Syrie-Turquie : « Donald Trump a commis une grosse erreur politique, peut-être sa première »

Pour Gérard Chaliand, géo-stratège et spécialiste des conflits armés, la décision de Donald Trump de retirer ses troupes du nord de la Syrie affaiblit le président américain, « totalement perdant dans cette affaire », sur la scène internationale comme sur la scène politique intérieure.

Marianne : Le PKK (organisation politique armée kurde, considérée comme terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne) représente-t-il une véritable menace intérieure pour la Turquie d’aujourd’hui, au point de justifier une nouvelle opération militaire dans les territoires kurdes de Syrie ?

Gérard Chaliand : Non, absolument pas. Le PKK a commis l’erreur, il y a quelques années, d’encourager des insurrections urbaines dans certaines villes turques. Elles ont été matées, toutes, y compris dans la plus importante des villes kurdes, Diyarbakır. C’était une erreur stratégique du PKK. Quand on fait des insurrections urbaines, on les fait dans les villes des autres, pas dans les siennes ! Car la répression de l’armée régulière y a été facile et très dure. Le PKK s’y est cassé les dents et a même perdu une partie de son aura auprès de la communauté kurde de Turquie. Donc, non, depuis quelques années, le président turc Recep Erdogan ne subit pas de pression intérieure particulière. Depuis l’échec des insurrections urbaines, il y a eu très peu d’actions déstabilisatrices d’envergure du PKK.

Si l’argument sécuritaire souvent relayé ne tient pas, pourquoi le président Erdogan a-t-il décidé de lancer cette opération militaire ?

Cette nouvelle offensive contre les forces militaires kurdes de Syrie sert merveilleusement à Erdogan pour remonter sa cote de popularité en Turquie. Aux élections municipales, il a perdu quatre villes importantes dont Istanbul et Ankara. Une claque politique ! Depuis le début de l’opération « Source de paix », il suffit de lire la presse turque pour constater qu’il est très largement appuyé. Même ses opposants, comme son ancien ministre de l’Economie Ali Babacan ou Ekrem Imamoglu, l’actuel maire d’Istanbul, soutiennent cette offensive. Tout le monde l’appuie par ultra-nationalisme. Erdogan fait donc de la politique intérieure tout en affaiblissant un adversaire potentiel et en accroissant son influence régionale. Il se sert ainsi d’une partie des groupes de combattants islamistes syriens, rassemblés au sein de l’Armée nationale syrienne, une force de substitution turque en Syrie, pour asseoir une avant-garde du sunnisme radical dont il se fait le champion pour contrer l’influence de l’Arabie saoudite et de l’axe chiite Téhéran/Damas dans la région.

« Pour Poutine, c’est un sans faute stratégique depuis le début »

Avec sa décision de retirer ses forces spéciales, positionnées en Syrie, de la zone frontalière avec la Turquie, que gagne Donald Trump ?

Donald Trump est totalement perdant dans cette affaire. Il revient à la maison en affaiblissant sa propre situation par rapport aux Républicains qui l’ont toujours soutenu. Et pas n’importe lesquels, je pense au sénateur Lindsey Graham ou au secrétaire d’Etat Mike Pompeo, qui ont dénoncé ouvertement cette décision. Donald Trump a commis une grosse erreur politique. Peut-être sa première. Car au sein même de son camp, on considère qu’il s’est trompé. Je ne suis pas de ceux qui ont sous-estimé Trump. Pour reprendre la définition qui me semble la plus juste, donnée par le président russe Vladimir Poutine, Donald Trump est un « négociateur coriace ». Il a l’instinct du tueur en politique. Il dit beaucoup de conneries, c’est certain, mais l’important ce n’est pas ce qu’il dit mais ce qu’il fait. Là, sur le dossier syrien, il vient de faire une véritable erreur : il a affaibli la position des Etats-Unis sur la scène internationale. Et elle risque de lui coûter. Car les attaques ne viennent plus simplement du camp démocrate mais de son propre camp.

Pensez-vous que cette décision profite à la Russie ?

Pour Vladimir Poutine, les objectifs sont multiples. D’abord, affaiblir la position américaine. Avec cette décision, elle est incontestablement affaiblie. Depuis 2015, les Russes ont repris la main sur le dossier syrien. Les Kurdes, que les Etats-Unis ont lâchés une première fois lors de la bataille d’Afrine en 2018, sont obligés de se rapprocher de Bachar Al-Assad pour enrayer l’offensive turque. Vladimir Poutine est au centre de tout. Il n’est ni l’adversaire des Turcs, ni celui des Iraniens. Là, en ne s’opposant que mollement à Erdogan –il faudrait voir quelles ont été les discussions entre eux deux – il donne un sacré coup de main à son véritable client Bachar al-Assad, dont il a toujours voulu conforter la position. Notamment sur Idlib, une ville tenue par des groupes islamistes dont une partie, intégrée à l’ANS, participent aux combats contre les Kurdes syriens. Ça ouvre la possibilité à Bachar al-Assad de reprendre cette ville importante d’ici quelque temps. Sur le dossier syrien, Poutine est aujourd’hui devenu indispensable. Comme tacticien, il faut avouer qu’il confine au génie. C’est un sans faute stratégique depuis le début.


“Ne faites pas l’idiot !” C’est dans des termes surprenants que s’adresse le Président américain Donald Trump au Président turque Recep Tayyip Erdogan dans cette lettre confidentielle le jour où celui-ci envoyait ses troupes dans le nord de la Syrie contre les combattants Kurdes.

Découvrez en exclusivité l’intégralité de cette lettre traduite en français !

le 9 octobre 2019
Sincèrement,
Son Excellence
Recep Tayyip Erdogan
Président de la République de Turquie
Ankara

Cher Monsieur le Président :

Trouvons un terrain d’entente! Vous ne voulez pas être responsable du massacre de milliers de personnes, et je ne veux pas être responsable de la destruction de l’économie turque – ce que je ferai (si nécessaire). Je vous ai déjà donné la preuve de mon respect avec le pasteur Brunson.

J’ai travaillé dur pour résoudre certains de vos problèmes. Pensez au reste du monde. Vous pouvez faire une bonne affaire. Le général Mazloum est prêt à négocier avec vous, et il est prêt à faire des concessions qu’ils n’auraient jamais faites dans le passé. Je joins à la présente, en toute confidentialité, une copie de la lettre qu’il vient de me faire parvenir.

L’Histoire vous jugera d’un oeil favorable si vous agissez de façon juste et humaine. Elle vous considérera à jamais comme le diable si les choses se passent mal. Ne jouez pas au dur! Ne faites pas l’idiot! Je vous téléphonerai plus tard.

Fac-similé traduit de l’anglais par Valeurs actuelles

Originalement publié sur Tumblr: https://ift.tt/2BfZtTM

Confidentiel : La lettre de Trump à Erdogan traduite en Français !

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Moshe

Quelqu’un pourrait m’expliquer pourquoi Israël a aidé la Turquie à capturer Abdullah Öcalan?
C’est un démocrate!