Les relations entre Israël et la Turquie pourraient changer – analyse

Un nouveau ministre israélien des Affaires étrangères, les combats de la Turquie à Idlib contre le régime syrien soutenu par l’Iran et une convergence de la nécessité d’un dialogue en Syrie et même en Méditerranée pourraient ouvrir une nouvelle page dans les relations Israël-Turquie, après une décennie de difficultés.
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Roey Gilad, chargé des affaires israéliennes pour la Turquie, a écrit jeudi dans les médias turcs un article faisant valoir qu’Israël et la Turquie ont des intérêts communs.

Écrivant sur le site Halimiz, il a noté que la présence de l’Iran en Syrie va à l’encontre des intérêts d’Ankara et que le Hezbollah libanais a joué un rôle dominant dans la bataille d’Idlib, où plus de 50 soldats turcs ont perdu la vie.

D’autre part, des preuves à cet effet (actions israéliennes en Syrie) proviennent de rapports étrangers selon lesquels «des avions et des drones israéliens défient des cibles militaires iraniennes en Syrie».

La Turquie et Israël ne sont pas obligés de s’entendre sur tout, a-t-il expliqué, il restera de nombreuses divergences. La COVID-19 et d’autres défis pourraient favoriser la normalisation des relations.

Cela comprend le commerce, le tourisme, l’énergie et la coopération universitaire. « La balle est dans le camp turc », note-t-il à la fin, car c’est la Turquie qui a expulsé l’ambassadeur d’Israël en mai 2018, après les violences à Gaza qui ont éclaté au moment du déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Les stations de radio israéliennes ont débattu de ce que Gilad a écrit et il semble que certaines questions sous-tendent un changement possible dans les relations.

Israël et la Turquie avaient jadis d’excellentes relations, les plus proches de la région. Mais les choses ont changé au fil du temps, en particulier après 2009.

La Turquie avait joué un rôle clé dans les pourparlers avec la Syrie, mais la guerre de Gaza et les confrontations qui ont suivies entre le président israélien Shimon Peres et le leader turc Recep Tayyip Erdogan à Davos (2009), ainsi qu’une série d’autres incidents du Mavi Marmara (31mai 2010) aux empoignades diplomatiques, ont conduit à une spirale vertigineusement décroissante dans les relations.

En octobre 2009, les responsables israéliens ont estimé que les relations stratégiques autrefois chaleureuses avaient probablement pris fin.

Le commerce, qui se chiffrait autrefois en milliards de dollars, s’est poursuivi, mais a beaucoup changé.

Alors qu’Israël vendait des drones Heron à la Turquie, la Turquie a, depuis, construit sa propre force impressionnante de drones. Ankara a fait pression pour marquer une posture plus affirmée en Méditerranée, alors qu’Israël travaillait plus étroitement avec la Grèce et Chypre sur un accord de pipeline qui a été signé en janvier.

Les accrochages publics sur les questions palestiniennes et le conflit de la Turquie avec les Kurdes se sont poursuivis sur les réseaux sociaux.

La Turquie a mené l’opposition aux politiques du président américain Donald Trump, telles que sa décision de transférer l’ambassade et «l’accord du siècle».

 En décembre 2019, des reportages affirmaient que le Hamas fomentait même des  complots d’attaques terroristes depuis Istanbul, en Turquie. Et il y a la menace, soulevée tous les ans, en Israël de reconnaître le génocide arménien.

 

Il y a eu des tentatives de rapprochement dans le passé. EN 2016, un accord avec la Turquie était censé enterrer les séquelles de l’incident du Mavi Marmara en 2010, lorsque des djihadistes turcs ont été tués sur un bateau de croisière tentant de briser le blocus de Gaza.

Ces dernières semaines, l’arrivée du nouveau gouvernement israélien et les changements en Syrie, ainsi que le rôle croissant de la Turquie en Libye ont, peut-être, alimenté des rumeurs sur les changements à venir dans les relations Turquie-Israël.

Apparemment, ces relations sont encore très froides, en raison des vues d’Ankara sur les actions d’Israël à l’égard des Palestiniens.

Cependant, l’allié d’Ankara au Qatar a travaillé avec Israël dans le passé concernant le financement de Gaza.

Le Qatar et la Turquie sont hostiles à l’Égypte, aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite et au cours des dernières années, il y a eu une perception au Moyen-Orient qu’Israël, les Émirats arabes unis, l’Égypte et l’Arabie saoudite partagent des intérêts communs concernant l’Iran et d’autres facteurs.

À la mi-mai, des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux concernant le rôle de la Turquie en Méditerranée.

La Turquie a signé un accord avec le gouvernement basé à Tripoli en Libye. La Libye est en pleine guerre civile et Ankara est intervenue pour fournir à Tripoli l’assistance dont elle avait tant besoin en échange d’un accord sur l’énergie.

Pendant ce temps, Israël travaillait sur son accord de pipeline avec Chypre et la Grèce, un accord qui est également lié au réchauffement des relations entre la Grèce et la Turquie.

La Turquie est extrêmement hostile au gouvernement du Caire et ils sont dans des camps opposés en Libye. Le rôle de la Turquie en Méditerranée causerait-il des maux de tête à Israël, concernant un pipeline qui traverserait ostensiblement à une zone économique exclusive à laquelle prétend la Turquie en Méditerranée?

Le 14 mai, Arab News a publié un article : «la Turquie, Israël pourraient être en pourparlers secrets», affirmant que le président turc envisageait un accord.

La preuve qu’Israël pourrait changer se trouverait, selon le reportage d’Arab News, le manque de soutien d’Israël à une condamnation émanant de Chypre, de l’Egypte, de la France, de la Grèce et des Emirats Arabes Unis des « activités illégales » et de « l’expansionnisme » de la Turquie dans les eaux chypriotes.

« Israël n’était pas signataire », note l’article. Il cite le ministère israélien des Affaires étrangères qui dit être « fier de nos relations diplomatiques avec la Turquie ».

Une nouvelle pièce du puzzle a émergé jeudi, avec des informations parues dans ‘Jerusalem Post’ selon lesquelles Israël « a appris de la défaite du Hezbollah face à la Turquie ». Selon ce rapport, Israël a assisté aux combats à Idlib en février et mars entre la Turquie et le régime syrien. Les unités du Hezbollah, y compris son «unité Radwan», ont été durement touchées par la Turquie.

La Turquie a une armée conventionnelle sur le modèle de l’OTAN. L’unité de Radwan a été créée pour mener des opérations secrètes contre Israël.

La couverture dans les médias turcs des relations avec Israël est généralement hostile, mais les récents reportages montrent qu’il y a un intérêt pour ce débat. Plusieurs médias turcs ont publié des textes sur l’article de Gilad ou sur des intérêts convergents en Syrie.

La Russie entretient des relations amicales avec Israël et la Turquie. La Russie et la Turquie peuvent travailler sur des patrouilles conjointes en Syrie, même si elles sont dans deux camps opposés et que la Turquie a abattu un avion russe.

L’arrivée de Gabi Ashkenazi en tant que nouveau ministre israélien des Affaires étrangères éveille également l’intérêt de son potentiel de sensibilisation.

D’un autre côté, les réseaux sociaux turcs prétendent également qu’Israël soutient le côté opposé en Libye et cherchent à rappeler aux Turcs les mésaventures du Mavi Marmara. Pourtant, sur une autre tonalité, certains Turcs ont souligné sur Internet que l’utilisation récente de drones turcs pour détruire le système de défense aérienne Pantsir, de fabrication russe, en Libye correspond à la destruction par Israël de systèmes similaires en Syrie, comme pour dire que les deux pays ont une expérience équivalente.

Il serait difficile de voir comment les relations avec Israël s’amélioreront compte tenu des commentaires hostiles habituels des principaux responsables et conseillers autour du président turc. Ibrahim Kalin, un conseiller important, a été très dur envers Israël.

Yasin Aktay, qui discute souvent de la politique étrangère de la Turquie, est également très critique envers Israël depuis des années.

Une question discutée à Ankara concernait des reportages sur Middle East Eye indiquant que les responsables turcs espéraient que Benny Gantz pourrait vaincre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et que cela pourrait être une opportunité d’ouverture. Les plans d’annexion israélienne constitueraient, à présent, un obstacle majeur.

Néanmoins, d’autres facteurs interviennent. En octobre de l’année dernière, le ministre turc des Affaires étrangères a semblé comprendre le désir d’Israël d’empêcher l’implantation iranienne en Syrie et un couloir iranien à travers la Syrie vers le Liban.

L’envoyé américain en Syrie, James Jeffrey, qui est très pro-Turc, a également récemment évoqué la menace iranienne envers Israël qui existe en Syrie.

Les autorités américaines ont eu des difficultés avec la Turquie, ces dernières années, à propos d’un accord turc avec la Russie sur le S-400 et également l’opposition turque au rôle des États-Unis dans l’est de la Syrie. Mais les discussions entre Israël et la Turquie plairaient à ceux de Washington qui pensent que cela pourrait conduire Ankara à adopter une approche plus sévère à l’encontre de Téhéran.

En termes de visions stratégiques globales, Israël a classé la Turquie comme un défi dans son évaluation militaire annuelle en janvier. L’ancien ministre de la Défense, Avigdor Liberman, semble s’être montré d’accord avec ce point de vue, selon des informations publiées par le passé. Cela fait aussi longtemps que les responsables militaires israéliens et turcs ne se sont pas rencontrés officiellement. Une réunion s’est tenue en marge d’un événement de l’OTAN en 2017, mais c’est très éloigné de la situation d’avant 2009.

La crise COVID-19 offre une nouvelle opportunité de réduire la fracture. Al-Monitor a annoncé des ventes de Turquie à Israël en avril et la Turquie a envoyé de l’aide aux Palestiniens.

Faites la somme de tout cela et il y a beaucoup de choses qui pourraient changer, mais il y a aussi beaucoup d’inertie dans la direction opposée.

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Avraham

Temporaire…

Nino G. Mucci

Il y a deux problèmes majeures pour résoudre l' »équation » d’une amitié possible Turquie -Israël :

– Le premier est constitué par l’orientation idéologique extrémiste d’Erdogan et son inscription dans l’agenda de la Confrérie panislamique, notoirement antisémite et tablant sur la propagande en soutien du Hamas; et par là appelant une partie des Palestiniens au djihad terroriste; à cela s’ajoute l’amitié prononcée d’Erdogan avec l’actuel président du parlement tunisien, l’ancien khomeyniste Rached Kheridji alias Ghannouchi, qui a été en outre mesquinement élu à ce pouvoir représentatif par des bas marchandage de partis et qui se trouve dans des eaux troubles vis-à-vis la colère populaire contre sa supposée corruption, mais qui ne manque pas de propager la haine de l’Etat Juif et soutient toujours la rupture totale (la « criminalisation », selon son langage) des relations diplomatiques avec Israël.

Rached Ghannouchi est notoirement un leader de la Confrérie panislamique, un « ami » des intérêts britanniques venant du « Londonistan » très coopératif avec les services spéciaux, et plus discrètement un partisan du régime khomeyniste d’Iran.

– Le deuxième, c’est la situation de conflit en Libye, et le rôle actuellement déstabilisateur de la Turquie, qui y importe des miliciens djihadistes, des armes de pointe (il y a aussi présence d’armes iraniennes et donc le danger de la contrebande d’armes sophistiquées), tout en affrontant le Maréchal Haftar dans sa lutte épique contre le terrorisme djihadiste, notamment les groupes liés à al-Qaëda et fusionnant avec l’organisation Etat Islamique (Daëch).

S’opposant à Haftar, Erdogan préfère traiter ses propres intérêts économiques et stratégiques avec le gouvernement fantoche, entouré des milices et des mercenaires, organisé par l’OTAN à Tripoli, représenté officiellement par Al-Serraj, grâce à un lobbying à l’intérieur de l’ONU qui lui a permis d’avoir une « reconnaissance légale » sans jamais être élu. C’est clair que l’OTAN couvre largement l’action illégale du président turc, qui brise l’embargo sur les armes, nonobstant l’opération de surveillance européenne Irini.
Nous voyons ainsi la contradiction dans sa propre mission de l’organisation atlantiste, qui soutient un gouvernement non élu à Tripoli, depuis l’occupation djihadiste de Abdelhakim Belhadj suite à l’élimination du système originale de la Jamahiriya, sans tûteler ni protéger l’Union Européenne, ni de la menace terroriste, ni de l’invasion migratoire.

La Turquie avait eu toujours des entrées commerciales et économiques et des échanges pétroliers avantageux en Libye sous le guide Mouammar Kadhafi, barbarement assassiné dans un guet-apens à Syrte par des mercenaires aiguillés sous instructions directes, semble-t-il, de Sarkozy.

Ce n’est pas impossible de revoir l’ensemble de la question libyenne dans un dialogue diplomatique serré entre les parties en conflit, la France étant la plus disposée à faire amende des erreurs commis en 2011, l’axe Egypte – EAU – Arabie Saoudite voulant assuré le rôle de la constitution officielle de l’Armée incarnée dans le Maréchal Haftar, la Turquie pouvant négocier un statut spécial avec Misurata comme enclave commerciale et pouvant s’assuré un rôle privilégié, après les élections et la nouvelle constitution libyenne, tout en renonçant à renflouer en armes les milices soutenues nuisiblement par la Confrérie panislamique, dans des visées de « califat » local et toujours de mèche avec une exportation de la révolution iranienne et ses retombées terroristes régionales.

Voilà le véritable ennemi de la paix en Libye comme dans toute la région Afrique du Nord – Levant : la Confrérie panislamique et ses financiers très facilement punissables par les superpuissances américaine et russe, car il s’agit simplement de bonne volonté (ou de parole donnée)!

Et naturellement, il y a de quoi engager la diplomatie israélienne dans ce contexte géostratégique entre USA, UE, Russie, Turquie et OTAN.

Nino G. Mucci – Activiste indépendant pour les Droits Humains

andre

Ce rechauffement des relations me rappelle l’histoire de la marieuse qui parlait de progres dans ses demarches en vue de faire epouser une aristocrate anglaise de haut rang par le fils du rabbin: elle avait deja obtenu l’accord du rabbin.