Réfugiés : l’Allemagne aux prises avec les relents du passé ©

 

Allemagne : la crise des réfugiés amplifie les relents du passé

Les pièges d’une théorie politique de la substitution

 

La chancelière d’Allemagne Angela Merkel a explicitement fait le lien entre le présent et le passé, quand elle a ouvert toutes grandes les frontières du pays aux réfugiés en septembre 2015, en disant : “Je suis heureuse que l’Allemagne soit devenu un pays que beaucoup de gens à l’étranger associent avec l’espoir… C’est un bien d’une grande valeur, en particulier à cause de notre histoire[1]”.

L’afflux massif de réfugiés, récemment, et les nombreux défis et problèmes qui en résultent, ont, cependant, aussi amplifié les échos du passé. Bien que certains de ces facteurs se soient exprimés directement, une partie de ces impressions se révèle à l’interprétation des événements. La “peur” (“angst » ) dirigée contre soi-même est phénomène fréquent, dans l’Allemagne d’après-guerre, depuis un certain nombre de décennies. Il s’agit de cette peur –éprouvée par de nombreux Allemands – parfois inconsciemment – qu’il y a quelque chose d’intrinsèquement faussé dans le caractère de leur nation, à cause des atrocités commises par leurs ancêtres sous la férule des Nazis.

Une étude, à la fin de l’an dernier, démontre que la combinaison volatile de la crise des réfugiés et des attentats terroristes ont conduit à une augmentation importante de ce sentiment de peur (“angst”) à propos de l’avenir[2]. Dans un sondage de février 2016, 57% des sondés dissent que du fait de l’immigration, l’Allemagne devint “le pire endroit où vivre”. 33% sont d’avis que “la vie culturelle en général sera minée par les réfugiés[3]”.

Les églises allemandes se sont prononcées sans équivoque contre des quotas d’immigration pour les réfugiés[4]. Dans les années d’avant-guerre, sous les lois nazies, de nombreux dirigeants d’églises soutenaient les Nazis. Même Martin Niemöller, l’un des Allemands anti-Nazis les plus connus, livrait des sermons sous le règne des Nazis, dans les années d’avant-guerre, inculquant que les Juifs étaient maudits parce que leurs ancêtres avaient tué le Christ[5]. Après la guerre, certaines églises protestantes allemandes ont présenté leurs excuses pour leurs manquements envers les Juifs sous le régime nazi[6]. Du fait de leur position irrationnelle actuelle, exigeant qu’il n’y ait aucune limite impose à l’afflux de réfugiés, les églises allemandes apparaissent balancer complètement vers l’autre extrême.

Les églises allemandes, catholique et protestantes recommandent également qu’aux un traitement de faveur ne soit accordé aux réfugiés chrétiens dans le présent afflux[7]. C’est un point de vue particulièrement radical, si on tient compte des ravages de la persécution des Chrétiens par les Musulmans au Moyen-Orient. La posture des églises sur cette question est directement l’inverse de celle, hautement controversée, tenue à l’époque, par Pie XII. En effet, ses efforts pour secourir des Juifs avant et pendant la Shoah se sont principalement focalisés sur les Juifs baptisés[8].

Les échos et relents du passé peuvent aussi résonner dans les allégations que la police allemande recourrait à un usage excessif de la force. Ces accusations sont réapparues sous les feux de la rampe, dernièrement, dans la petite ville de Clausnitz. A l’arrivée d’un bus chargé de réfugiés, leur passage a été bloqué par une foule de 100 manifestants, essentiellement des locaux. La police a rencontré des difficultés à maintenir l’ordre et a sorti par la force plusieurs personnes du bus. Un torrent de critiques s’est alors abattu sur la police pour la manière dont elle a géré l’incident. Pour répliquer à ces récriminations, la police a déclaré que certaines personnes dans le bus avaient provoqué les manifestants et fait en sorte d’envenimer la situation[9].

Beaucoup ont condamné les recommandations de Frauke Petry demandant que des forces de police armées patrouillent le long des frontières, avec ordre de tirer en dernier recours et si besoin est pour empêcher les réfugiés d’entrer. Petry dirige l’AfD (Alliance pour l’Allemagne),, un parti bien implanté à droite de l’échiquier qui a rapidement obtenu un franc soutien, si on se réfère aux sondages[10]. Les recommandations de Petry ont été mises en relation –de manière largement inexacte- avec les garde-frontières de l’ex-Allemagne de l’Est qui tiraient sur les gens cherchent asile à l’Ouest, du temps de la Guerre Froide. Les sondages montrent que Petry était mise en minorité à ce sujet, pourtant ils démontrent qu’elle est bien loin d’être la seule de son avis. 29% des sondés soutiennent cette position qu’il est parfaitement justifié d’utiliser des armes pour empêcher des réfugiés non-armés de traverser la frontière, alors que 57% s’y opposent[11].

La déclaration initiale de Merkel disant que l’Allemagne symbolise l’espoir est significativement ternie, à l’aune des événements survenus ces six derniers mois. Un site internet qui établit la liste des agressions en temps réel et planifie des projets d’hébergement des demandeurs d’asile fait mention de nombreux incidents qui comprennent au moins dix tentatives d’incendie, uniquement dans les trois premières semaines de février[12]. Un cas récent a particulièrement attire l’attention. Plus de 30 badauds ivres ont applaudi et acclamé le départ d’incendie d’un ancien hôtel de Bautzen, en Saxe. Le bâtiment avait été converti en refuge pour demandeurs d’asile[13]. Lors de certaines manifestations contre la présence des réfugiés, on peut entendre des cris et slogans comme : “L’Allemagne aux Allemands” et “Les étrangers dehors[14]”.

Vers la fin janvier, Merkel a déclaré, plus sur le ton du vœu pieux, qu’elle espérait que de nombreux réfugiés retourneraient chez eux dès que la paix serait rétablie dans leurs pays d’origine[15]. Les deux principaux candidats de son Parti Démocrate-Chrétien aux prochaines élections des Etats fédéraux de Rhénanie-Palatinat et du Bade-Wurtemberg se sont publiquement prononcés contre l’ouverture des frontières et ont, pourtant, assisté à la dégringolade de leurs partisans[16].

L’Union des Sociaux-Chrétiens (CSU) est la petite sœur bavaroise et parti allié aux Démocrates-Chrétiens de Merkel. L’un de ses membres dirigeants, le Ministre bavarois des Finances Markus Söder, a déclaré que l’Allemagne a besoin “d’un plan national de Déportation”. Il espérait que, cette année, 350.000 nouveaux immigrants pourraient être “déportés[17]” (expulsés). Tout ceci indique seulement le commencement d’une cascade d’événements qui vont probablement multiplier les associations d’idées avec le passé problématique de l’Allemagne, pour les observateurs internationaux, plutôt que susciter la moindre vision éblouissante d’espoir.

Pourtant, un autre aspect, largement occulté, est présent, dans la situation actuelle : dans une tentative désespérée (ou irrationnelle) de compensation psychologique, à cause des atrocités commises contre les minorités – en particulier les Juifs- au cours de la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne a accueilli, à présent, d’autres minorités en leur ouvrant toutes grandes les portes. Cependant, la majorité de ces nouveaux entrants sont des Musulmans de pays qui se situent parmi les plus antisémites sur terre. C’est bien pire qu’un retournement diabolique de l’histoire, puisque cela concrétise des craintes palpables de véritable danger contre les Juifs d’Allemagne.

 

Par Manfred Gerstenfeld