Aéronautique : comment Airbus a survolé 2022 face à ses concurrents

En termes de commandes comme de livraisons d’avions, l’avionneur européen reste sur la première marche du podium, mais Boeing voit le bout du tunnel.

La tradition veut que l’on compare chaque année les chiffres de commandes et de livraisons d’avions des deux entreprises, ce qui ne préjuge nullement du chiffre d’affaires et du résultat financier. Depuis dix ans, Airbus a rejoint puis dépassé Boeing.

Environ 660 livraisons pour Airbus contre 480 pour Boeing, plus de 1 000 commandes pour l’avionneur européen contre 816 pour l’américain, tels sont les chiffres du millésime 2022 compilés par La Tribune. Il faudra attendre la fin du mois pour que les communications boursières valident exactement les scores du match entre les deux grands constructeurs mondiaux. Il n’y a pas réellement de troisième. Le chinois Comac balbutie. Loin derrière les deux géants arrive le brésilien Embraer avec une trentaine d’avions commerciaux livrés aux trois premiers trimestres de l’an dernier, soit moins de cinquante sur l’année. Les chiffres du canadien Bombardier sont intégrés à ceux d’Airbus depuis la prise de contrôle en 2021. Le moyen-courrier CSeries a ainsi été rebaptisé Airbus A220.

Les secrets des commandes

Les résultats des commandes reflètent les performances commerciales des équipes de vendeurs des avionneurs. Les chiffres du nombre d’avions signés sont rarement accompagnés du montant du contrat qui reste confidentiel, l’avionneur n’ayant pas intérêt à indiquer les rabais qu’il a consentis (ou non) à la compagnie aérienne… Parfois, il est possible de découvrir le prix payé sur quelques lignes obscures du bilan annuel du transporteur ou dans les comptes de l’État s’il s’agit d’une société nationale.

Autres non-dits des commandes, les dates de livraisons ne sont pas révélées. Une fourchette en années est parfois indiquée. Ce sont des secrets stratégiques montrant chez l’avionneur des créneaux de production, là où le concurrent pourrait se placer pour les combler. Pour la compagnie aérienne, indiquer le rythme des livraisons équivaudrait à dévoiler de grands pans de ses projets de croissance liés à l’arrivée d’appareils supplémentaires. Les deux parties restent donc bouche cousue.

Difficile remontée en production

Le score des livraisons mesure les capacités techniques et industrielles des avionneurs et de leurs chaînes d’approvisionnement (supply chain). Celles-ci ont été mises à mal avec les arrêts brutaux des lignes d’assemblage liés à la pandémie suivies par un redémarrage en trombe de la production. Si les grands groupes (Safran, Thales, Daher, etc.) se sont adaptés, les centaines de PME concernées n’ont pas toutes immédiatement les moyens humains et financiers pour suivre le rythme. Ce qui explique le pari non tenu par Airbus de 700 livraisons en 2022. L’Européen n’en livrera certes que 660… Un objectif de 65 moyen-courriers A320 est visé en 2024.

S’ajoutent à ces lenteurs de la supply chain, chez Boeing, deux « accidents » industriels rendant le nombre d’avions livrés bien inférieurs à celui des appareils produits avec des conséquences financières non négligeables. En effet, dans le négoce aéronautique, les acomptes versés depuis la commande jusqu’à la livraison ne représentent que 18 % du prix de l’avion. Un virement bancaire avec le solde n’intervient qu’après le feu vert des pilotes, des techniciens et des juristes de la compagnie aérienne cliente ou du loueur concerné. La crise du B737 MAX avec deux accidents mortels et 346 victimes a provoqué l’arrêt des vols, de la production et des livraisons du moyen-courrier. Ce tarissement du financement s’est traduit par un stockage massif des avions produits. Il en reste plus de 200 à écouler. Autre souci, le long-courrier B787 Dreamliner, très rentable pour l’avionneur, a connu, lui, des défauts de qualité de construction imposant de stocker une centaine d’appareils pour les vérifier. Le feu vert vient d’être donné et ils peuvent à nouveau être progressivement livrés.

Avion chinois seulement en Chine

2023 verra donc la poursuite de la montée en puissance de la production de part et d’autre de l’Atlantique. Chez Airbus comme chez Boeing, les versions cargo des long-courriers séduisent les transporteurs respectivement avec l’A350F et le B777-8F. Devrait entrer en service chez China Eastern Airlines le premier exemplaire du Comac C919, moyen-courrier concurrent de l’A320 et du B737. Certifié seulement par l’aviation civile chinoise, le C919 ne peut voler actuellement qu’aux couleurs chinoises et au-dessus de la Chine.

Par Thierry Vigoureux   www.lepoint.fr/
Depuis dix ans, Airbus a rejoint puis dépassé Boeing. © NICOLAS ECONOMOU / NurPhoto / NurPhoto via AFP

 

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