Le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, nouveau rendez-vous manqué pour Marine Le Pen, étouffée par un Emmanuel Macron offensif

Après un faux départ, la candidate d’extrême droite n’est pas parvenue à reprendre la main, mercredi, durant près de trois heures d’échanges.
Ce mercredi 20 avril, la candidate du Rassemblement national (RN) est prête pour la revanche. Cinq ans après le débat raté de l’entre-deux-tours de 2017, la représentante de l’extrême droite affronte de nouveau Emmanuel Macron, déterminée à ne pas refaire les mêmes erreurs que par le passé. Son échec d’alors, ne cesse-t-elle de répéter, l’a forgée. Il est à peine 21 heures quand les présentateurs annoncent qu’elle prendra la parole la première. Elle a grimacé à la vue du décor mimant l’Elysée, derrière elle, qui valorise à son goût le président en exercice. Mais elle se lance. « La France, c’est son peuple », débute-t-elle avant que sa voix ne soit subitement couverte par le bruit du jingle. Faux départ. Gêne. L’émission n’a pas encore démarré. Emmanuel Macron sourit puis lève les yeux au ciel.
Métaphore d’un rendez-vous raté, une fois de plus, entre la trois fois candidate et son destin présidentiel ? On le saura dimanche soir. En près de trois heures de débat face au président sortant, Marine Le Pen a donné le sentiment de ne jamais parvenir à se replacer sur la ligne de départ quand son adversaire, pugnace, luttait pour ne pas pécher par excès de confiance. Tel un boa constrictor, Emmanuel Macron a semblé resserrer peu à peu son opposante jusqu’à ce qu’elle étouffe. Et les multiples incises et marques de respect du président, lâchant régulièrement des « vous avez raison », ne visaient qu’à mieux souligner les incohérences et les faiblesses du raisonnement de la candidate dont il n’a eu de cesse de dénoncer les « contre-vérités ».

 

« Vous n’avez pas répondu, car vous n’avez pas de réponses »

Les premières minutes consacrées au pouvoir d’achat promettaient pourtant d’avantager Marine Le Pen. Las, elle a trébuché. Elle a bien accusé Emmanuel Macron d’avoir instauré la taxe carbone et d’avoir coupé les aides au logement de 5 euros, en promettant, elle, de baisser la TVA de 20 % à 5,5 % sur l’énergie « de manière pérenne, pas des chèques, pas des tickets de rationnement ». Et, dès les premières minutes, elle a dressé l’inventaire de ses mesures, qu’elle financerait par la chasse aux « dépenses qui [lui] apparaissent dispendieuses ou nocives » ou par « l’argent qui, en réalité, s’enfuit » – sans dire qu’elle vise l’immigration et la fraude sociale.
Une à une, Emmanuel Macron a démonté les principales promesses de son adversaire. Il a vanté son bouclier énergétique « deux fois plus efficace que la baisse de la TVA », bien que lié à la crise : « J’assume de ne pas subventionner le gaz et le pétrole qu’on ne produit pas, mais plutôt de dépenser l’argent public pour aider les ménages à rénover leur logement ou à changer de véhicule. » Marine Le Pen a rétorqué : « Qui le paye, M. Macron ? Ce sont les contribuables. » « Mais comme la baisse de la TVA », lui a-t-il opposé.
Même impasse lorsqu’elle promet l’« augmentation des revenus » en gelant les cotisations patronales sur les hausses de 10 % des salaires. « Vous n’allez pas décider pour l’employeur. Vous ne ferez pas les salaires, Mme Le Pen », s’est étonné Emmanuel Macron. Celle qui s’est présentée comme « la candidate du pouvoir d’achat » en campagne n’est pas parvenue à reprendre la main. « Vous n’avez pas répondu, car vous n’avez pas de réponses », a achevé son adversaire.

« Vous dépendez du pouvoir russe »

Alors que les bombes russes tombent sur le sol ukrainien, la politique internationale s’avérait d’emblée embarrassante pour la représentante d’un parti endetté auprès de Moscou. Emmanuel Macron s’est lui installé dans le rôle qui lui sied le mieux, celui du défenseur de l’Europe et de l’Ukraine face « au choix funeste » de la Russie. « Notre rôle est de défendre l’Ukraine, en veillant comme je le fais, depuis le début, à ce que cette guerre n’aille pas dans une escalade et qu’elle ne s’étende pas », a-t-il lancé en remettant quelques instants son costume présidentiel.
Désarçonnant presque le chef de l’Etat, Marine Le Pen a affirmé que « l’agression dont l’Ukraine a été victime n’est pas admissible » et a concédé que « les efforts que vous avez développés pour tenter de trouver, au nom de la France, les moyens, les voies de la paix méritent d’être soutenus ». Le chef de l’Etat n’aura pas manqué de s’étonner de cette position, contraire aux votes du RN au Parlement européen ou aux déclarations passées de Marine Le Pen. Ni de rappeler qu’elle fut l’une des premières leaders en Europe à reconnaître, dès 2014, l’annexion de la Crimée. « En droit international, on reconnaît rarement, depuis la deuxième guerre mondiale, des territoires qui sont annexés par la force », a-t-il pris soin de souligner.
Mais c’est avec l’argument massue visant à expliquer la complaisance de Marine Le Pen envers le régime de Poutine par le prêt que le RN a contracté en 2014 auprès d’une banque russe proche du Kremlin qu’Emmanuel Macron assène : « Je le dis avec gravité ce soir. Parce que pour notre pays, c’est une mauvaise nouvelle. Parce que vous dépendez du pouvoir russe et que vous dépendez de M. PoutineVous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie. » « C’est faux et c’est assez malhonnête », a-t-elle répliqué avant d’admettre, devant les Français, qu’elle rembourse toujours son prêt, « tous les mois rubis sur ongle ». Si le RN s’est tourné vers la Russie pour se financer, a-t-elle ajouté, c’est « parce qu’aucune banque française n’a voulu m’accorder de prêt » et que son parti, toujours débiteur, « est un parti pauvre ».
Sur l’Europe, Marine Le Pen qui, hier, défendait la sortie de la zone euro, a aussi peiné à clarifier son projet d’une « Europe des nations »« On peut décider de ripoliner tout seul la façade. Mais enfin, l’Europe c’est une copropriété. A un moment donné, dans une copropriété, vous ne dites pas du jour au lendemain, ça ne s’appelle plus la copropriété parce que je l’ai décidé », a dénoncé le chef de l’Etat. « Vous me parlez de rabougrissement. Vous êtes nationaliste », a-t-il enchaîné dénonçant le « cynisme » de son adversaire qu’il accuse de déclarer « finito » le marché européen en rétablissant des contrôles de marchandises aux frontières.

« La retraite à 65 ans est une injustice insupportable »

Restaient les retraites. L’occasion rêvée pour la « candidate du peuple » de dénoncer la « brutalité sociale » d’Emmanuel Macron. De fait, Marine Le Pen propose une réforme de départ entre « 60 et 62 ans » (67 ans à taux plein pour ceux qui ont commencé à travailler à 25 ans). « La retraite à 65 ans est une injustice insupportable », a-t-elle renvoyé au candidat.
L’intéressé a répondu en deux temps : d’abord, en justifiant l’éventuel report de l’âge de départ par les « progrès à financer » pour améliorer le « niveau des retraites ». Puis, en démontant le projet de Marine Le Pen, qu’il dit injuste puisqu’elle supprimerait le système de pénibilité et maintiendrait les régimes spéciaux. Marine Le Pen ne répond pas et encaisse la dernière salve d’Emmanuel Macron sur le financement bancal de son projet, à moins que sa challengeuse n’envisage, accuse-t-il, des « impôts cachés ».
« Ne me donnez pas de leçon sur le financement de mon projet », s’est exaspérée la candidate du RN, en rappelant les « 600 milliards d’euros de dette [publique] supplémentaire ». Emmanuel Macron ne peut réprimer un « aïe aïe aïe ! » « Vous auriez fait quoi [face aux conséquences économiques du Covid-19] ? », lance-t-il. « Que vous ayez l’outrecuidance de dire qu’on a aidé les grands groupes ! Demandez aux commerçants, aux artisans… », s’emporte-t-il, en se disant « fier » de la dette. Avant de lâcher : « C’est pas Gérard Majax ce soir, Mme Le Pen. Arrêtez ça. Les chiffres, on parle de vies derrière. » A lui l’empathie et la proximité, à elle la bataille des chiffres du chômage, de la balance commerciale ou de la dette publique. Curieux renversement.

« Climatosceptique » contre « climato-hypocrite »

Sur la santé, l’énergie, l’environnement – où le duel s’est résumé à une bataille d’invectives entre une candidate accusée d’être « climatosceptique » et le président décrit comme « climato-hypocrite » – ou l’école, aucun domaine n’a permis à Marine Le Pen de reprendre l’avantage ni de mettre Emmanuel Macron véritablement en difficulté. L’évocation du cabinet de conseil McKinsey, auquel l’Etat a eu abondamment recours, n’a occupé que quelques secondes du débat. « Je m’y attendais », a-t-il dit. Tout juste Emmanuel Macron s’est-il laissé aller à quelques sourires narquois et à des mines atterrées face aux mots de son adversaire, laissant poindre un complexe de supériorité.
Ce n’est qu’à 23 heures passées que Marine Le Pen a atterri sur son terrain de prédilection, l’insécurité. « On est confrontés à une vraie barbarie, à un vrai ensauvagement, a-t-elle dépeint en renouant avec sa martialité. On vous blesse, on vous violente, on vous saute sur la tête ou on cherche à vous assassiner. Ce n’est plus possible. » La cause directe ? « L’immigration anarchique et massive », a-t-elle désigné, en projetant d’y mettre fin. Elle a flatté les policiers en proposant de « les aimer » et d’instaurer une « présomption de légitime défense », ce à quoi Emmanuel Macron a rappelé qu’elle n’avait pas hésité à accuser, à tort, « les policiers de M. Darmanin » d’avoir évacué violemment une manifestante de l’une de ses conférences de presse, la semaine dernière.
Le chapitre sur la laïcité s’est transformé en débat autour du voile musulman, sujet prisé par Marine Le Pen, qui propose de l’interdire dans les lieux publics. « Permettez-moi d’essayer de sortir du sujet », a-t-elle pourtant amorcé, comme pressée d’en finir. Sur la défensive, elle a assuré qu’elle n’avait « pas oublié » qu’il y avait du « terrorisme », en répétant que le voile était à ses yeux un « uniforme imposé par les islamistes », qu’elle entend bannir pour toutes. Emmanuel Macron a saisi la perche : « Ce qui est inquiétant, c’est votre cheminement » liant religion musulmane, islamisme, étrangers et terrorisme. Le président candidat a, lui, réitéré son attachement à la loi de 1905 et haussé le ton.

« Il faut recoudre la démocratie française »

« Vous allez créer la guerre civile », a-t-il lancé à une Marine Le Pen aux yeux écarquillés de surprise. « C’est grave, ce que vous dites », a-t-elle réagi à mi-voix. Emmanuel Macron, d’un ton professoral, a alors expliqué les contours de la laïcité, invoqué la « France de l’universalisme » contre « une trahison de la République » consistant à faire de la France « le premier pays au monde à interdire un signe religieux sur la voie publique ». Implacable.
Marine Le Pen n’est pas parvenue à terminer ses phrases, ses hésitations culminant lorsque son débatteur a mentionné Latifa Ibn Ziaten, mère voilée de l’un des militaires assassinés par le terroriste islamiste Mohammed Merah. « Oh écoutez… », a-t-elle maugréé en baissant les yeux. Son adversaire en a profité pour décrier une « loi de rejet », qui assimile foulard musulman et islamisme radical, à tort, au point qu’il lâche : « Les bras m’en tombent. » La candidate, attendue sur le respect de l’Etat de droit, a tenté : « Vous n’avez pas lu ma loi. » « Non, mais j’ai lu la Constitution française », a répondu du tac au tac l’énarque.
Le reste du champ régalien n’a pas davantage souri à la leader de l’extrême droite, malgré son projet d’un référendum sur l’identité française et l’immigration. Emmanuel Macron a rappelé que Marine Le Pen n’avait pas voté sa loi contre le « séparatisme » islamiste, quelques instants avant qu’elle peine à prononcer l’acronyme du fichier des personnes suivies pour radicalisation (« FSPRT », pour fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste). Alors qu’elle propose de délocaliser les demandes d’asile dans les ambassades et consulats, le président sortant a rappelé que la France allait accueillir les « combattants de la liberté » ukrainiens fuyant la guerre. « Bien sûr », a murmuré Marine Le Pen, de nouveau sur la défensive.
Il était près de minuit lorsque la question des institutions s’est posée aux candidats, et que Marine Le Pen a semblé s’éveiller en citant les revendications des « gilets jaunes » : le référendum d’initiative citoyenne (RIC) et la proportionnelle. « Il faut recoudre la démocratie française », s’est exclamée celle qui veut faire du référendum son mode de gouvernance contre « la désunion, le sentiment de mépris » du pouvoir. « Le peuple est souverain », a-t-elle argumenté. Le président candidat est revenu à la charge : « Vous ne respectez pas la Constitution française. » Allusion à sa volonté de réformer en profondeur la Constitution en contournant le Parlement et en passant par l’article 11, qui autorise certes les référendums, mais pas pour réviser la Constitution… « C’est légal, mais c’est surtout démocratique », s’est pourtant défendue Marine Le Pen.
Dans ce face-à-face qu’il a dominé, Emmanuel Macron a tenté une sortie élégante en remerciant son opposante. « Je combats vos idées (…) mais je vous respecte », a-t-il salué, en évoquant des « désaccords sincères, respectables ». Ses quarante dernières secondes ont été consacrées aux enfants, prétexte à opposer une France nostalgique à « un monde meilleur » incluant l’Union européenne, une « ambition écologique », la « fraternité républicaine » et même « ce que nous sommes profondément, d’où nous venons et ce que nous avons à faire ». Marine Le Pen a, elle, lu son texte d’un ton mécanique, sans un mot pour son compétiteur. Une conclusion adressée « au peuple », opposant « les prédateurs d’en haut » et ceux « d’en bas ». Elle a appelé à accorder « la priorité aux Français dans leur propre pays » et à « le faire sans complexe ». Lèvres pincées et regard évasif, Marine Le Pen illustrait pourtant le complexe d’une candidate en dehors du costume, face au sourire triomphant de son adversaire. Ils n’ont pas échangé un mot alors que débutait le générique de fin.

Claire Gatinois et Ivanne Trippenbach – Le Monde

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Jacques

Avant que le debat debute, je savais que les mainstream medias allaient dire que Marine avait raté son débat. Les mainstream medias sont controlés par le gouvernement, directement ou inconsciemment. Si les mainstream medias ne l’etaient pas, ils devraient dire la meme chose que pour Hillary Clinton en 2016 : Si Marine est elue, ce sera la 1ere femme president de la Republique. Pour Clinton, ils l’avaient dit si souvent dans le monde entier.

martin

Claire Gatinois et Ivanne Trippenbach – Le Monde.

vous ne seriez pas un peu pro macron?
macron qui approuve toutes les resolutions de l’onu et de la ligue arabe contre israel!
pourquoi laissez les commentaires de ces personnes antitionnistes , sur votre site?
vous ne connaissez pas macron; mais vous allez voir maintenant ce qu’il pense des juifs et d’israel.

Richard MALKA

MLP: « la politique c’est l’aride faire des choix » oui dans la vie il savoir prendre faut prendre des décisions mêmes si elles ne sont pas forcément les meillurs.
Macron: « Vous interdisez le voile ce sera la guerre civile » : QUI EST PETAIN AUJOURD’HUI ???
Macron: « Il faudra interdire la kippa aussi » : Est-ce que le Crif et nous même allons nous laisser être mis dans le même panier que ces islamistes ? Allons nous laisser être pris en otage par une crapule pareille qui ne fera que faire monter l’islamogauchisme et l’antisémitisme.
Quand je vois LASSALLE (que je ne pense pas antisémite) déclarer: « Avec Macron je ne veux pas que la France soit dans les mains de Rotchild (Mullier, LVMH etc…inconnu au bataillon » qui sont les imbéciles de services encore près à voter pour Macron ?
Heureusement qu’il y a Zemmour pour honorer ce que nous sommes, honte aux Crif et au rabbin Korsia !!!

Avigail

Les gens doivent de réveiller de cette hypnose collective car la magie des forces obscures pour manipuler ne marche plus !!!!!!!!! D’ merci!!!!!!!

alexpierre

CQFD cher Boccara !

Boccara

Signé par 2 journalistes du journal « le monde » dont nous pouvons apprécier l’ « objectivité» tous les jours en lisant les « articles » qu’il publie sur Israël .