Sisi a également besoin d’une trêve bien méritée, après plus de 5 ans de lutte acharnée contre la branche sinaïtique de Daesh. La perspective d’un aménagement d’une zone franche en développement, financée en grande partie par le plan saoudien de « start-up Kingdom », et de remplacement progressif de l’exportation des matières premières par une intégration numérique, est susceptible d’entraîner une partie encore réformable de la population de Gaza, avide de biens consommables, après des années de disette et de promettre une forme de douce « retraite » à la Qatarie pour des leaders qui ne croient en leur cause que par pur cynisme et prise d’otages de la population, afin de servir de boucliers humains ou de stocks de futurs combattants décervelés. Ils ne renonceront jamais à donner le « change » de leur « pureté » idéologique, aux yeux des autres Frères Musulmans, ou de leur troisième Patron, l’Iran, lorsque celui-ci aura(it) pu avancer ses troupes jusqu’au Golan. Mais, en bons mercenaires, ils monnaieront chèrement leur participation aux coups de chauffe contre Israël, à condition de pouvoir en extraire un prix élevé et (enfin?) gratifiant.

Pour mener des guerres intermittentes, le Hamas a besoin de maintenir ses administrés dans des conditions de vie spartiates. Mais en modérant l’intensité de ses formes d’attaques, en entraînant la population sur le versant plus symbolique des destructions de propriétés agricoles chez les Juifs, il peut chercher une voie de sortie qu’il considère « honorable », alors même qu’il n’a plus réellement les moyens (et pour longtemps) de se projeter dans des conflits de haute intensité… Il revient à Israël de s’en assurer et de prendre de sérieux gages en ce domaine.

Peut-on croire qu’une trêve de moyen terme garantie par des puissances régionales et mondiales pourrait servir de solde de tout compte (à forte valeur ajoutée économique : port, débouchés sur le Sinaï, désengorgement territorial…), pour en finir avec un processus d’Oslo dont les angles morts politiques n’ont jamais permis de dégager l’horizon?

Est-ce celà, la condition sine qua non d’une amorce de la mise en application du Plan Trump? Il se passerait, provisoirement de la résolution de la Question ultra-sensible de Jérusalem sur le plan des aspirations politico-religieuses et de la question des réfugiés, si l’UNRWA disparait financièrement, à pas de loup, et que le Hamas se contente de marches hebdomadaires de plus en plus atones?

Pour Israël, l’un des enjeux d’une éventuelle trêve serait de faire, provisoirement, disparaître sous le tapis un ennemi au sud, afin d’avoir les mains libres pour régler la question cruciale de la présence iranienne au nord, s’appuyant sur un Liban déjà conquis par le Hezbollah. Gaza échapperait aux trois-quart à cette influence de Téhéran, celle de la Turquie s’amenuiserait aussi, pour « mercantiliser » l’affaire avec le Qatar pondéré par les exigences sécuritaires égyptiennes… Rien de plus aventureux et précaire dans ce Moyen-Orient compliqué.

C’est aussi le vieux rêve de Moshe Dayan d’après la victoire de 1967, de voir l’Egypte gérer en grande partie Gaza, de même que la Jordanie s’occuper de la partie arabe du territoire du nord, plutôt que d’avoir à maintenir une « occupation » coûteuse à l’époque. Recentrés sur leurs agglomérations arabes du Caire et d’Amman, les Arabes de Palestine pourraient se laisser aspirer par un mélange avec les populations locales auxquelles ils appartiennent originellement et être moins guidés par leur envie à l’égard d’Israël, qui génère la haine, la jalousie, l’envie de meurtre et entretient vainement un conflit résolu depuis longtemps par le reflux des armées des peuples-frères…

 (Photo: Gil Yohanan)

(Photo: Gil Yohanan)

 (Photo: Gil Yohanan)

(Photo: Gil Yohanan)

 (Photo: Gil Yohanan)

(Photo: Gil Yohanan)

Dommages causés par une roquette tirée de Gaza (Photo: AFP)

Dommages causés par une roquette tirée de Gaza (Photo: AFP)

 (Photo: AFP)

(Photo: AFP)

 (Photo: police israélienne)

(Photo: police israélienne)

Par Marc Brzustowski

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