Des réfugiés accueillis en Europe, menés à l’abatoire en Iran

« N’y va pas, ne te fais pas tuer pour de l’argent! », avait imploré Jehantab, aujourd’hui éplorée par la mort de son mari Haider, un pauvre réfugié afghan recruté par l’Iran pour défendre l’allié syrien contre l’organisation Etat Islamique (EI).

L’Iran, première puissance de l’islam chiite et soutien crucial au régime de Bachar al-Assad, nie officiellement recruter des mercenaires afghans pour combattre aux côtés des forces syriennes contre les rebelles sunnites, laïcs ou islamistes, dans un conflit qui a fait plus de 240.000 morts et quatre millions de déplacés.

Mais les témoignages de combattants afghans et de leurs familles font plutôt état d’une campagne active, voire coercitive, des Gardes de la révolution iranienne, une unité d’élite, pour embrigader des chiites Afghans, sans papiers officiels en Iran.

Les larmes imbibent les yeux chassieux de Jehantab lorsqu’elle se remémore la querelle avec son mari Haider, 35 ans, qui l’a appelée il y a deux mois de Téhéran, en Iran, où il tentait en vain de trouver de se trouver un boulot.

Un Afghan regarde sur son ordinateur la photo de son cousin enrôlé par l'Iran pour combattre en Syrie, le 28 juillet 2015 à Kaboul

Un Afghan regarde sur son ordinateur la photo de son cousin enrôlé par l’Iran pour combattre en Syrie, le 28 juillet 2015 à Kaboul (Photo WAKIL KOHSAR. AFP)

«Il m’a dit: « je vais en Syrie et je ne reviendrais peut-être pas car il y a très peu de combattants qui survivent à ce conflit brutal », raconte la jeune femme, le visage ceint d’un voile opalin et assise avec ses trois enfants dans leurs résidences de Kaboul.

Son mari, dit-elle, avait été appâté par le salaire mensuel de 700 dollars par mois, une petite fortune pour un ouvrier sans expérience militaire, et la promesse d’obtenir le sésame tant convoité par les centaines de milliers de sans papier afghans ou réfugiés en Iran: un permis officiel de résidence.

Jehantab a imploré son mari de ne pas céder au chant des sirènes de la guerre. En vain. Quelques jours plus tard, des responsables iraniens ont contacté des proches, aussi réfugiés à Téhéran, pour leur dire que Haider, qui avait fui la guerre en Afghanistan pour tenter sa chance en Iran, était mort au combat… en Syrie.

– La «chair à canon» afghane –

«A regarder leur recrutement, leur déploiement et leur utilisation en Syrie, il semble clair que plusieurs combattants chiites afghans n’y auront été que de la chair à canon», estime Phillip Smith, spécialiste des mouvements armés chiites qui chiffre entre 2.000 et 3.500 le nombre d’Afghans combattants en Syrie.

«Certains sont forcés de se battre, d’autres se voient promettre la résidence permanente pour leur famille et un petit salaire. Tout cela démontre l’exploitation par l’Iran des réfugiés chiites afghans», ajoute-t-il.

Contactée par l’AFP, l’ambassade iranienne à Kaboul a jugé que les informations selon lesquelles Téhéran recrutait des réfugiés afghans pour appuyer son allié en Syrie étaient «complètement sans fondement».

Si certains chiites afghans disent agir sous la menace, d’autres plaident la solidarité confessionnelle et l’importance par exemple de protéger le mausolée au dôme doré de Sayyidah Zainab, la fille du calife Ali, premier imam de la longue tradition chiite, situé à proximité de Damas, la capitale syrienne.

C’est le cas de Mohammed, un ouvrier du bâtiment à Téhéran qui dit s’être envolé il y a sept mois à Damas avec d’autres combattants afghans après avoir suivi une brève formation en maniement des armes. A Damas, Mohammed dit avoir intégré une brigade afghane baptisée à Al-Fatimiyoun et combattu les rebelles syriens aux côtés du Hezbollah libanais, autre allié du régime de Bachar al-Assad et de l’Iran.

«L’Iran ne dispose pas de troupes de combat en Syrie, mais c’est elle qui commande», estime Mohammed, de retour à Kaboul, avec une entaille au torse due à un éclat d’obus.

– «Les vies afghanes n’ont aucune valeur» –

Les combattants étrangers (Afghans, Pakistanais, Irakiens, Libanais, etc…) sont d’une importance cruciale pour le régime de Damas confronté à la fois à la présence de rebelles dans la périphérie de la capitale et à la diminution de moitié de ses forces armées due aux morts de soldats au combat, aux défections et aux refus de s’enrôler, selon des experts.

«Mais aller en Syrie, c’est signer son arrêt de mort», peste Zahra, la cousine de Haider, dans une conversation avec le frère de ce dernier, Hussain, grièvement blessé à l’estomac par un éclat d’obus en Syrie et alité dans un hôpital de Téhéran.

«Ça va! Nous étions 300-400 (Afghans). Plusieurs d’entre nous sont morts, mais moi j’ai survécu», répond Hussain d’une voix frêle avant de passer à la table d’opération.

«J’ai entendu dire que tu voulais retourner au combat. Ne fais pas ça! Trouve du travail en Iran», prie Zahra. «Mais il n’y a pas de travail en Iran», rétorque Hussain.

Puis, la ligne coupe et le visage de Zahra s’enfonce dans ses mains. «Les vies afghanes n’ont aucune valeur, en Afghanistan comme ailleurs», souffle-t-elle.

AFP-Libération

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires