CIA, MI6, BND, Unité 8200, DGSE… les grands services se lancent dans la course à l’inclusion.

Reflets des sociétés qu’ils sont destinés à servir, les principaux services de renseignement occidentaux sont sommés d’accélérer la promotion des femmes et des minorités . Et ce, afin notamment d’en faire un argument d’attractivité pour le recrutement. Enquête sur cette nouvelle course à l’inclusion chez les maîtres-espions.

Au-delà de l’image positive renvoyée par la démarche, l’inclusion des femmes et des agents LGBT dans les services de renseignement occidentaux élargit considérablement leur vivier. La démocratisation des recrutements d’espions issus des minorités sexuelles supprime de fait le chantage auxquels ces derniers pouvaient précédemment être soumis par des services étrangers en cachant leur orientation. Et offre aux services une longueur d’avance sur nombre d’agences de contre-espionnage. Tous ne sont pas pour autant logés à la même enseigne.

La CIA en première ligne

Ceux des Etats-Unis font tout pour cocher toutes les cases, à grand renfort de communication : pour la première fois de son histoire, la CIA a été dirigée de 2017 à 2021 par une femme, Gina Haspel, alors que l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI) a vu nommer à sa tête en janvier dernier Avril Haines – précédemment directrice adjointe de la CIA de 2013 à 2015. Cette dernière a d’ailleurs remplacé à la direction de l’ODNI Richard Grenell, ancien ambassadeur en Allemagne devenu le premier membre du cabinet présidentiel ouvertement homosexuel.

Au-delà de ces nominations à la forte portée symbolique, la CIA promet à l’ensemble de ses agents une égalité de traitement ainsi que la promotion des droits de la communauté LGBT. Le département « diversité et inclusion » de la CIA comprend ainsi 15 « Agency Resource Groups », destinés à permettre le rassemblement et l’expression de communautés d’intérêts. A ce titre, l’Agency Network of Gay, Lesbian, Bisexual  Officers (ANGLE), fondée par le premier officier ouvertement gay Tracey Ballard fête déjà son 25e anniversaire alors que, dans le même temps, certains groupes à l’image du Women’s Coordination Board ou du Workplace Flexibility and Balance défendent la place des femmes dans l’agence américaine.

Les maîtres-espions américains n’hésitent pas à communiquer sur ces politiques d’inclusion, à grand renfort de déclarations publiques sur les réseaux sociaux ou d’organisation d’événements de promotion. A l’occasion de la journée internationale de la visibilité transgenre le 31 mars, l’ODNI a ainsi déclaré « célébrer les membres transgenres de la communauté du renseignement pour leur contribution aux missions et aux efforts pour maintenir la nation en sécurité ».

Ce faisant, les services américains espèrent offrir l’image d’un employeur accueillant et attirer dans leurs rangs les meilleurs agents. La CIA a même produit un documentaire sur le bénéfice qu’apporte l’inclusion des LGBT dans l’agence, après avoir longtemps considéré les sexualités minoritaires comme autant de failles de sécurité. En ce sens, la CIA s’est même vue décerner le titre de « meilleur employeur LGBT par Glassdoor, un site où les salariés évaluent leur entreprise.

Londres fait son mea culpa

Même combat outre-Atlantique, où les services britanniques jouent des coudes pour se voir attribuer la palme du meilleur employeur « gay-friendly », d’ailleurs octroyé en 2016 au Security Service (MI5) par l’association Stonewall. En dépit de ce palmarès, un certain héritage homophobe pèse toujours sur la communauté du renseignement britannique qui a interdit l’accession à ses services d’agents homosexuels jusqu’en 1991, considérés trop « vulnérables » en raison de leur orientation sexuelle.

Les excuses du directeur du MI6, Richard Moore , ont ainsi été prononcées en février de cette année après que le groupe « LGBT+ Staff » du service secret a sommé son directeur de s’exprimer. Et ce alors que l’agence d’interceptions GCHQ et le MI5 avaient déjà fait leur mea culpa, respectivement en 2016 et 2020.

L’Unité 8200, la plus mixte par excellence

Le meilleur élève de l’inclusion : Israël. Même si aucune femme ne dirige un service de renseignement à l’échelon national, le service militaire – d’une durée de deux ans pour les femmes – permet à nombre d’entre elles de se hisser ensuite à des postes importants au sein de la hiérarchie des agences.

Reflets de la société israélienne, les services israéliens se prévalent également de la promotion des droits LGBT. La très secrète Unité 8200, dédiée au cyberrenseignement, est ainsi régulièrement citée comme la plus mixte des unités. Les fêtes de Pourim – fête juive lors de laquelle les Israéliens se déguisent – y sont le témoin régulier du travestissement des maîtres-espions.

Les femmes dans l’armée d’Israël, et ce depuis plusieurs décennies

Les femmes ne sont pas une nouveauté dans les services de renseignements militaires et dans l’armée tout court. Bien que pour les partis religieux cela pose problème, nombre de femmes cherchent à trouver leur place dans ces missions de défense au même titre que les hommes.

« Gimel », ( nom de code) 35 ans, a rejoint l’armée israélienne en 2003 et a terminé trois ans plus tard la formation éprouvante des pilotes de l’armée de l’air, après s’être spécialisée dans le pilotage des avions de transport. Elle devenue la première femme de l’armée de l’air israélienne à diriger un escadron aérien.

Orna Barbivai (en hébreu : אורנה ברביבאי), née le 5 septembre 1962 en Israël, est une général (Aluf en hébreu) de l’armée de défense d’Israël. Elle est la première femme à accéder à ce grade, le deuxième grade le plus important après celui de chef d’état-major, et la seconde à intégrer l’état-major.

Le colonel « Noun », qui pour des raisons de sécurité, ne peut être désignée que par son rang et son initiale en hébreu – a été nommée nouvelle directrice du renseignement pour le commandement du Centre, qui opère en Cisjordanie.

Rachel Tevet-Wiesel, la femme la plus haut gradée de Tsahal, conseillère du chef d’Etat-Major à la parité.

Le général Gila Kalifi-Amir occupe la fonction de conseillère de l’état-major de Tsahal pour les Affaires féminines (« Yo’alan »)

Le BND se met doucement en ordre de marche

Loin de l’affichage américain, britannique ou israélien, le service allemand de renseignement extérieur – le BND – avance de discrètes mesures afin de promouvoir l’inclusion dans ses rangs. Des points de contact pour les « problèmes d’égalité » ont été mis en place dans tous les services, afin avant tout de faire valoir la place des femmes, alors que plus de la moitié d’entre elles travaillent à temps partiel dans le pays.

L’ancien directeur du BND, Gerhard Schindler, avait ainsi largement communiqué autour de la nomination en 2014 de la première femme à la tête d’un des départements du service, Silvia Reischer, toujours en poste depuis lors. En outre, sans qu’il n’existe de programmes particuliers à destination des communautés LGBT, la présence de celles-ci au sein des services se démocratise, notamment pour des postes d’encadrement.

La France sort timidement du placard

En France, plusieurs petits services de la communauté du renseignement sont aujourd’hui dirigés par des femmes – Françoise Bilancini est à la tête de la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), tandis que Lucile Rolland dirige le Service central du renseignement territorial (SCRT) et Maryvonne Le Brignonen à Tracfin. Mais ça n’a pas encore été le cas pour l’un des deux grands services. En dépit de récents efforts en ce sens, la DGSE peine à faire coexister de grandes carrières de maîtres-espionnes – imposant de réguliers et parfois longs séjours à l’étranger – avec une vie de famille. Le directeur Bernard Emié a cependant promis récemment de veiller à l’équité homme-femme quant aux déploiements à l’étranger – moments clés d’une carrière à la DGSE.

De même, les services de ce pays latin restent très frileux quant aux droits LGBT. Si l’homosexualité n’est plus, depuis plusieurs années, considérée comme une faille de sécurité pour accéder aux plus hautes fonctions des services, aucune politique plus volontariste n’a été mise en place. La nomination depuis 2019 de « gender officers » dans les services doit néanmoins tendre vers une plus grande équité.

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