Sous contrôle judiciaire, Yasmine Znaidi rejoint Gaza

Fondatrice de Perle d’espoir, une ONG suspectée de soutenir des groupes de combattants islamiques en Syrie a décidé de quitter la France.

Si le nom de Yasmine Znaidi est inconnu de la plupart des observateurs du courant jihadiste, celui de l’association dont elle est la fondatrice, «Perle d’espoir», renvoie à l’une des premières affaires impliquant des Français dans le Jihad en Syrie. L’association Perle d’espoir est en effet accusé d’avoir profité de ses convois humanitaires «pour financer des groupes de combattants syriens» au cours de l’été 2013 [1]. Le groupe de combattants dont il est question est celui de la brigade des Faucons du levant (Suqur ash-Sham), qui à l’époque appartenait à l’Armée Syrienne Libre (ASL) [2], soutenue politiquement par plusieurs gouvernements occidentaux dont la France. Cependant, les dirigeants des Faucons du Levant sont aussi d’anciens militants jihadistes, notamment Bassam Ayachi, dont le fils Abd ar-Rahman a été tué dans la province d’Idlib en juin 2013, ce qui explique sans doute la méfiance des services de renseignements envers cette composante radicale de l’ASL. Autre facteur aggravant pour Perle d’espoir, la proximité de certains de ses membres avec le courant jihadiste, l’un d’entre eux allant jusqu’à tenir des propos ultra-violents sur les réseaux sociaux.

Un Palestinien dans un tunnel creusé près de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 9 décembre 2013. Photo Mahmud Hams / AFP

C’est dans ce contexte, post-printemps arabe, à une époque où la politique étrangère de la France n’était pas sans ambiguïté, que Yasmine Znaidi fait le voyage en Syrie, à l’été 2013. Ce déplacement en convoi humanitaire intervient après que Yasmine, enceinte, a séjourné un an à Gaza où elle a épousé un Palestinien, qu’elle décrit comme «un membre actif de la résistance», sans donner davantage de précision si ce n’est que son époux «n’appartient pas au Hamas». A son retour dans l’Hexagone, elle accouche d’une petite fille et souhaite rejoindre son mari à Gaza mais ne parvient pas à refaire son passeport en France, après une première demande déposée au mois d’octobre 2013. Au début de l’année 2014, son compte bancaire est gelé par un arrêté ministériel. C’est le début de l’affaire «Perle d’espoir». En novembre 2014, Yasmine est arrêtée, interrogée par les services antiterroristes et placée sous contrôle judiciaire. Un an plus tard, après les attentats du 13 novembre au Bataclan, la pression policière s’accentue avec la mise en place de l’état d’urgence.

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Yasmine envisage alors de rejoindre son mari à Gaza, malgré l’interdiction de sortie du territoire dont elle fait l’objet. Une convocation de la brigade de protection de la famille reçue en février 2016 achève de la convaincre de quitter la France, craignant que la garde de sa fille lui soit retirée. Quelques jours plus tard, après une escale en Italie, elle atterrit, seulement munie de sa carte d’identité, à l’aéroport du Caire. De là elle espère rejoindre rapidement son mari en empruntant l’un des tunnels reliant le territoire égyptien à Gaza. Son séjour en Egypte se prolongera jusqu’au mois d’août, date à laquelle un passage sécurisé lui permet de franchir la frontière avec sa fille. Depuis Yasmine vit aux côtés de son mari à Gaza et a accepté de répondre aux questions du blog jihadologie, rendant ainsi publique sa situation au regard de la justice française.

Lorsqu’on lui demande d’expliquer les raisons qui l’ont poussé à violer son interdiction de sortie de territoire, la plaçant ainsi dans une situation délictueuse, alors que Yasmine Znaidi était jusque-là présumée innocente, celle-ci évoque un «contexte sécuritaire», devenu «insupportable». «Vu le contexte sécuritaire, il était plus que probable que je sois condamnée. Après plus de trois ans coincée en France, je voyais que rien n’avançait et que personne ne m’auditionnait pour entendre ma version des faits. Ma situation familiale était difficile, seule avec ma fille née en France, qui ne connaissait pas son père, bloqué à Gaza. Tout ça me pesait, sans compter l’humiliation au quotidien.»

Pour Yasmine, c’est le traitement des policiers à son égard, dans le cadre du contrôle judiciaire dont elle fait l’objet, qu’elle qualifie «d’humiliation au quotidien». Sans remettre en cause ce témoignage, il faut souligner qu’il n’est pas repris par tous les assignés à résidence. L’un d’entre eux, ancien président d’une association de défense de détenus islamistes, estime que si parfois certains policiers sont agressifs, ce comportement est loin d’être systématique dans les commissariats où il se rend trois fois par jour pour signer un registre depuis près d’un an.

Au cours de notre entretien, Yasmine Znaidi n’a pas souhaité préciser ses positions idéologiques, si ce n’est son hostilité à l’Etat israélien qu’elle qualifie «d’occupant sioniste» et son refus de voir «le camp de la résistance», dans lequel elle inclut les groupes jihadistes de la bande de Gaza, se diviser dans des combats fratricides. En réalité, si le Hamas réprime parfois les groupuscules jihadistes de Gaza, ces phases répressives sont ensuite suivies de négociations rééquilibrant les rapports de force locaux, sinon comment expliquer que l’Etat islamique (EI) n’ait encore jamais frappé le Hamas à Gaza? Ainsi selon, certaines sources israéliennes, un Emir de la branche de l’EI au Sinaï se serait fait soigner à Gaza [3], sans doute en échange d’une trêve provisoire avec les jihadistes palestiniens. Enfin, malgré ses ambiguïtés avec les jihadistes, le Hamas cherche à se défaire de son image d’organisation terroriste en voulant se poser devant les Occidentaux comme un rempart face au terrorisme dans la région. Ainsi par pragmatisme politique, il n’est pas impossible que le Hamas accepte une demande d’extradition de Yasmine déposée par la France. Face à cette hypothèse, qu’elle considère «fort probable», au moins pour son acceptation officielle, Yasmine espère que celle-ci «ne sera jamais concrètement appliquée».

(1) Une association humanitaire accusée de financer le djihad (Le Monde)

(2) Suqour al-Sham Brigade (Wikipedia).

(3) Un chef de Daech soigné à l’hôpital européen de Gaza (JDD)

(MISE À JOUR : )

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