Charles Meyer. Voilà qu’ils nous demandent désormais d’enterrer vivants nos enseignants

Didier Lemaire

 

Didier Lemaire, c’est Samuel Paty trop tôt et trop tard en même temps. C’est un petit prof au milieu d’un silence qui décide un jour de sonner l’alarme. Il en a le droit, il en a les raisons. Alors en quelques jours s’abattent les mêmes contre feux qui se déclenchent systématiquement dès qu’il s’agit d’éteindre en catastrophe la moindre étincelle de conscience distillée par le plus petit des lanceurs d’alerte.

Ces contre feux sont tellement usés qu’un ou deux ne suffit plus, alors il faut mettre la gomme, celle qui efface la réalité et qui déguise la lâcheté en modération et même en sagesse. C’est la base de la tartufferie qui est ainsi faite. Le grand bal commence.

Didier Lemaire, on lui invente des opinions politiques qu’il n’a pas. On transforme sa conviction de liberté en obsession complotiste. On psychiatrise son image et on soupèse chacune de ses déclarations dans le moindre détail, pour en extraire la substantifique moelle du crime qu’il n’a jamais commis.

Il n’a pas droit à l’indulgence dans l’erreur, celle qu’on accorde généralement matin midi et soir aux journalistes, aux commentateurs et aux politiques qui brodent sur ce sujet des tombereaux de mensonges et d’inepties, depuis des années.

Pour Didier Lemaire, simple enseignant, c’est un traitement spécial qui s’applique et si ce n’est pas suffisant, on n’hésitera pas à maquiller la vérité jusqu’à faire augmenter de force tel nombre de coiffeurs mixtes dans telle mise en scène qu’il plaira.

L’essentiel à la fin est que la vertu triomphe, pour mieux abattre la parole en plein vol. Peu importe que la plupart des faits dénoncés soient établis, l’important est de concentrer son courage sur telle ou telle approximation. En oubliant soigneusement toutes celles qu’il a fallu mobiliser à la hâte pour ériger un mur d’hypocrisie.

Cet épisode rappelle le café de Sevran, où tout ce qu’il y avait à dire a été dit et enregistré, avant d’être chassé de force du réel, pour qu’on puisse à la fin admettre l’existence du problème en affirmant qu’il s’agissait d’un bien mauvais exemple.

Le problème de cette indulgence avec le mensonge, de cette posture insupportable, c’est qu’elle exige du bon exemple qu’il soit radicalement dramatique. Il faut mourir pour parler vrai. Il faut souffrir en silence pour avoir le droit d’être entendu en secret dans une arrière-cour de préfecture et l’attention de quelque ministre.

La cerise sur le gâteau, si on peut dire, vient sans surprise de la frange la plus névropathe de l’extrême droite OAS qui a pu tranquillement lancer sa petite pique de venin au nom du droit d’inventaire, en reprochant à Lemaire d’être de gauche et de l’avoir été, en décortiquant minutieusement chacune des déclarations qu’il avait faites deux, cinq ou huit ans auparavant, avec ce sens de l’histoire et ce timing remarquables qui caractérisent si bien la petite brochette de ces solexs intellectuels ( avec des roulettes pour enfant pour ne pas tomber quand ça branle un peu trop dans les virages) prêts à jaillir d’à peu près n’importe quelle cuvette de chiotte pour se rappeler à notre bon souvenir.

Les mêmes auraient maudit Paty et il ne faudra jamais oublier ce que leur progéniture identitaire a commis sur la mémoire et l’image de Samuel Paty avec ce dessin abject qui a tant circulé dans les milieux identitaires et qui représente la tête décapitée au sol de l’enseignant en étendard du loser. C’est la même solitude, la même lâcheté et le concours Lépine des mêmes abjections.

On ne s’était pas encore vraiment habitués à voir des enseignants morts pour avoir défendu un socle de valeurs, voilà qu’ils nous demandent désormais de les enterrer vivants.

Charles Meyer

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andre

Quel texte ! Charles Meyer a su dire l’indignation que nous ressentons de la facon dont Didier Lemaire, et la memoire de Samuel Paty, ont ete traites. Il convient aussi de retenir ce qu’il a dit sur les professions protegees de la France d’aujourd’hui:
« Il n’a pas droit à l’indulgence dans l’erreur, celle qu’on accorde généralement matin midi et soir aux journalistes, aux commentateurs et aux politiques qui brodent sur ce sujet des tombereaux de mensonges et d’inepties, depuis des années. »