Lettre de Jérusalem. Les transports publics, en Israël, sont parfois pénibles. Les trains et les bus semblent condamnés à des retards. L’organisation est défectueuse et les équipements datent. Les autorités municipales et nationales ont l’habitude de se renvoyer la responsabilité. Selon une étude réalisée en 2013 par le Centre de recherche et d’information de la Knesset (Parlement), le pays investit 1 400 euros par habitant par an pour les transports en commun, contre 10 000 euros en moyenne dans 23 métropoles étudiées à l’étranger. Les années passent, peu de choses changent, et certainement pas une tradition : l’arrêt des transports en commun pendant shabbat.

 

Mais ce vendredi 1er mai à Jérusalem, pour la première fois, ce sera shabbat ou Shabus. Une initiative a émergé dans la ville sainte, corsetée par les codifications religieuses. Shabus, c’est le nom de la ligne de bus mise en place par une coopérative à but non lucratif, destinée à résoudre le problème de circulation au coucher du soleil, en fin de semaine.

Selon l’une de ses initiatrices, la conseillère municipale Laura Wharton, « 500 personnes ont déjà adhéré et des centaines d’autres sont attendues dès qu’on sera en service ». L’abonnement annuel coûte 12 euros. Puis chacun contribuera pour couvrir les frais des minibus, qui passeront une fois par heure le long d’un long parcours, du nord au sud de Jérusalem. Selon l’élue du Meretz (gauche), plusieurs villes, dont Tel-Aviv et Modiin, se montrent déjà très intéressées par l’expérimentation.

Restrictions et d’interdits

La controverse se poursuit depuis longtemps au sujet des transports pendant shabbat. Le jour de repos hebdomadaire se trouve au cœur de l’identité judaïque. Il représente un moment de retrouvailles familiales et de rupture avec la course du quotidien, que l’on soit très croyant ou simplement attaché aux traditions.

Mais le shabbat – samedi, en hébreu – s’accompagne aussi d’un certain nombre de restrictions et d’interdits, à l’interprétation lâche. On considère généralement qu’il ne faut pas dépenser d’argent, utiliser d’appareils électriques, porter des objets à l’extérieur de la maison, écrire, répondre au téléphone ou encore cuisiner. Ni voyager.

Ce dernier aspect exaspère un certain nombre d’Israéliens, en particulier les jeunes urbains laïcs, qui n’ont pas les moyens d’avoir une voiture et ne tiennent pas à fêter shabbat avec papa-maman à la lueur des bougies. Ils veulent pouvoir se déplacer en toute quiétude. Mais cette question dépasse la simple liberté de mouvement. Elle touche à la fois à la justice sociale, à l’environnement, mais aussi à la définition de l’Etat israélien, dont les juifs ne sont pas la composante exclusive. Le judaïsme moderne ne doit-il pas offrir le choix à ceux qui n’en suivent pas les préceptes ?

Ne pas heurter l’électorat nationaliste

En juin 2014, le député de gauche Nitzan Horowitz (Meretz) a proposé un texte législatif permettant aux autorités locales d’organiser des transports publics pendant shabbat, qui circuleraient avec une fréquence moindre que les jours ouvrés. La droite a bloqué cette initiative. Le statu quo entre autorités politiques et religieuses lui convient bien, histoire de ne pas heurter l’électorat nationaliste et ultraorthodoxe.

 

Conclu avant même la création d’Israël entre le futur premier ministre, David Ben Gourion, et le mouvement religieux Agudat Yisrael, ce compromis posa les bases de la place centrale du judaïsme dans l’Etat. Mais l’évolution de la société, les migrations du travail, l’autonomie des jeunes et la part des laïcs mettent en cause certains aspects de cet arrangement, longtemps accepté par tous.

Début avril, le ministre des transports, Israël Katz, a répondu avec un aplomb rare à ceux qui l’appelaient à revenir sur ce statu quo. Trois semaines après la victoire de son parti, le Likoud, aux élections législatives, le ministre était sans doute encore dopé à l’adrénaline de la campagne. Il a accusé un internaute l’apostrophant sur Facebook d’avoir des « motivations politiques » – comprendre : d’être de gauche – et de faire preuve d’« hypocrisie ».

Dans la foulée, son administration a renchéri, par communiqué. « Ceux qui demandent que les transports publics fonctionnent les samedis et pendant les fêtes ne représentent pas la majorité des usagers, mais plutôt les fondations et les groupes les plus associés avec la gauche, travaillant systématiquement contre le gouvernement, comme on l’a vu lors des élections. » En réaction, une pétition en ligne a été lancée. Son objet : interdire aux ministres l’usage des voitures de fonction, financées par les contribuables, pendant shabbat.

 P   Piotr Smolar (Jérusalem, correspondant)

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