PALESTINIANS/

Islam d’aujourd’hui et Coran d’hier : Interrogations sur la variété discours coranique

En effet, une série de questions se posent quant à la légitimité de certaines interprétations de versets coraniques auxquels on veut faire dire ce qu’ils ne disent pas vraiment mais que des siècles d’obscurantisme ou d’usurpation religieuse ont réussi à implanter dans le cœur et l’esprits des adeptes de cette religion.

L’islam est né bien après l’apparition des deux autres branches du monothéisme, le judaïsme et le christianisme. Comme il a subi une très forte influence du judaïsme antique dans la péninsule arabique, et de larges portions du Coran sont là pour l’attester, il s’est aussi beaucoup inspiré de son schéma directeur: une tradition écrite, le Coran (Coran veut dire : ce qu’on lit), une tradition orale, le Hadith, sorte de recueils de dits (dicta) attribués au prophète Mahomet et enfin une chaîne de traditionnaires qui constituent ce qu’on nomme le consensus, l’Idjma’.

Je signale, pour mémoire, que le Coran mentionne explicitement laTora quinze fois et les Evangiles onze fois. Dans ce décompte ne sont pas intégrées les fréquentes allusions ou amplifications de thèmes bibliques ou évangéliques. Le Coran ne cite jamais verbatim des passages vétérotestamentaires dans leur intégralité, ce qui laisse penser qu’il en a surtout eu une connaissance orale, sous forme de récits délivrés par des tiers.

A sa mort, Mahomet ne pouvait pas connaître le Coran dans sa forme actuelle ; certes, il en fut l’acteur, le protagoniste principal, sinon exclusif puisque ce document sacré se présente comme une dictée angélique (l’archange Gabriel, Djibril en arabe) ; mais on ne peut pas dire qu’il y mit la dernière main et encore moins qu’il ait donné son imprimatur. Cette tâche fort délicate reviendra à ses successeurs immédiats, appelés les califes bien guidés ou intègres (al-Khulafa al-rachidoun).

Le premier d’entre eux, celui qui fut sans conteste le plus proche compagnon du Prophète, n’est autre que Abu Bakr. Le Coran relate que lors d’une poursuite de Mahomet par des assaillants, ceux-ci passèrent très près d’une grotte où il s’était réfugié accompagné de son fidèle et dévoué compagnon. Ceci valut à Abu Bakr le surnom de sahib al-Ghar (l’homme, le compagnon de la caverne).

Plus tard, quand il succéda à son maître, on lui adressa la requête suivante : rassembler tous les extraits du Coran, répartis sur des feuillets épars, pour en faire un ensemble reflétant fidèlement la pensée du Prophète. Le premier Calife commença par hésiter, s’interrogeant sur la légitimité ou simplement l’opportunité d’un tel travail éditorial. Ce qui le retenait le plus d’agir était l’idée suivante : mais pourquoi donc le prophète n’a t il pas pris une telle initiative de son vivant ? S’il elle s’était imposée à ses yeux, nul doute qu’il se serait attelé à cette tâche… Mais le calife Abu Bakr se laissa convaincre lorsque la requête éditoriale lui fut adressée une seconde fois.  Ses deux autres successeurs, Oumar et Outman  ne revinrent pas sur cette décision et le Coran actuel est dit Mushaf Coran Outman…

Cette évolution historique porte donc la marque d’une main humaine et signifie aussi qu’Abu Bakr et ses successeurs ont repris ce qu’ils jugeaient authentique et fidèle à la pensée de leur maître et écarté ce qui ne leur convenait pas. On dit même que l’un d’entre eux détruisit une multitude de textes en plongeant ces manuscrits, désormais indésirables, dans des bassines d’huile bouillante…

On pourrait presque reprendre l’idée d’une hypothèse documentaire comme pour la Bible hébraïque où différentes sources furent identifiées comme ayant eu une existence autonome et indépendante du tout avec lequel elles furent fusionnées. Pour le Coran, on peut distinguer entre les sources biblico-talmudiques (al-israiliyat), les sources évangéliques et chrétiennes, et enfin l’ensemble des sourates de Médine et de La Mecque.

On peut donc dire que les rédacteurs font parler le Prophète, mettent des propos dans sa bouche, mais ce n’est pas lui qui parle. Cela pose la question de la légitimité de l’orthodoxie, voire de l’intégrisme islamique qui prétend se faire l’interprète fidèle et exclusif du prophète.

A l’aide de quelques exemples choisis, nous allons tenter de montrer que l’essence de la religion islamique n’est pas vraiment la caricature que les intégristes s’efforcent d’en donner à la face du monde et leurs voix, les plus bruyantes, couvrent évidemment celles de l’immense majorité silencieuse qui ne se reconnaît pas dans ces déformations et entend vivre sa pratique religieuse, en harmonie avec ceux qui pensent, prient et croient autrement.

Apostasie et apostats (ahl al-ridda)

C’est probablement le thème le plus controversé de la théologie islamique actuelle, tant les avis sont contradictoires et les positions tranchées.. Mais revenons à la source principale, la sourate 16, verset 106 à propos des Ahl al-ridda (les apostats) : La colère de Dieu est sur eux et ils auront un terrible châtiment. Comme le font remarquer certains commentateurs islamiques modernes, connus pour leur libéralisme et leur ouverture d’esprit, aucun châtiment terrestre n’est explicitement prévu ni précisé, même si la notion d’ire divine laisse craindre le pire, c’est-à-dire la peine capitale. Rappelons que la charte des musulmans de France ne contient plus la phrase permettant aux musulmans qui le veulent, d’abjurer. Au début du XXe siècle, le Mufti du Caire avait proposé de ne plus admettre que la punition de l’apostasie ne pouvait être que la peine capitale, puisque cette sanction ne se justifiait plus : jadis, au cours des premiers siècles de l’islam, il y allait de sa survie, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Le conseil avisé de cet homme sage ne fut guère suivi…

Mais s’il ne prévoit pas explicitement de peine en cas d’apostasie, le Coran n’en lance pas moins un appel à la conversion à l’islam (al-Da’wa). Cette exhortation s’adresse à deux catégories bien distinctes :

  1. a) les gens du livre (ahl al-kitab : Juifs et Chrétiens)
  2. b) aux païens-idolâtres (al-mushrikun)

Si l’appel se justifie (et encore !) pour les seconds, il est plus difficile à admettre pour les premiers qui sont eux aussi bénéficiaires et destinataires de la Révélation, ce dont convient le Coran dans de nombreuses sourates.

Et dans ce contexte de tolérance et d’ouverture, on cite toujours la fameuse sourate 2 ;256 : Pas de coercition en religion (la ikrha fi l din) ; mais dans cette même sourate, on lit un autre verset qui se montre moins conciliant (2 ; 7). Lequel parle d’un grand châtiment pour ceux qui ne croient pas ni ne croiront jamais. La position finale manque donc de netteté.

Sur les soixante-douze occurrences du terme ridda (réfutation, refus, rejet, abjurer) et de ses dérivés, seules trois ont, selon les spécialistes, le sens d’apostasie ; e.g. 2 ;217, 4 ; 137-138.

Mais toute la question est de savoir quelle définition est donnée de l’apostasie. Or, elle semble bien large dans la pratique juridique quotidienne, comme on peut hélas le constater en prenant connaissance des nouvelles dans les pays arabo-musulmans… Citons tout de même une phrase des adeptes d’ibn Hanbal, le champion du littéralisme et du fondamentalisme musulmans (780-855), aux yeux desquels l’apostasie est punie de mort ( man badala dinouhou qoutoulouhou : quiconque change de religion (i.e. l’islam) tuez le !

A Médine par exemple, toute révolte contre «l’envoyé de Dieu» (Rasoul l lah) est considérée comme une apostasie, une atteinte à l’ordre public. Pour justifier une telle mesure, certains historiens vont jusqu’à dire que ces mesures d’exception s’expliquent par les débuts fragiles de la nouvelle religion. Cette défense de la nouvelle culture religieuse dans d’immenses territoires conquis  a servi de noyau à une démarche si controversée de nos jours, le djihad. Un terme qui était à l’origine, bâti sur la même racine que l’ijdihad,  la démarche exégétique consistant à extraire un sens satisfaisant des versets coraniques.

Ces notions d’apostasie, de djihad et de leur légitimité posent évidemment la question de  la pluralité religieuse et donc, en d’autres termes, de l’exclusivisme religieux : qu’en dit le Coran ? Il faut se souvenir que même au sein du christianisme il a existé un apocryphe à la vie dure, salus extra ecclesiam non est (Hors de l’Eglise point de salut)

N’oublions pas que cette notion de djihad peut en dissimuler une autre, très proche, celle des guerres contre les apostats qui sont désormais les non-musulmans ou ceux qui refusent la religion du prophète. Houroub al-ridda  Mais peut-être que cette implacable rigueur emprunte plus à la géopolitique de l’époque qu’au contenu du Coran et du Hadith. Peut-être avaient elles (ces guerres contre l’apostasie) leur source dans la conduite politique plus qu’elles ne relevaient de la théologie, sauf à admettre la notion de guerre sainte…

On a vu plus haut que la nouvelle religion se conduisait à ses débuts comme une civilisation conquérante, imposant ses croyances, assujettissant les populations au tribut et faisant régner un ordre islamique partout où elle prenait pied. Mais de même qu’Abu Bakr avait fait preuve d’esprit conciliant afin de pouvoir recruter le plus de soldats possible pour ses campagnes militaires, les nouveaux maîtres finirent par comprendre qu’user de bienveillance pouvait être tout aussi fructueux. Ainsi naquit le statut de dhimmi, du minoritaire religieux bénéficiant d’une protection de l’Etat. Le terme de dhimmi connaît une unique occurrence dans la sourate 9 ; 29 sur laquelle se fonde le fameux pacte d’Oumar (tolérance des Chrétiens).

On peut dire qu’alors que les païens (mais qui sont ils au juste selon le Coran ?) ont le choix entre la conversion ou la mort, les Chrétiens et les Juifs sont astreints au tribut qui les dispense de changer de religion… Mais on doit noter un indéniable raidissement à l’encontre des Juifs en particulier, dont l’adhésion importait tant à Mahomet : premiers bénéficiaires de la Révélation divine, leur acquiescement à la nouvelle foi eût considérablement conforté les premiers pas de l’islam qui s’en serait alors prévalu pour aller toujours plus loin. Mais il n’en fut pas ainsi.

Comme la nouvelle religion se voulait la quintessence des deux précédentes, elle ne pouvait pas se résoudre à ne parler qu’aux musulmans, elle prétendait à l’universalité et se voulait même l’authentique héritière de la religion d’Abraham, le découvreur du monothéisme et le père de tous les croyants (mu’minim).

Cette prétention à l’universalité s’accompagnait d’accusation de falsification (tahrif) et de substitution (tabdil) : on accusait les Juifs et les Chrétiens d’avoir volontairement expurgé leurs documents révélés des allusions à Mahomet et à sa venue. Sur ces deux points, le verset coranique suivant (3 ;71) est absolument univoque : O détenteurs de l’Ecriture ! Pourquoi tenez vous secrète la vérité, alors que vous savez ?

Le Coran se caractérise comme les autres textes  révélés par une notion d’abandon confiant à Dieu (tawakkul ala Allah)

Mais la question qui se pose est de savoir si l’on peut, dans un tel contexte, avoir droit à une liberté de conscience ? La liberté religieuse est elle accordée aux musulmans et aux non-musulmans ?

Pourtant, au Moyen Age, un musulman courageux et ouvert à la culture hellénique de son temps allait être le premier à élaborer une théorie des relations entre la philosophie et la religion, la révélation et la spéculation. C’était Ibn Rushd, l’Averroès des Latins qui interpréta tant et si bien les écrits d’Aristote que ces commentaires furent transposés en hébreu et en latin. Son Traité décisif fut traduit de l’hébreu en arabe un bon siècle avant que n’existât une version latine… C’est un islam spirituel, en quête de vérité et de justification philosophique qui s’adresse alors à nous. Averroès fut comme Maimonide et Thomas d’Aquin une véritable incarnation des Lumières médiévales. Celles de Cordoue qui précédèrent, voire annoncèrent celles de Berlin. Et aussi l’un des pères spirituels de l’Europe.

Maurice-Ruben HAYOUN

MRH petit

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may.b

 » La colère de Dieu est sur eux et ils auront un terrible châtiment.  »
Toute la question est, qui est concerné?
Revenir au chapitre ou les anges doivent sauver Ismaël et sa mère dans le désert malgré leurs avertissement.
Lisez la suite. la réponse est limpide…

géo paquet

Masturbation intellectuelle oubliant l’essentiel :
-Le coran a été écrit par des hommes et n’est absolument pas d’essence divine. De nouveaux travaux en attestent.
-on peut trouver dans le coran tout et son contraire. De ce fait les islamophiles veulent nous faire croire que cette secte sanguinaire est une religion de paix. Mais comme les imams et autres « savants » musulmans le confirment, lorsque deux sourates se contredisent, il convient de ne garder que la plus récente. Et celle-ci est toujours la plus belliqueuse puisque écrite à une époque où Mohamed avait réussi de nombreuses conquêtes et s’imposait par le glaive.

André

C’est vrai, ça nous fait une belle jambe… On finit même par en savoir plus sur l’islam que sur notre propre religion ! Et ça change quoi ? rien et n’empêche aussi en rien que de plus en plus de musulmans autour de nous soient de plus en plus hostiles…

haBIBI

Et, alors !
Vous en faites quoi de tout ce bla-bla en dehors d’une forme étrange de jouissance intellectuelle ?

Le Coran est ce qu’il est, et les musulmans qui l’appliquent intégralement présentent tous les signes de psychopathes frustrès au regard de leur état comparé à l’idée que le Coran leur donne d »eux-mêmes (les vrais, les purs, des seigneurs) à tendance paranoïde et mégaloïde marqués sur fond d’enfermement intérieur, d’ignorance, d’immaturité psycho-affective majeure, bornés dans leur pathologie incurable et leurs certitudes conquérantes et meurtrières, et persuadés de servir ainsi (l’idée qu’il se font de) Dieu et qu’ils nomment Allah.