TRIBUNE – Frédéric Haziza mis en cause dans la dernière chronique de Philippe Bilger, «Halte à l’inquisition médiatique» répond au magistrat.Parmi d’autres cibles, M. Philippe Bilger m’attaque dans une tribune récente. Non seulement il ironise sur le livre que j’ai écrit, «loué, comme un rituel, par les ministres l’évoquant» mais il m’insulte encore, me traitant de «dénonciateur compulsif» de l’antisémitisme, d’un antisémitisme supposé, qui serait même pour lui une pure invention de ma part.

Toute la démarche de cet ancien procureur reconverti dans la polémique consiste à minimiser l’antisémitisme et le danger représenté aujourd’hui par M. Soral et M. M’Bala M’Bala, et c’est ce qui le pousse à attaquer M. Valls, M. Cohen ou moi-même.

Ma propre démarche vise à alerter le large public des citoyens que les propos de Soral terrifieraient s’ils les entendaient, et qui ignorent non seulement ce qu’ils sont mais aussi, hélas, leur portée et leur succès auprès d’un public plus large encore mais dont les circuits d’informations sont autres: les forums et les sites internet plutôt que Le Figaro, Le Monde ou même la télévision.

M. Bilger et moi visons donc les mêmes lecteurs mais alors que je prétends les éclairer sur le danger que court la République, il les endort.

La rhétorique et les discours d’Alain Soral et de Dieudonné ne sont pas seulement un danger pour ceux qu’ils attaquent seulement: les juifs ou les homosexuels, entre autres.

La violence «décomplexée» avec laquelle ils visent certaines catégories de la population, et jusqu’aux femmes dont la condition est toujours synonyme d’abjection dans leur bouche, nous concerne tous. C’est à un véritable ensauvagement de la parole publique que nous assistons. La loi fait ce qu’elle peut pour l’endiguer mais cette vague est puissante.l

Qui ignore la fragilité économique et la précarité dans laquelle vivent tant de nos concitoyens?

Qui ignore la perte de repère massive qui bouleverse notre société?

Il fut un temps où des personnalités de gauche se montraient complaisantes vis-à-vis de Dieudonné : il incarnait peut-être à leurs yeux cette « France Black-Blanc-Beur » qu’ils avaient toujours prônée, et son « antisionisme » pouvait encore les séduire

Dans ce contexte inquiétant, la complaisance envers les bonimenteurs extrémistes est le pire des remèdes. Je ne sais pas si M. Bilger le mesure: peut-être n’est-ce pas tant de la complaisance que de l’aveuglement quant aux conséquences de cette «liberté d’expression» dont il a l’air de croire qu’elle n’aurait pas, contrairement aux autres formes de liberté, à s’arrêter là où commence celle des autres.

Car en effet, je le dis en passant, si l’on dit publiquement que Patrick Cohen devrait être envoyé à la chambre à gaz, comme l’a fait le prétendu humoriste que M. Bilger défend, ce propos exprime peut-être la formidable liberté de celui qui le prononce mais il peut bien nuire à celle de Patrick Cohen, ou tout simplement, s’il était entendu par un nouveau Merah, à sa vie.

Il fut un temps où des personnalités de gauche se montraient complaisantes vis-à-vis de Dieudonné: il incarnait peut-être à leurs yeux cette «France Black-Blanc-Beur» qu’ils avaient toujours prônée, et son «antisionisme» pouvait encore les séduire.

Il est dommage que certains propos ne les aient pas alarmés dès cette époque. Aujourd’hui, des personnalités de droite, sans doute parce que Dieudonné a entretemps choisi Le Pen comme parrain de sa fille et qu’il se veut proche de mouvements comme le collectif «Jour de colère».- dont on a pu constater les dérives fascisantes, homophobes et antisémites à l’occasion de la manifestation du 26 janvier – minimisent à leur tour la dangerosité de cet homme, ou celle d’un Soral.

M. Bilger après avoir soutenu ardemment M. Sarkozy puis avoir tourné sa veste vers M. Hollande penche maintenant vers le nouveau conformisme réactionnaire. Trop heureux de soutenir ses amis Elisabeth Levy et Eric Zemmour, il argumente toujours avec son style de procureur contre ceux qui critiquent l’ouverture aux idées les plus extrémistes.

Il oublie simplement que la justice ne se réduit pas au droit. Elle suppose de tenir compte du bien commun et d’accorder une place aux minorités, sans qu’elles doivent subir des injures constantes. Cela s’appelle la tolérance. Et elle ne doit pas jouer seulement pour un délinquant multirécidiviste refusant de payer ses amendes.

Aussi, je m’adresse à ceux qui, quelles que soient leurs convictions quant à la politique du gouvernement, quelle que soit leur religion ou leur vision de la société, pensent qu’il y a toujours plus à gagner en défendant les valeurs de la démocratie et des Lumières.

On peut partager cela en étant de droite ou de gauche. De même, on peut aujourd’hui se retrouver dans un mouvement fascisant en étant l’un ou l’autre, et sur le seul rejet des Lumières et de l’héritage républicain. Prenons garde et sachons distinguer le questionnement légitime de la véhémence.

Frédéric Haziza/ Le Figaro.fr Article original

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