Le procès dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, qui s’ouvre demain à La Haye, est en soi un fait rare pour un pays habitué aux assassinats politiques perpétrés dans la plus totale impunité.


Un cratère de plusieurs mètres a été creusé dans la chaussée, sous l’effet de l’explosion ayant fait au total 23 morts et 226 blessés. Photo d’archives, Wissam Moussa

JUSTICE

La chambre de première instance du Tribunal spécial pour le Liban a tenu hier une audience préliminaire pour examiner la possible jonction des instances Merhi, d’une part, et Ayyash et ses trois autres complices présumés, d’autre part.

Cinq suspects membres du Hezbollah, allié-clé en Syrie des forces de Bachar el-Assad, vont être jugés par contumace pour l’attentat-suicide qui avait coûté la vie à l’ancien chef de gouvernement et à 22 autres personnes, et fait 226 blessés, le 14 février 2005 à Beyrouth.

Dans ce cadre, la chambre de première instance du TSL a tenu hier une audience préliminaire (traitant strictement de questions procédurales), pour entendre les arguments de l’accusation et des conseils de Hassan Habib Merhi quant à la possible jonction des instances Merhi, d’une part, et Ayyash ainsi que trois de ses complices, de l’autre. Le 2 janvier dernier, le juge de la mise en état avait renvoyé devant la chambre de première instance l’éventuelle jonction des deux instances, telle que demandée par l’accusation. Le 20 décembre 2013, la chambre de première instance avait rendu une décision d’ouverture d’une procédure par défaut à l’encontre de M. Merhi.

Malgré une très longue enquête du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) et l’absence des accusés à l’audience, ce procès est considéré comme une nécessité pour que justice soit faite.

« Pour la première fois, il y a une tentative de trouver la vérité », estime Sami Salhab, professeur de droit international à l’Université libanaise, interrogé par l’AFP. « Dans l’histoire du Liban, la plupart des assassinats ont été perpétrés (…) sans aucun résultat » sur le plan des investigations, ajoute-t-il.

Future TV, chaîne appartenant à la famille Hariri, a lancé une campagne il y a deux semaines sous le titre : « 16 janvier 2014 : le temps de la justice ».
« Nous avons choisi le chemin de la justice », indique Ahmad Hariri, secrétaire général du mouvement du Futur, dirigé par Saad Hariri, fils de Rafic. « Certes, il reste un long chemin à parcourir pour obtenir la vérité, pour arriver, pour la première fois au Liban, à ce qu’une enquête sur un crime politique soit menée à son terme », dit-il.

Un chemin long, semé d’obstacles

« Nous savions que ce chemin serait long, miné, plein d’obstacles et encore plus d’assassinats », ajoute-t-il, se félicitant de l’ouverture du procès et que la justice ait suivi son cours.

La violence et les meurtres politiques étaient déjà monnaie courante avant la mort de Rafic Hariri, en particulier durant les 15 ans de guerre civile (1975-1990).

Mais celui de Rafic Hariri avait ouvert une série noire d’assassinats ayant visé des hommes politiques et des figures des médias qui avaient ouvertement critiqué le régime syrien.

Les partis libanais hostiles à Damas ont accusé la Syrie d’avoir joué un rôle dans tous ces meurtres bien qu’aucun Syrien n’ait été inculpé par le TSL.
Cependant, la colère populaire qu’a suscitée l’implication présumée du puissant voisin dans ce meurtre a conduit au retrait de ses forces du pays du Cèdre, où elles étaient intervenues près de 30 ans plus tôt, au début de la guerre civile.

Le Hezbollah a accusé le TSL d’être un « instrument américano-israélien » et a refusé de livrer ses membres.

Les clivages entre Libanais par rapport à la création du tribunal sont les mêmes que les divisions sur les relations avec la Syrie et sur la crise qui la secoue. Le conflit voisin pourrait d’ailleurs être la cause d’une série d’attentats récents dans le pays, dont quatre se sont produits dans le fief du Hezbollah, au sud de Beyrouth.

« Le conflit en Syrie a éclipsé le TSL dans les médias », note Ghassan al-Azzi, professeur de sciences politiques. « Les événements en Syrie sont un grand danger pour le Liban et toute la région, les explosions ayant placé le Liban en plein milieu d’une guerre sans fin », ajoute-t-il.

Pour beaucoup de Libanais, les problèmes de sécurité dans le pays ont pris le pas sur l’ouverture d’un procès devant un tribunal lointain et en l’absence des accusés.

« La formation d’un nouveau gouvernement et la sécurité sont des questions bien plus importantes pour les gens aujourd’hui que le tribunal », note M. Azzi. Si, selon lui, il y a peu de chances que le procès révèle « des surprises », il redoute les conséquences d’une éventuelle condamnation : « L’impact sur le fragile équilibre au Liban serait significatif. »

Ahmad Hariri est en revanche optimiste. « Maintenant que le train s’est ébranlé, rien ne peut plus l’arrêter. Nous allons obtenir justice. L’ouverture du procès n’est qu’un début. »

OLJ 15/01/2014

lorientlejour.com Article original

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