« Hommage à l’humour d’Elie Wiesel Devant la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, qui lui avait remis un prix en l’honneur de Theodore Herzl, le fondateur du mouvement sioniste, il avait raconté cette blague : « Il y avait deux grands hommes en Europe à cette époque : Herzl et Freud. Heureusement, ils ne sont jamais rencontrés. Imaginez : Herzl tape à la porte du docteur Freud et lui dit : – J’ai fait un rêve. Freud aurait sans doute répondu : – Assieds toi et parle moi de ta mère! » 

Dédicace à la mémoire d’Elie Wiesel

 

Parler de la vie d’Elie Wiesel prend différentes significations selon les personnalités qui l’ont rencontré. Pour n’en mentionner que quelques-unes : Le Président américain Barack Obama a déclaré : « Elie Wiesel était l’une des randes voix morales de notre époque et, par de nombreux aspects, la conscience du Monde. Il a élevé la voix, pas seulement contre l’antisémitisme, mais contre la haine, le fanatisme et l’intolérance sous toutes ses formes[1]« . L’ancien Premier Ministre Shimon Peres a déclaré dans ses mémoires : « Wiesel a laissé sa marque sur l’humanité en préservant et en maintenant l’héritage de la Shoah et en livrant un message de paix et de respect entre les peuples partout dans le monde. Il a subi les atrocités les plus graves qu’ait enduré l’humanité – il y a survécu et il a consacré sa vie afin de transmettre le message disant : « Plus jamais ça![2] « .  

Mes rares rencontres avec Elie Wiesel ont aussi été brèves. Avant même que nous ne soyons jamais rencontrés, il a eu l’amabilité d’écrire un quatrième de couverture très positif pour mon livre : The Abuse of Holocaust Memory; Distortions and Responses.” [Les abus de mémoire de la Shoah ; Déformations et répliques »[3]. Il existait un autre lien, quoique très ténu, entre Wiesel et moi-même, un ami commun très proche, Ted Comet. Ayant atteint plus de quatre-vingt-dix ans, il est toujouurs très actif au sein de la vie juive aux Etats-Unis. C’est Comet, un volontaire américain d’après-guerre, venu aider les survivants de la Shoah, qui a découvert Wiesel dans un orphelinat à Paris. Cette personne exceptionnelle est restée une source majeure d’inspiration pour Wiesel l’amenant à consacrer sa vie entière au peuple juif[4]

Certaines personnes deviennent des symboles au cours de leur vie, à la fois par la façon dont ils vivent et par ce qu’ils font. Le Talmud dit que ce n’est pas sa place qui honore l’homme, mais l’homme qui honore la place qu’il tient[5]. C’était tout-à-fait le cas, lorsque Wiesel a été nommé à la présidence d’Israël en 2007[6].  Aurait-il été un bon Président? J’en doute. Une fonction représentative de cet acabit requiert de nombreux devoirs de pure formalité, de serrer des milliers de mains, de s’asseoir à des tables de dîner convenus, d’écouter trop souvent des discours sans inspiration, toutes choses que Wiesel n’aurait pas aimé. Avec sagesse, Wiesel a rejeté cette proposition, comme Albert Einstein – un autre Juif devenu symbole au cours de sa vie – avait refusé la Première Présidence d’Israël que Ben Gourion lui avait offert.

L’une des si nombreuses choses qu’une personne devenue un symbole de moralité peut faire est d’apporter du poids à des déclarations. En Roumanie, là où Wiesel est né, il y a eu beaucoup d’efforts entrepris après-guerre pour que le pays prenne ses distances avec toute responsabilité dans la Shoah. Une mesure importante qui a révélé ce processus de déformation de la réalité s’est produite lorsque la Commission Internationale sur la Shoah en Roumanie, présidée par Elie Wiesel, a publié un rapport en novembre 2004 qui a pointé du doigt sans la moindre équivoque la culpabilité de la Roumanie. Il déclare : « De tous les alliés de l’Allemagne Nazie, la Roumanie porte une responsabilité pour la mort de plus de Juifs que n’importe quel autre pays, à part l’Allemagne elle-même[7]« .

Les abus croissants concernant la Shoah peinait énormément Wiesel. Bien avant beaucoup d’autres, il le déclarait en 1988, de façon très émouvante. « Je ne peux plus employer le terme « Shoah ». D’abord parce qu’il n’y a pas de mots et aussi parce que ce terme est devenu tellement trivial que je ne peux plus l’employer. Quel que soit le malheur qui survienne, ils le rebaptisent « Shoah ». Je l’ai vu de mes propres yeux à la télévision, dans le pays même où je vis. Un commentateur décrivant la défaite d’une équipe sportive, quelque part, a appelé cela une « Shoah[8] « .  Depuis lors, les abus à l’égard de la Shoah se sont démultipliés si souvent.

Comme la déformation et la falsification de la mémoire la Shoah sont des sujets particuliers  d’intérêt pour moi, parmi bien d’autres actions importantes d’Elie Wiesel, je veux mentionner son rôle dans la lutte contre le scandale de Bitburg. En 1985, le Président américain Ronald Reagan s’était rendu en visite au cimetière militaire allemand de Bitburg. Dès que sa visite en Allemagne a été annoncée, il était aussi mentionné spécifiquement qu’il ne se rendrait pas sur le lieu d’un camp de concentration. A l’origine on avait l’impression que les seuls soldats et officiers de l’armée allemande, la Wehrmacht, étaient enterrés dans le cimetière de Bitburg. Cette visite programmée par le gouvernement allemand était un acte évident de blanchiment d’une partie de son passé obscur. La Wehrmacht, cependant, a apporté son soutien à la S.S, qui a commis l’essentiel des meurtres de masse des Juifs. Il n’y a que bien des années plus tard qu’on a appris plus largement que la Wehrmacht elle-même  avait joué un rôle aussi important dans les meurtres.

Peu de temps après l’annonce de cette visite, il a transpiré que des membres de la Waffen S.S étaient également enterrés dans ce cimetière. Cela a débouché sur d’énormes protestations contre cette visite. Reagan avait accepté de se rendre à Bitburg dans le but de montrer que les Etats-Unis avaient désormais des relations normales avec l’Allemagne et avec son chancelier pro-Américain Helmut Kohl. A cause de ces protestations i la décidé un peu plus tard dé se rendre également au camp de concentration de Bergen Belsen.

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Le groupe des « Ramones » écrivait : “My Brain Is Hanging Upside Down (Bonzo Goes to Bitburg),”,  qui fait référence à un film où Reagan partageait la vedette avec un chimpanzé appelé « Bonzo ». Frank Zappa a aussi écrit une chanson : « Reagan at Bitburg »

Dans ses mémoires, Wiesel a consacré un chapitre entier à l’affaire de Bitburg. Il a résumé l’essence même du blanchiment des crimes nazis : la tactique allemande pour blanchir les S.S, dans cette affaire, était évidente. Il a écrit : « C’est l’étape finale dans un plan minutieusement élaboré. Pour commencer, l’Allemagne a réhabilité les « gentils », la Wehrmacht ô combien! innocente. Et maintenant, à grâce à Kohl, venait le tour des S.S. D’abord et avant tout, les Bons. Et ensuite viendrait le tour des autres. Et dès que la porte serait ouverte, les tortionnaires et les meurtriers seraient aussi autorisés à entrer dans le groupe. Bitburg esqt uniquement destiné à ouvrir cette porte, cette brèche…. Des responsables au Département d’Etat m’ont dit que Kohl porte la pleine responsabilité de cette débâcle ; c’est lui qui a convaincu Reagan que si cette visite était annulée, ce serait sa propre défaite personnelle, à lui, Helmut Kohl et, par conséquent celle de toute l’alliance entre les Etats-Unis et l’Allemagne[9]« .

En 1986, Wiesel a reçu le Prix Nobel de la Paix, attribué par le Comité Nobel nrovégien. C’est un exemple montrant à quel point c’est Wiesel qui honorait le prix et non le prix qui honorait Wiesel. Quand, quelques années plus tard, Yasser Arafat deviendrait l’un des lauréats du même prix, il l’a déshonoré. Pendant des années, juste après, il a continué à envoyer des meurtriers assassiner des citoyens israéliens. Au sein de la Maison d’Orient, à Jérusalem, on a découvert une liste de versements à des terroristes et des assassins palestiniens, signée par Arafat. Elle comprenait les changements écrits de sa main, alors que les sommes étaient versées à chaque meurtrier[10].

Il y a des occidentaux, souvent même qui se font appelés « progressistes », qui montrent leur compréhension à l’égard du terrorisme commis par les Palestiniens, parce que ce seraient des victimes. Wiesel était un vrai symbole de ce qu’être victime veut dire. Il a souffert bien au-delà de la plupart des Palestiniens. Mais Wiesel ne l’a jamais instrumentalisé comme une excuse pour devenir un tueur ni soutenir des meurtriers, mais tout au contraire : pour montrer à l’humanité, qui, sans cela serait trompée, à quel point un être humain peut s’élever sur les plus hauts sommets de la morale.

 

Par Manfred Gerstenfeld

Dr.Manfred-Gerstenfeld

 

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski


[1] www.theguardian.com/us-news/2016/jul/03/elie-wiesel-tributes-obama-clinton-netanyahu

[2] http://www.foxnews.com/world/2016/07/03/world-leaders-celebrities-react-to-death-holocaust-survivor-author-elie-wiesel.html

[3] Manfred Gerstenfeld, The Abuse of Holocaust Memory: Distortions and Responses (Jerusalem: Jerusalem Center for Public Affairs, 2009),

[4] www.ujafedny.org/news/power-of-resilience/

[5] Bavli Taanit 21b

[6] http://www.haaretz.com/israel-news/1.575072

[7] www.haaretz.com/israel-news/1.575072

[8] Elie Wiesel, “Some Questions That Remain Open,” In Asher Cohen, Joav Gelber, and Charlotte Wardi, eds., Comprehending the Holocaust (Frankfurt: Peter Lang, 1988), 13.

[9] Elie Wiesel, And the Sea is Never Full: Memoirs, 1969, (New York: Alfred A. Knopf, 15 June 2007.

[10] http://www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/15297#.V3kox_l97IU

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