(150423) -- JAKARTA, April 23, 2015 (Xinhua) -- Chinese President Xi Jinping (R) meets with Iranian President Hassan Rouhani in Jakarta, capital of Indonesia, April 23, 2015. (Xinhua/Zhang Duo) (lfj)

Le grand bluff de la Chine au Moyen-Orient.

En dépit de l’alarmisme de Washington, la politique de la Chine au Moyen-Orient souffre de l’absence d’une véritable vision, ce qui la rend plus opportuniste que conquérante.

Joe Biden s’efforce avec constance de mobiliser ses alliés contre une menace chinoise qu’il juge planétaire. Au Moyen-Orient, le tout récent accord de « partenariat stratégique » signé entre la Chine et l’Iran, après cinq années de négociations, et pour une durée de 25 ans, suscite autant d’attentes dans un camp que d’appréhensions dans l’autre. Même si les détails de ce texte n’ont pas été rendus publics, il garantit d’ores et déjà l’importation par la Chine d’un million de barils de pétrole iranien par jour, en contrepartie de l’ouverture de zones franches et d’une banque sino-iranienne. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit pour Téhéran de contourner les sanctions américaines et pour Pékin de prendre date, en attendant le retour de Washington dans l’accord sur le nucléaire iranien. Mais ces considérations relèvent plus de manoeuvres tactiques que d’une vision stratégique, qui manque cruellement à Pékin dans cette région.

DES PARTENARIATS CONTRADICTOIRES

La Chine, devenue en 2015 le premier importateur mondial de pétrole, est avant tout guidée par cet impératif au Moyen-Orient, avec le souci constant d’y diversifier ses fournisseurs. En 2019, la Chine a importé 45% de son pétrole de la région, pour un montant de 40 milliards de dollars depuis l’Arabie saoudite, 24 milliards de l’Irak, 17 d’Oman, 11 du Koweït et seulement 7 de l’Iran, soit autant que des Emirats arabes unis. En ce sens, le « partenariat stratégique » entre Pékin et Téhéran permettrait surtout à la République islamique de rattraper une partie de son retard par rapport aux autres fournisseurs de Pékin. C’est bien pourquoi Ghazal Golshiri y a vu, dans « Le Monde », une « victoire symbolique pour Téhéran, et pas un tournant ». Bien avant de s’engager avec l’Iran, la Chine a en effet signé des accords-cadres d’une ambition au moins comparable avec l’Arabie, les Emirats et l’Egypte, tous trois activement opposés aux visées de l’Iran dans la région.

La Chine a investi au moins une centaine de milliards de dollars au Moyen-Orient depuis le lancement, en 2013, de son « initiative de ceinture et de route » (de la Soie), désignée sous son acronyme anglais de BRI. Elle est désormais très visible dans les trois ports de Duqm, en Oman, de Jizan, en Arabie, et de Port Saïd, en Egypte, qui relient l’océan Indien à la mer Rouge. Mais cet engagement de longue durée repose sur le soutien à l’ensemble des régimes en place, quels que soient les différends qui les opposent. Pékin ne fait même pas semblant de tenter une médiation entre les uns et les autres, juxtaposant des accords qu’un cycle d’hostilités pourrait ruiner. Cette politique semble payante, puisque, malgré l’engagement, y compris militaire, de Pékin en Iran, Israël a ouvert aux investissements chinois le nouveau port de containers de Haïfa et certaines start-ups de pointe, faisant fi des inquiétudes des Etats-Unis en matière de transferts de technologies.

LA PRIORITE OUIGOURE 

La Chine, en nouant de telles coopérations, est parvenue à faire taire toute critique sérieuse au Moyen-Orient concernant les persécutions de la minorité musulmane de sa province occidentale du Xinjiang. La solidarité des autoritarismes a prévalu à cet égard sur la communauté de religion, tout particulièrement dans le cas de l’Arabie saoudite, d’un silence assourdissant sur ce sujet. C’est ainsi que la question ouïgoure oppose désormais les seules démocraties occidentales au déni de Pékin, une victoire très appréciable pour la diplomatie chinoise. Quant à la pandémie de coronavirus, elle a permis à la Chine de déployer sa solidarité très médiatique avec l’Iran, l’Egypte, les Emirats ou Israël, tout en fustigeant la politique américaine dans la région. Un formidable écho a, par ailleurs, été réservé au « journal d’un étranger à Wuhan », publié en arabe et en pleine crise sanitaire par un étudiant libanais de 33 ans, que son ignorance du mandarin rend encore plus vulnérable à la propagande ambiante.

Il est en revanche exclu que la Chine, malgré sa puissance économique, contribue à la reconstruction de la Syrie dévastée par dix ans de conflit. Elle a beau avoir appuyé de son propre veto, au Conseil de sécurité de l’ONU, l’obstruction de la Russie, et donc le soutien inconditionnel au régime Assad, Pékin ne s’intéresse définitivement qu’aux marchés solvables. De même, lors du conflit du mois dernier autour de Gaza, l’offre chinoise d’accueillir des pourparlers israélo-palestiniens est restée sans lendemain.  Pékin n’a lancé ce ballon d’essai que pour mieux fustiger « l’obstruction » avérée des Etats-Unis au Conseil de sécurité. La diplomatie chinoise, à supposer qu’elle en nourrisse le désir, n’a aucune expertise en matière de processus de paix au Moyen-Orient. Elle en est réduite dès lors à se positionner négativement contre la politique américaine, mais sans jamais lui opposer une alternative sérieuse. Une stratégie ne saurait se construire, surtout au Moyen-Orient, sur la seule préservation du statu quo et sur la priorité absolue accordée aux investissements.

Encore faudrait-il que les Etats-Unis, pour être crédibles face à la « menace » chinoise, nourrissent en retour une vision qui aille au-delà de la seule préservation du statu quo au Moyen-Orient.

Le Monde

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