Il est instructif de voir comment des sociologues, des démographes ou des politiciens, pensent qu’ils peuvent appréhender les problèmes du peuple juif en voulant justement oublier qu’il a sa propre spécificité, et qu’il n’entrera jamais dans les grilles de lectures conventionnelles. Ils semblent aujourd’hui s’étonner de voir qu’Israël, qui a survécu pendant plus de deux mille ans à l’exil et aux persécutions, ne craint pas l’arme démographique, bien au contraire. Ils constatent, avec amertume et regret, que les familles juives, notamment les familles religieuses, ont beaucoup plus d’enfants que les femmes arabes qui paraissent perdre de leur fécondité. La gauche israélienne, pour sa partie athée, qui a enterré sa judaïcité, n’est pas gênée de céder une partie de la Terre d’Israël, et elle s’appuie en cela sur la raison démographique. Tout cela relève de l’ignorance et du mensonge. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. L’article ci-dessous remet les pendules à l’heure, même si l’auteur, à évacuer la vraie raison des choses, qui tient au fait de la spécificité éternelle du peuple Juif.

En Israël, la course démographique s’inverse.

L’écart entre le taux de natalité des Arabes et celui des Juifs, les deux principales communautés de l’État hébreu, où l’évolution de la population a des conséquences géopolitiques et économiques, s’est considérablement réduit ces dernières années, voire, même, inversé.

Quand une Israélienne a moins de trois enfants, elle se sent obligée de se justifier – voire de s’excuser. C’est en tout cas ce qu’affirme une démographe renommée de l’État hébreu. Chaque fois qu’elle se rend à Londres, elle est frappée par le peu de magasins de jouets dans les rues de la capitale. Israël est l’un des pays développés qui enregistre le plus de naissances au monde : l’indice de fécondité culmine à 2,9 enfants par femme en moyenne, contre 1,8 chez les Françaises et 1,6 chez les Britanniques.

Or, dans cette partie du monde, l’évolution démographique a des conséquences géopolitiques et économiques. Israël compte 9,5 millions d’habitants, dont environ 21 % d’Arabes (musulmans, pour la plupart), et 74 % de Juifs. Mais si l’on tient compte des territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie, les Juifs ne représentent plus que 50 % de la population.

C’est là tout le dilemme de l’État hébreu : impossible d’avoir à la fois une population très majoritairement juive, l’ensemble des territoires conquis en 1967 et une véritable démocratie – qui ne discrimine pas les Arabes. Les chiffres ont donc leur importance, et les dirigeants israéliens et palestiniens ont longtemps surveillé de près les taux de natalité.

Depuis 1960, les familles arabes ont 3 fois moins d’enfants.

Yasser Arafat, qui a présidé l’Autorité palestinienne pendant plus de trente ans, décrivait le ventre des femmes arabes comme la meilleure des armes [face à Israël]. Durant un temps, les projections des démographes ont annoncé qu’il y aurait un jour plus d’Arabes que de Juifs entre les rives du Jourdain et la Méditerranée. Ces prédictions inquiétaient déjà Benyamin Nétanyahou avant qu’il devienne Premier ministre – celui le plus longtemps jamais resté en exercice. En 2003, il déplorait la mise en danger de l’identité juive d’Israël à cause du taux de natalité chez les Arabes israéliens, alors bien plus élevé que celui des Juifs – sans parler des naissances à Gaza et en Cisjordanie.

“À l’époque, l’écart démographique était conséquent : sur le seul territoire israélien, les femmes arabes avaient presque deux fois plus d’enfants que les Juives. Mais depuis quelques années, l’écart se resserre, conséquence de la chute des naissances côté arabe, et de leur hausse côté juif.”

En 1960, l’indice de fécondité des Arabes israéliennes s’élevait à 9,3 enfants par femme. Au cours des trente-cinq années suivantes, il a quasiment diminué de moitié, passant à 4,7, puis à 3 aujourd’hui. Même phénomène chez les Palestiniennes de Gaza et de Cisjordanie, où l’indice est passé de 4,6 en 2003 à 3,8 en 2019.

Ces évolutions reflètent une tendance mondiale : dans les pays de l’OCDE, l’indice de fécondité moyen est passé de presque 3 en 1970 à 1,6 – bien au-dessous des 2,1 enfants par femme requis pour assurer le maintien de l’effectif d’une population. À l’échelle mondiale, les femmes de confession musulmane sont celles qui ont le plus d’enfants, d’après le Pew Research Center. Et pourtant, dans cette communauté aussi, l’indice de fécondité est en chute libre : s’il atteignait 4,3 en 1995, vingt ans plus tard, il ne dépassait pas les 2,9.

Sept États arabes figurent parmi les douze pays ayant enregistré les plus fortes baisses de fécondité entre la fin des années 1970 et le milieu des années 2000. En Iran, où les responsables religieux ont longtemps appelé les femmes à enfanter davantage, l’indice de fécondité est passé de 7 enfants par femme en 1984 à 1,7.

Chez les Juifs ultraorthodoxes, près de 7 enfants par femme.

Au vu de ces tendances, la hausse de la natalité chez les Juives d’Israël est d’autant plus surprenante. Entre 1960 et 1990, l’indice de fécondité était passé de 3,4 à 2,6, une évolution apparemment en phase avec le reste du monde. Mais la tendance s’est ensuite inversée, et l’indice est remonté, jusqu’à atteindre son niveau actuel de 3,1.

Cette évolution à contre-courant s’explique en très grande partie par la présence de plus en plus marquée des Juifs ultraorthodoxes (les Haredim), chez qui l’indice de fécondité s’élève à 6,6 enfants par femme, soit deux fois plus que la moyenne nationale, et trois fois plus que chez les Juifs laïcs. Conséquence de ce phénomène, le pourcentage d’ultraorthodoxes dans la population est plus ou moins multiplié par deux à chaque nouvelle génération, constate Dan Ben-David, économiste à l’université de Tel-Aviv et au sein du think tank Shoresh Institution. Les Haredim ne représentent que 13 % des Israéliens, mais 19 % des enfants de moins de 14 ans, et 24 % des moins de 4 ans. D’après l’institut officiel de statistiques, si la tendance se poursuit, d’ici à 2065, la moitié des enfants israéliens seront des Juifs ultraorthodoxes.

Si cette natalité galopante a de quoi séduire les rabbins et les nationalistes juifs, elle altère également l’identité d’Israël et met en péril l’économie nationale, avertit Dan Ben-David. La plupart des Haredim envoient leurs fils dans des écoles religieuses pour étudier la Torah, au détriment de matières comme les mathématiques et les sciences, pourtant indispensables pour décrocher un emploi dans le secteur de la tech [très présent en Israël]. Moins d’un ultraorthodoxe sur deux est présent sur le marché du travail, car nombre d’entre eux se consacrent à l’étude des textes anciens. Souvent, ils ne vivent que du salaire de leur femme et d’allocations de l’État.

“La volonté de Dieu”

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette forte natalité au sein de la communauté ultraorthodoxe. De nombreux Haredim rêvent d’une famille nombreuse pour compenser les millions de vies perdues durant l’Holocauste, ou sont persuadés de servir Dieu en procréant. Yerach Toker, qui a déjà six enfants, confie :

“Je n’ai jamais utilisé de contraception. Beaucoup de choses relèvent de la volonté de Dieu, et celle-ci en fait partie.”

Par ailleurs, en règle générale, les femmes se marient et tombent enceintes plus tôt que chez les laïcs. Et comme de nombreuses familles ultraorthodoxes tentent de se tenir à l’écart des influences extérieures, comme Internet et la télévision, elles sont sans doute en partie préservées des facteurs qui tirent la natalité à la baisse dans le reste du monde.

Politique nataliste et structure familiale traditionnelle.

Il est en revanche plus difficile d’expliquer la forte natalité chez les Juifs laïcs. La plupart d’entre eux ont un emploi, et les congés parentaux ne sont pas particulièrement avantageux en Israël, pas plus que les solutions de garde, qui ne sont pas meilleur marché que dans les autres pays riches. Certains commentateurs affirment que si les Juifs israéliens ont tant d’enfants, c’est parce qu’ils sont optimistes pour l’avenir : l’État hébreu compte parmi les dix pays les plus heureux au monde.

Autre explication possible : la politique d’encouragement des naissances menée par le gouvernement, qui finance notamment les traitements contre l’infertilité. L’État dépense chaque année pas moins de 150 millions de dollars pour subventionner les fécondations in vitro. Malgré sa petite taille, Israël possède une banque d’embryons aussi fournie que celle des États-Unis. Et même si ces facteurs n’ont qu’une répercussion minime sur le taux de natalité, c’est la preuve que le gouvernement appelle ses citoyens à procréer.

Ajoutez à cela la disponibilité des grands-parents, qui ont tendance à prêter davantage main-forte aux jeunes parents que dans la plupart des autres pays riches. Israël étant un petit pays densément peuplé, les grands-mères ne sont jamais très loin. D’après un sondage, 83 % des Juives laïques de 25 à 39 ans sont épaulées par les grands-parents de leurs enfants, contre seulement 30 % des Allemandes. La structure familiale traditionnelle est encore très présente dans l’État hébreu, contrairement à ce que l’on observe dans certains pays comme la France ou le Royaume-Uni, où plus de la moitié des bébés naissent hors des liens du mariage – en Israël, ils ne sont que 10 %.

Au vu de cet équilibrage des naissances entre Juifs et Arabes, les répercussions de l’évolution démographique s’annoncent bien plus limitées que ne le craignaient les prophètes de malheur israéliens et que ne l’espéraient les nationalistes palestiniens. Et puisqu’aucune des deux communautés ne semble devoir engloutir l’autre en la submergeant de bébés, elles devront continuer à chercher les moyens de partager pacifiquement ce territoire très convoité.

NDLR – Il y a aussi des incidences politiques. Si les partis religieux aujourd’hui font 30% des voix, ils en feront demain plus de 50%.

JFORUM.FR et Courrier International

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

4 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
?

PLUS IL Y AURA DE JUIFS ET MIEUX CE SERA !!!!!!

Ratfucker

Il ne faut pas se laisse aveugler par un raisonnement de comptable. Les haredim ont 7 enfants, mais combien d’entre eux occuperont un emploi utile à l’économie, et combien feront des soldats? Leur niveau d’éducation les rapproche de celui de la population arabe et en fait de futurs assistés (avec l’UNRWA en moins).

Hamec Deschamps

Erreur sur les prévisions ! Depuis un certain temps de plus en plus de ‘ religieux’ apprennent un métier et donc de plus en plus n’auront pas besoin d’une assistance spéciale, comme dans tous les autres groupes. Ajoutez à cela que les familles pratiquantes ne dépensent pas beaucoup dans des futilités (télé, cinéma, mode, …) ce qui leur permet, même avec un revenu inférieur, d’assurer l’essentiel pour eux sans besoin d’assistance spéciale.

Ratfucker

« de plus en plus de ‘ religieux’ apprennent un métier » Je souhaiterais connaître vos sources pour me faire une idée plus précise.