Arthur nous reçoit dans ses vastes bureaux de l’avenue Marceau. Aux murs, un Warhol, des photos de Gérard Rancinan, des coupes de régate, une photo dédicacée de Jerry Seinfeld et des portraits de ses amis Dany Boon et Gad Elmaleh. Longtemps symbole des haines françaises – juif, né au Maroc, il a grandi dans une « banlieue heureuse » avant de générer beaucoup d’argent et de jalousie à la télévision -, Jacques Essebag, 51 ans, est en pleine réconciliation avec lui-même. Pendant deux heures, il a abordé avec sérieux l’antisémitisme, la télé d’aujourd’hui, les banlieues, la réussite, l’argent, sa psychanalyse, l’art et la France. Autant de sujets qui dessinent une autre personnalité que celle de producteur de télé-réalité ou d’animateur du jeu des boîtes.
Le Point : Sur votre fiche Wikipédia, on peut lire que vous êtes un « animateur de télévision et de radio et un homme d’affaires franco-marocain »…
Arthur : Avant, il était même écrit « juif d’origine marocaine ». Ils ont rectifié. Pour des raisons qui m’échappent, depuis toujours, il y a cette idée que je ne suis pas vraiment français, alors que je n’ai vécu que dix-huit mois au Maroc. Je suis né en 1966 à Casablanca et nous sommes partis pendant la guerre des Six Jours, en vingt-quatre heures. Je suis donc fier d’être né au Maroc, mais aussi fier d’être un Français dans toute sa splendeur, chauvin, patriote à mort. S’il y a un match de l’équipe de France, c’est tout juste si je ne me mets pas de la peinture sur le visage. J’aimerais d’ailleurs qu’on puisse utiliser notre drapeau sans avoir l’impression d’être un mec du Front national. Je ne sais pas pourquoi on a autant ce complexe de nos couleurs.
On jouait devant la synagogue avec mes potes musulmans
Ça ressemblait à quoi, Massy, dans les années 1970 ?
Une cité joyeuse, socialiste, avec des centres sportifs flambant neufs et gratuits, des espaces verts, une clinique ultramoderne, pas de drogue, une mixité extraordinaire. Dans mon immeuble, il y avait des Portugais, des Maliens, des Français, des Algériens… Je résume ma jeunesse à des saveurs qui montaient dans la cage d’escalier. Je n’ai pas connu les tensions communautaires et on ne m’a jamais fait sentir que j’étais juif. Il y avait bien sûr des bagarres de bandes, mais c’était plus La Guerre des boutons. On jouait devant la synagogue avec mes potes musulmans. Il n’y avait pas de policiers pour surveiller. J’ai découvert les lieux de culte sécurisés au moment où je passais mon bac, alors que j’étais en terminale à l’Enio (l’École normale israélite orientale, dirigée par Emmanuel Levinas). Elle était protégée après les attentats de la rue Copernic.
Vous avez commencé en même temps qu’Élie et Dieudonné. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur ce duo, symbole des fractures de l’époque ?
Élie et Dieudonné furent mes premiers complices sur TF1. On se connaissait de réputation, car on a grandi dans des communes voisines, eux à Anthony, moi à Massy. Ils m’ont fait plier de rire, leurs sketches sont plus que jamais d’actualité. Mais j’ai toujours pensé, et dit, que Dieudonné était antisémite. Je m’en suis ouvert à lui et on ne s’est plus jamais reparlé. Son attitude, ses réflexions, même à l’égard d’Élie, me choquaient. Élie, c’est Natascha Kampusch [rires], c’est le syndrome de Stockholm : il continue de lui parler et va même voir ses spectacles. C’est son droit. Si Dieudonné n’était pas devenu fou, ils auraient pu faire passer avec humour un message réconciliateur et être un puissant symbole de notre époque. Malheureusement, les positions de Dieudonné en sont devenues le triste reflet…
Aujourd’hui, l’antisémitisme auquel je suis confronté est bien plus à gauche
Quand avez-vous été confronté à l’antisémitisme ?
Au moment où j’ai commencé à avoir un peu de notoriété, vers 25 ans, j’ai connu un antisémitisme de « souche », reliquat de la Seconde Guerre mondiale, ancré bien à droite. Celui des fantasmes : les juifs sont partout, les banques, les médias… Je recevais un peu de courrier avec des lettres découpées, le vrai corbeau pétainiste. Mais, aujourd’hui, l’antisémitisme auquel je suis confronté est bien plus à gauche, bien plus communautaire, c’est celui d’une génération sournoise qui veut nous faire croire qu’il y a une différence entre antisionisme et antisémitisme… Mais, bizarrement, pas de différence entre Israël et moi.
À quel moment avez-vous senti ce basculement ?
Lors de la première Intifada, au moment où sont arrivées les paraboles dans les cités. On les a vues pousser comme des champignons, et certains ont commencé à regarder des chaînes plus accessibles, en arabe. On a importé en France un conflit qui n’avait rien à y faire. Le début d’une instrumentalisation de toute une génération, à qui on a dit : « Les juifs, c’est Israël. » Et Israël, c’est les « méchants » contre les « gentils » Palestiniens. Un seul point de vue, aucun juste milieu. Puis, avec l’essor d’Internet, ça a été une avalanche de haine. Une vraie banalisation de la parole raciste et antisémite. Je pense qu’il y a aussi eu un basculement dans l’éducation. Certains parents ont baissé les bras et certains jeunes ne savent toujours pas que le racisme comme l’antisémitisme sont punis par la loi. Si cette interview est publiée sur Internet, je vous invite à lire plus bas les commentaires de certains lecteurs pour mieux comprendre ce dont je parle…
Pourquoi être parti de France ?
À un moment, j’ai senti que j’allais imploser. Trop de boulot, de stress, de lumière, de bruit, je courais non-stop sans savoir après quoi. Dans un premier temps, j’ai voulu repartir de zéro, vivre mon rêve américain en allant à Los Angeles. Ça s’est transformé en cauchemar financier [rires]. Avec Philippe Rousselet, nous avons produit un film avec Julia Roberts et Tom Hanks. J’ai eu mon nom sur la chaise du producteur. Mais tu leur demandes aujourd’hui « Do you remember Jacques Essebag ? », ils ne sauront pas de qui tu parles. Ensuite, j’ai passé beaucoup de temps à New York, au moment où j’ai commencé à vendre des programmes télé aux Anglo-Saxons. Dans la foulée, j’ai fait une grosse dépression. J’étouffais en France. J’ai passé un an à Londres, puis, pour des raisons de sécurité, je suis parti vivre en Belgique.
Ne nous dites pas que vous aviez le « rêve belge »…
Non. Mais j’étais dans une situation assez complexe. J’ai trois enfants, et je suis séparé de deux des mères, dont une est belge. Mon fils cadet est né en Belgique. J’ai donc trouvé un compromis, être à 1 h 20 de Paris, tout le monde pouvait venir me voir le week-end… J’ai aimé la Belgique, j’avais une maison dans la forêt, je me suis même embourgeoisé en jouant au golf [rires]. Ça m’a vraiment vidé la tête. Si j’avais voulu partir pour des raisons fiscales, je l’aurais fait au moment où j’ai vendu Endemol. Dans mon cas, le fantasme de l’« économie fiscale » n’est rien par rapport à ce que ça te coûte quand tu pars vivre à l’étranger loin de ta famille, de tes amis. Le soir des attentats du Bataclan, j’étais à Bruxelles et mes trois enfants à Paris. Je me suis dit : « Mais qu’est-ce que tu fous là ? » Je suis rentré quelques mois après, je culpabilisais et la France me manquait.
Dans Technikart, votre ami Yann Moix a expliqué que vous incarniez à vous seul la « haine à la française », avec un « mélange de jalousie rance et d’antisémitisme ressassé » à votre égard…
C’est trop d’honneur… Le seul travers que je pointerais chez certains de mes compatriotes, c’est ce manque d’ambition et d’empathie pour la réussite. L’effet locomotive ne fonctionne pas chez nous. Tu vas aux États-Unis, tu vois une belle bagnole, tu te dis « un jour, j’aurai la même ». En France, c’est « un jour, j’aurai la tienne » ! Il n’y a aucun autre pays au monde où l’on raye les voitures avec une clé. Ici, c’est le sport national. C’est comme si le succès des uns renvoyait, tel un miroir, l’échec des autres. Les mentalités bougent doucement.
J’aime bien ce qui se passe avec Macron
Vous pensez que cela va changer avec Emmanuel Macron ?
J’aime bien ce qui se passe avec Macron, franchement, ça a de l’allure. Cet engouement, c’est un message d’espoir magnifique pour la jeune génération, enfin une nouvelle page qui s’ouvre. Pendant la campagne, son équipe bossait comme une start-up. De nouveaux visages, de nouvelles lignes, modernes. Communication, image, scénarisation, ils ont tout compris. Il faut voir ce que cela va donner dans le temps, mais, désormais, si à 39 ans tu n’es pas président c’est que t’as raté ta vie [rires].
Qu’est-ce qui a changé chez les téléspectateurs ?
La tendance du moment, c’est l’indignation. Aujourd’hui, on s’indigne pour un rien. J’ai dit des trucs il y a vingt ans à la radio pour lesquels je serais aujourd’hui en prison. Des blagues à la con qui n’avaient pas une once de racisme ou de misogynie, juste des vannes. Et, ce qui me fait peur, c’est que cette indignation générale et systématique s’accompagne d’une forme de délation sur les réseaux. Avec Twitter, Instagram, Facebook, on a créé une telle proximité artificielle ! Tous les jours, j’ai droit à des commentaires du genre : « Dis donc, tes invités ne sont pas très bons dans l’émission, tu étais meilleur la dernière fois… » Nous sommes entrés dans la société de la recommandation. Tout le monde estime qu’il a un avis critique important à donner. Un hôtel, une assurance, un programme télé. Aujourd’hui, même ta voisine de palier commente tes audiences. Cette culture du bashing, c’est le vrai changement.
Vous faites réac…
Je suis le dernier à donner dans le « c’était mieux avant », sachant que mes parents me le disaient et que cela me rendait fou ! Ce trop-plein de liberté d’expression sur les réseaux sociaux et cette forme inédite d’indignation généralisée ont abouti à un phénomène d’autocensure démente. C’est paradoxal. On a donné une liberté incroyable à la Terre entière, mais la première chose qu’elle fait, c’est surveiller ses moindres faits et gestes pour mieux se censurer. Finalement, l’être humain s’autorégule, il aime bien se faire peur.
Et si nous cessions de critiquer ou d’insulter nos correligionnaires, les anti-juifs adorent nous voir nous entre-déchirer? C’est contre ces gens-là qu’il faut se battre.
Comment pouvez-vous vous intéresser à ce pois chiche sur patte qui en plus est fasciné par macron ce qui montre bien que c’est un petit QI
Oh ! arrêtez de lui taper dessus.
Son émission fait de l’audimat, alors que voulez-vous ? il y a bien pire à la télé et ça marche encore.
Personnellement je n’aime pas son émission, mais tant qu’on le regarde, il reste !
franchement les commentaires d’ARTHUR surtout à la fin de l’article on s’en passerait bien , surtout le passage MACRON ? ah politiquement correct quand tu nous tiens ! aucun intérêt .