BOBOC, Roumanie – La base aérienne roumaine fait pale figure comparée à son équivalente israélienne : sécurité minime, un petit mur sans barbelés presque dérisoire, des soldats désarmés postés à l’entrée de la base arborant un air nonchalant et jouant avec des chiens errants. Curieuse base militaire où l’on peut apercevoir une sorte de décharge de matériel militaire soviétique obsolète, des radars des années 1960 et des missiles sol-air d’un autre âge.

PHOTO: PORTE-PAROLE DE L’ARMÉE , JPOST

Deux semaines se sont écoulées depuis qu’une délégation de l’armée de l’air israélienne est arrivée dans cette base pour ce qui était censé être un exercice standard. Objectif : former les pilotes israéliens aux vols en terrain inconnu – montagnes, ravins, forêts. Mais l’opération a rapidement viré au drame. Six militaires israéliens et un soldat roumain ont perdu la vie lundi 26 juillet, au cours de l’un des pires accidents de l’aviation militaire de ces dernières années.

Le Sikorsky CH-53 – appelé Yassour par l’aviation israélienne – qui participait à cet exercice conjoint « Ciel Bleu 2010 » avec l’aviation roumaine, faisait partie de l’escadron 118, originairement basé à Tel Nof. Baptisées « les oiseaux de nuit », les victimes avaient participé aux récentes opérations et guerres en Israël. Mardi matin, Tsahal publiait les noms des pilotes : Avner Goldman, 48 ans, de Modiin, Daniel Shipenbauer, 43 ans, du moshav Cédron, Yahel Keshet, 33 ans, de Hatzerim, Lior Shaï, 28 ans, de Tel-Nof, Nir Lakrif, 25 ans, de Tel-Nof, et Oren Cohen, 24 ans, de Rehovot.

L’accident proviendrait d’une erreur de pilotage, couplée aux mauvaises conditions météorologiques. Selon le général Ido Nehoushtan, commandant de l’armée de l’air israélienne, les pilotes décédés dans l’accident effectuaient leur premier vol dans la région. Six appareils au total, volant deux par deux, participaient à l’entraînement. C’est l’un des hélicoptères de la première série qui s’est écrasé. Peu avant le drame, les pilotes des deux hélicoptères en tête de file se sont aperçus qu’ils s’approchaient d’un nuage et, conformément aux règles, ont modifié leur trajectoire. Le deuxième appareil est parvenu à éviter l’obstacle, mais le premier s’est écrasé contre une falaise.

Quel avenir pour le Yassour ?

Ce crash soulève une vive polémique au sein de l’Etat hébreu. Sur le banc des accusés : l’hélicoptère Yassour. En service depuis plus de 40 ans, il a subi plusieurs modifications et programmes de modernisation. L’initiative la plus récente : Yassour 2025, destiné à prolonger sa durée de vie jusqu’en 2025. Cependant, si l’enquête sur l’accident en Roumanie révèle des dysfonctionnements mécaniques, Tsahal devra reconsidérer l’intégralité de sa flotte de Yassour.

Pour autant, le Yassour demeure bel et bien l’un des fleurons de l’armée israélienne. Acheté aux Etats-Unis, il a été intégré à l’aviation israélienne en 1969, et reste régulièrement utilisé par les équipes de recherche et de sauvetage. L’une de ses missions les plus spectaculaires : le pont aérien mis en place en 1973 pour libérer plus de 600 soldats captifs des Syriens au sommet du mont Hermon.

Selon Nehoushtan, le nombre d’accidents dans l’armée de l’air israélienne est de l’ordre de 1,5 pour 1 000 heures de vol – ce qui classe les forces aériennes israéliennes parmi les plus avancées au monde. Mieux encore : Tsahal est parvenu à maintenir ce ratio, malgré l’augmentation d’opérations et d’exercices de combat depuis les dernières années. Par ailleurs, la gestion de cette catastrophe a une fois de plus permis de mettre en lumière l’exception israélienne. L’opération de sauvetage pour récupérer les dépouilles des six pilotes illustre à elle seule l’idéologie de l’armée : ne jamais laisser personne derrière.

Mercredi matin, des équipes de secours de l’unité d’élite 669 de l’aviation israélienne ainsi que des experts médico-légaux ont tout mis tout en œuvre pour localiser les corps dans la journée. Une tâche rendue difficile par les mauvaises conditions météorologiques et le terrain escarpé du lieu de l’accident, situé près de la ville de Zamesti, à quelque 120 kilomètres au nord-ouest de Bucarest. Mais renoncement n’est pas hébreu. Et l’équipe de secours dépêchée sur place a bien fait honneur à la devise de l’unité. Vendredi, les cercueils des six militaires tués lors du tragique accident atterrissaient à bord d’un Boeing de l’aviation israélienne à la base de Tel-Nof.

La Roumanie : nouveau partenaire militaire ?

L’opération de rapatriement des corps des victimes du crash a été menée en étroite collaboration avec les soldats de l’armée roumaine.

« La Roumanie est un pays très particulier pour nous », a déclaré au Jerusalem Post l’ambassadeur israélien en poste à Bucarest David Oren. Et d’ajouter : « Depuis 1948, c’est l’un des seuls pays de cette partie du monde qui a constamment conservé ses liens avec l’Etat d’Israël. »

Or, les relations militaires entre les deux pays n’ont pris de l’ampleur que ces dernières années. Le premier exercice d’entraînement conjoint entre les armées de l’air israélienne et roumaine a lieu en 2004. Deux ans plus tard, le ministre de la Défense de l’époque, Shaoul Mofaz, se rend à Bucarest et signe un accord avec son homologue roumain. A l’époque, l’accord n’attire pas véritablement l’attention des médias, puisque la plupart des exercices d’entraînement menés par l’armée de l’air israélienne à l’étranger sont réalisés en Turquie.

Mais la détérioration des liens avec Ankara et la fermeture de son espace aérien à l’Etat juif vont changer la donne et imposer à Israël de s’ouvrir à de nouveaux horizons. L’Etat hébreu s’est donc tout naturellement tourné vers la Roumanie.

Si le drame a remis en cause sa pertinence et suscité la polémique, Tsahal reste déterminée à poursuivre cette politique. « Ces exercices de formation sont essentiels. La force aérienne doit se préparer aux divers défis auxquels elle est confrontée dans la région », explique un officier. « Il n’y a aucune raison de les arrêter, suite au tragique accident survenu en Roumanie », poursuit-il. La menace à l’encontre de l’Etat juif ne faiblit pas et les pilotes doivent être parés à toutes éventualités.

En particulier dans le cas d’un éventuel conflit avec l’Iran. Si Israël décidait de lancer un raid contre les installations nucléaires iraniennes, nul doute que l’hélicoptère Yassour jouera un rôle dans de probables opérations de reconnaissance et de secours, en cas d’attaque contre des pilotes israéliens.

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