Fabrice Paszkowski et David Roquet, deux entrepreneurs du Pas-de-Calais, ont organisé ou participé aux soirées échangistes avec DSK. Voilà comme ils le racontent aux juges.Une mystérieuse rencontre avec « un pote de la DCRI »

Le message est en date du 9 février 2011, à l’époque où le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), était au plus haut dans les sondages et rencontrait des journalistes, à Paris, pour leur laisser entendre qu’il allait se lancer dans la course à la présidentielle. Jean-Christophe Lagarde, l’ancien responsable de la sûreté de Lille, l’homme qui « couvrait » DSK dans le Nord, aujourd’hui mis en examen, s’adresse à Fabrice Paszkowski, l’intime de DSK. « C OK pour demain avec mon pote de la DCRI, 13 heures, station Pont de Neuilly ».

La DCRI? La Direction centrale du renseignement intérieur, à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, au bout de la ligne 3 du métro parisien. Une maison dirigée par Bernard Squarcini, un proche du président de la République, l’homme qui, au choix, évente ou protège tous les secrets.

Aux juges, le 31 janvier, Fabrice Paszkowski, grand ordonnateur des soirées de DSK, ne « peu t »>Article original pas (…) dire le nom » du fonctionnaire qu’il rencontre ce jour-là avec le commissaire divisionnaire du Nord. « Il s’agissait de nous expliquer ce qu’étaient les écoutes légales et les écoutes illégales, ce qui se pratiquait. Ce sujet m’intéressait notamment vis-à-vis de DSK car il était persuadé qu’il faisait l’objet d’écoutes illégales », explique-t-il. Il assure avoir « juste rencontré une fois ce policier »>Article original que Jean-Christophe Lagarde lui »>Article original avait présenté ».

Tout comme René Kojfer, le chargé de relations publiques du Carlton, qui comptait dans son portable le numéro de téléphone de Frédéric Veaux, numéro deux de la DCRI, les amis lillois de DSK connaissent beaucoup de policiers. Aux magistrats instructeurs qui s’interrogent sur les « très régulières » notes de restaurants comportant, au dos, la mention « PJ Lille » ou « SRPJ », David Roquet explique ainsi, le 25 janvier: « Ça faisait partie des relations publiques de ce métier-là (…), les us et coutumes du BTP. »

Aux mêmes juges, qui font lecture à Paszkowski « d’un article paru dans le journal Le Monde en date du 17 janvier 2012 indiquant que, le 28 septembre 2011, vous auriez adressé un SMS à François Pupponi » pour lui proposer « des contacts au sein de la police qui pourraient être utiles » (après la perquisition de sa mairie de Sarcelles et de son bureau de député du Val-d’Oise dans une autre affaire, celle du Cercle de jeux Wagram), l’entrepreneur médical répond: « En voulant en faire un peu trop, j’ai voulu dire à François Pupponi (…), avec qui j’entretiens des liens d’amitié (…), que je connaissais des policiers, je pensais à Jean-Christophe Lagarde, qui aurait pu lui donner des conseils, dire ce qu’il pensait de la procédure (…), Pupponi m’a bien répondu oui (…), on ne s’est pas vus. »

Le rendez-vous du Pont-de-Neuilly avec le mystérieux « pote » de la DCRI, lui, a bien eu lieu. Aux juges qui lui demandent si cette rencontre s’était faite « à la demande de DSK », Paszkowski répond, hésitant: « Non. Mais ce dernier était toujours intéressé d’en savoir plus » sur le sujet.

Les larmes de l’entrepreneur David Roquet quand il a perdu son « bel investissement »

A lui seul, il représente tous ces gens, à la fois proches et loin de DSK, pour lesquels, le 14 mai, lorsque leur champion à la présidentielle a été interpellé à New York, puis jeté en prison à Rykers Island, la terre s’est arrêtée de tourner. « Un point d’arrêt, a expliqué David Roquet, le 25 janvier, devant les juges qui instruisent l’affaire du Carlton. On y était l’avant-veille. DSK était pour moi un investissement à très long terme, un bel investissement qui s’effondrait d’un coup pour moi. »

Son chagrin est le leur. A trois reprises, durant son audition, Roquet laisse couler des larmes. « M. pleure », note la greffière. « J’ai souvent investi du temps dans beaucoup de choses et à chaque fois ça foire (…). Je me suis beaucoup investi en 2005 pour ma société LMEN et quand je suis arrivé à ce poste les matières premières se sont enflammées, la concurrence a augmenté dans des pourcentages incroyables, une filiale de transport a été dissoute et j’ai dû faire face au reclassement des chauffeurs de ma société. »

« Il restait quelques mois, et je me disais que j’aurais pu arriver au but recherché; présenter mon patron à Strauss-Kahn (…). Quand il y avait des conventions du groupe Eiffage, mon patron (…) était fier de nous dire: “J’ai mangé avec le député-maire de Millau, j’ai une réunion avec untel” (…). Le PDG de la branche Eiffage travaux publics disait toujours: “Il faut sortir vos élus.” »

A quelques mois près, selon David Roquet, le « contact direct » avec le favori à l’élection présidentielle était « sur le point de se faire. Déjà à Washington j’avais réussi à avoir une photo avec lui alors que Fabrice m’avait dit de ne plus lui demander de photo, que ce n’était pas son truc. On avait un bon feeling. Encore un ou deux rendez-vous… ».

Les juges lui font remarquer que l’ami intime de DSK, Fabrice Paszkowski, estime que ce n’était pas du tout le cas. L’industriel leur a en effet confié: « Si DSK avait dû rencontrer quelqu’un de chez Eiffage, de bien placé, je ne lui aurais certainement pas présenté David Roquet. De toutes les conversations que j’ai entendues, sauf pendant les parties fines où j’étais peu présent, David Roquet n’a même je crois jamais oser parler de ce qu’il faisait. C’était à cause du charisme, de l’envergure de DSK et je pense de son impressionabilité (sic) ».

Faux, rétorque Roquet, « DSK savait parfaitement que j’étais chez Eiffage car Jade une ancienne prostituée »>Article original était présentée comme secrétaire d’Eiffage comme l’avait été au départ Estelle ».

« Pour Fabrice, DSK, c’était sa chose », finit par lâcher M. Roquet. Les juges sourient-ils en se demandant, à voix haute, s’il n’y a pas dans cette bataille sourde entre leurs dépositions « une forme de concurrence entre courtisans ». David Roquet élude. Mais explique que, contrairement à d’autres, lui n’attendait aucune gratification personnelle du possible candidat socialiste.

« Au cours du dernier repas à Washington, Fabrice avait parlé à DSK d’un projet de dosage des médicaments comme ça se fait aux Etats-Unis. Jacques Mellick fils lui avait parlé de son projet d’accéder à la députation ». Lui, en revanche, n’avait qu’une seule « idée derrière la tête », qui n’était ni « un projet technique » ni « un projet personnel »: gagner, par un rendez-vous, « la reconnaissance de (son) patron » d’Eiffage.

Lorsque David Roquet voit, mi-mai, sur sa télé, DSK menotté, puis conduit au pénitencier, il est « abattu ». Il décide de prendre sa plume pour adresser un message à cet homme qu’il « admire » tant. « Je lui ai écrit dès les deux ou trois premiers jours où il était à Rikers et après quand il était à TriBeCa (un quartier de New York). Fabrice ne lui a jamais écrit. (…) Aujourd’hui, je me rends compte que le courrier, c’est important, ajoute celui qui, mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée, vient juste de passer plus de quatre mois derrière les barreaux. Vous me demandez s’il m’a répondu? Non, je pense qu’il était submergé. »

Le « matériel » de DSK

« On textotait pas mal ensemble « , dit Fabrice Paszkowski. C’est peu dire. Devant les juges, les 30 et 31 janvier, l’entrepreneur s’est fait l’exégète des SMS que les deux hommes s’échangeaient à tout bout de champ. Quel était ce « matériel » évoqué à l’été 2009 par DSK pour une virée à Madrid? « Par matériel, je pense qu’il faut comprendre qu’il s’agit de filles (…) le terme de matériel s’apparente au fait que DSK avait peut-être la suspicion d’être sur écoutes, il ne s’agit pas d’un terme péjoratif à l’endroit des femmes ».

« Pour Mosco je te dirai lundi », textotait DSK, le 21 juin 2009. « Ça remonte au moment du référendum du PS où il y avait une motion défendue entre autres par Moscovici, et Dominique Strauss-Kahn devait me dire quelle motion soutenir et cela à la demande de Jacques Mellick qui m’a demandé de poser la question à ce dernier ». Et ce 8 octobre 2009, « tu me raconteras Le Guen? », demandent encore les juges. « Jean-Marie Le Guen, c’était le président de l’APHP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris). J’avais sollicité DSK pour le rencontrer car je voulais savoir comment se prenait en charge l’obésité car j’avais un projet sur ce point ».

Une « partie » prévue en juin, avant « la fin du mandat » au FMI.

Virginie Dufour avait expliqué que si DSK n’avait pas été interpellé, tous auraient « continué ses agissements ». Interrogé sur ce point, Paszkowski répond: « C’est possible (…) Si DSK avait continué à me solliciter sur ce plan-là, j’aurais peut-être eu du mal à me défiler. » Sur ce point, Roquet est d’accord avec lui: « jusqu’au moment où il aurait été à la présidence, on aurait peut-être fait une ou deux sorties, on aurait continué. Peut-être. » Une autre « partie » était prévue en juin, avant « la fin du mandat » au FMI.

Ariane Chemin

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