Jean Plançon, Histoire de la communauté juive de Carouge et de Genève.*

Volume I : De l’Antiquité à la fin du XIXe siècle (Genève, Slatkine)
Volume II : Une communauté qui se diversifie II  (1900-1906 (Genève, Slatkine)

Madame le professeur Esther Starobinski-Safran in Memoriam

Comme le note le regretté Joseph Starobinski dans sa lumineuse préface à ces deux imposants volumes, nous avons affaire à la première tentative d’importance de restituer ici, dans un style élégant et sobre, l’histoire fascinante de deux communautés juives, des origines médiévales à nos jours. Il s’agit évidemment de Genève, la cité de Jean Calvin, et de Carouge, sa voisine, moins connue. Et pourtant, la grande cité lui doit beaucoup puisqu’elle fut une sorte de relais carougeois menant à la métropole suisse.

J’ai rarement eu entre les mains une telle somme, fournie par un auteur qui fait preuve d’une érudition écrasante, citant les meilleurs historiographes, tels Heinrich Gäätz pout ne mentionner que le plus important des historiens allemands du judaïsme.

Les grandes lignes de cette histoire commencent par relater les difficultés auxquelles se sont heurtées les premières tentatives d’installation dans la place . Mais petit à petit, voire au fil des siècles, quelques familles furent progressivement admises à Carouge, notamment suite à l’effondrement du minuscule royaume de Sardaigne. L’auteur de cette belle histoire ne laisse rien dans m’imprécision, il donne les dates et les événements avec une fidélité historique sans faille. De nombreuses couches d’immigration se sont sédimentées au fil du temps et l’on arrive à une sorte de diversification des nouveaux arrivants qui furent, au tout début, limités aux juifs d’Alsace et du Bas-Rhin . Ensuite, ce furent principalement des citoyens d’Europe centrale et orientale. En tout état de cause les gens qui vinrent étaient des descendants de parents ashkénazes. Je pense principalement au grand rabbin Joseph Wertheimer, le premier grand rabbin de Genève qui a durablement imprimé sa marque à son importante communauté. Et puisqu’il est question de grandes figures rabbiniques de la cité, comment ne pas citer le grand rabbin Alexandre Safran, de mémoire bénie ? Il a veillé sur sa communauté et lui a donné le meilleur de ses jours et de ses veillées. Son histoire personnelle se confond avec elle de Genève.

Il est impossible de rédiger un véritable essai bibliographique à partir de ces deux volumes, d’autant qu’on apprend qu’ils seront suivis d’un troisième, consacré à l’histoire contemporaine des juifs de ces deux cités. .Il existe un rapport dialectique entre ces deux villes Genève et Carouge ; on a l’impression, en scrutant les pierres tombales du cimetière de Carouge que la ville a servi de tremplin, de couveuse à la grande communauté genevoise à venir.

Je ne vais pas m’engager dans des citations ou des résumés de choses connues, c’est-à-dire des refus, des rejets qui jalonnent l’installation des juifs dans la quasi-totalité des pays d’Europe. Tous se sont dressés contre ces arrivées intempestives de juifs, acceptés puis rejetés, et je dois dire, sans malice, que Genève ne constitue pas une exception à la règle.

Parfois, l’auteur nous donne le chiffre exact des sujets juifs dans telle localité ou telle autre. Il nous indique même les métiers exercés par les gisants. Il agit comme un historien, un épigraphiste ou un bénédictin. Les tableaux chronologiques sont très nombreux, sans oublier les indices, les esquisses biographiques, etc… A la page 333 du premier volume, nous lisons un rappel chronologique qui reprend les principaux événements jusqu’en 1900 : je propose de l’exploiter pour mentionner les événements les plus marquants

En 1325 on signale la présence de marchands juifs en Versois près de Genève. Peu de temps auparavant, on note l’expulsion des juifs du royaume de France, ce qui permet à quelques fugitifs de s’installer sur place et de créer un cimetière, une sorte de carré juif. En 1792 la France prend possession de Carouge. A chaque grande mutation de cette «communauté israélite de Genève», c’est Carouge qui donne le tempo… Les destins des deux cilles sont liés.

Les deux volumes sont une véritable encyclopédie portative sur l’histoire des communautés juives de Carouge et de Genève. C’est une vraie mine. Le second volume se signale surtout par ses précieuses notices biographiques portant sur toutes les personnalités genevoises et carougoises ayant apporté leur concours au développement de ces communautés. Je ne peux pas les reprendre une à une mais j’ai beaucoup appris en faisant défiler leurs noms.

Dans ce second volume, à l’instar du premier, nous pouvons lire un rapport chronologique des événements les plus marquants, et plus proches de nous puisque le livre couvre la période qui vas jusqu’à 1946, donc pratiquement le naissance de l’État d’Israël.

Citons aussi la belle préface de Michel Halperin qui s’interroge sur la réussite de cette intégration des juifs dans le pays où ils vivent… A l’évidence le regretté Michel Halperin a réussi son intégration. Il souligne aussi que la Genève juive est devenue un véritable melting pot où des juifs du monde entier se sont établis au bord du lac Léman. J’ai moi-même, pendant la décennie au cours de laquelle j’ai occupé un poste de professeur au département de philosophie, eu pour étudiants des gens venus du Moyen Orient, d’autres pays arabes, d’Israël et de bien d’autres pays. Genève a un statut bien particulier. Avec un tel ouvrage, son renom et son rayonnement ne peuvent que croitre. Mais ils sont déjà bien connu du monde entier.

Nous attendons le troisième volume de cette histoire des juifs avec impatience.

Je remercie Madame Anité Halasz de la communauté israélite de Genève d’avoir mis à ma disposition les deux volumes de Monsieur Jean Plonçon parus chez Slatkine.

Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage:

Maurice-Ruben HAYOUN. (hayounmauriceruben@gmail.com)

CYCLE DE CONFÉRENCES *

Jeudi. 19 mai
Sören Kierkegaard et la «suspension de l’éthique»

Jeudi 13 juin
Un champion du dialogue interreligieux : André Chouraqui

Entrée libre. Salle des mariages.
Pour tout renseignement contacter hayoun.raymonde@wanadoo.fr ou le 0611342874

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