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INTERVIEW – Joël Mergui, président du Consistoire, appelle les fidèles comme ceux qui fréquentent peu les synagogues à se réunir, notamment à travers des cours et des repas pris en commun, et revient sur les inquiétudes de la communauté.

 

Joël Mergui est président du Consistoire central – union des communautés juives de France, un réseau qui, depuis 200 ans, organise, représente et défend les intérêts du judaïsme partout en France, tant sur les questions d’alimentation que d’enseignement, d’état civil, de sécurité, de mémoire ou d’organisation du culte. Un mois après les attentats, il revient sur les craintes de la communauté juive pour son quotidien et son avenir.

LE FIGARO – Un mois après les actes terroristes contre Charlie Hebdo et l’HyperCacher de la porte de Vincennes, vous lancez, ces 6 et 7 février, «l’hyperchabbat». De quoi s’agit-il?

Joël Mergui : Sept millions de Français ont acheté Charlie Hebdo, en réaction contre le terrorisme et pour défendre la liberté d’expression. Mais quelle part et quelle mobilisation pour l’antisémitisme, qui s’est une nouvelle fois exprimé avec l’assassinat de quatre juifs? Quatre juifs qui se rendaient dans l’HyperCacher pour préparer chabbat. L’«hyperchabbat», c’est notre réponse: ensemble, faisons ce prochain chabbat en soutien et en mémoire aux victimes de l’attentat antisémite de l’Hyper Cacher. C’est un appel que nous lançons à toutes les communautés juives de France, aux pratiquants mais aussi à ceux qui n’ont pas l’habitude de se rendre à la synagogue. Allons-y tous pour défendre notre liberté de conscience, de croire, la liberté d’être juif en France, de manger cacher, de faire chabbat et de vivre notre identité. La communauté nationale a montré sa solidarité, notre communauté peut et doit manifester la sienne.

C’est le dernier échange SMS de Yohav Hattab, jeune homme assassiné à l’hyperCacher, avec un de ses amis qui vous en a donné l’idée. Expliquez-nous.

Dans cette conversation, il lui recommandait de faire chabbat autant que possible, malgré les études, un voyage planifié en avion, etc. Ce SMS m’a littéralement bouleversé. Symboliquement, c’est chacun de nous qu’il invite, d’une certaine façon nous sommes tous ses amis. Alors cela m’a donné l’idée d’un «hyperchabbat» communautaire, afin de réaliser le testament d’un jeune juif assassiné par l’antisémitisme.

Depuis un mois, vous avez sondé le cœur de la communauté juive en rencontrant commerçants, familles, dirigeants communautaires, élus et préfets chargés de l’antisémitisme et du racisme. Comment les juifs de France vivent-ils depuis ces événements?

Je vois qu’ils sont encore sous le choc, et dans une phase particulière: à la fois rassurés par la réaction de sécurisation de l’État, la prise de conscience générale de la menace islamiste – qui n’a pas visé que les juifs mais aussi les policiers et les journalistes – la plus grande sensibilité des non-juifs à l’égard des juifs, mais aussi inquiets pour l’avenir. S’ils se félicitent de ce réveil, de ce sursaut national, de ce sentiment de ne plus être seuls, ils se demandent «qu’en fera-t-on?», craignant que ce soit éphémère. Ils sont en attente, avec la peur d’être déçus.

Le sentiment de peur s’est-il dilué dans le retour au quotidien?

La peur n’est malheureusement pas nouvelle dans l’histoire de la communauté, mais elle a atteint son paroxysme avec ces drames. 70 ans après la Shoah, on n’aurait jamais imaginé qu’on atteindrait une telle dimension. Dès 2005, on avait quand même tiré la sonnette d’alarme, avec la multiplication d’incidents. Mais il n’y avait alors pas de meurtres antisémites. Jusqu’à ce qu’on torture et tue Ilan Halimi, en 2006, et qu’on assassine ces 4 victimes à l’Hyper Cacher… Pour autant, la vie reprend son cours, en induisant de nouveaux comportements, de nouveaux réflexes. Avec le même mot d’ordre: résistance.

Nombreux ont déclaré vouloir rejoindre Israël. Craignez-vous un pic de départs?

Le pic a eu lieu en 2014, avec 7000 juifs de France partis en Israël. Contre 2000 en moyenne. Cette poussée d’«alya» est très clairement la conséquence des tueries de Toulouse perpétrées parMohamed Merah en 2012 (trois militaires, trois enfants d’une école juive et leur père, NDLR). Cela a mis deux ans pour des raisons liées à l’organisation complexe et au respect de l’année scolaire, car ceux qui partent sont le plus souvent des familles, qui veulent protéger l’avenir de leurs enfants. Rien ne permet encore de dire qu’autant de départs auront lieu cette année, mais il est certain que 2015 sera une année forte sur ce point là.

À l’inverse, vous observez une attitude farouchement contraire au sein de la communauté, laquelle?

Les juifs ont conscience d’être la cible privilégiée de ces nouvelles haines antisémites mais ils sont dans leur pays et n’entendent pas céder à la panique, ni laisser la France aux mains du terrorisme. Je sens, partout où je vais à leur rencontre, qu’il y a un sentiment de responsabilité pour ne pas abandonner le pays à l’idéologie islamiste. On a une reconnaissance, une envie de bâtir quelque chose avec la France. Seulement, l’islamisme radical est une maladie extrême qu’il ne faut pas combattre avec des méthodes douces. Ce n’est pas la laïcité, quoique fondamentale et impérative à défendre, qui résoudra tous les problèmes.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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