PARASHAT VAYISHLAH 5782: LA RENCONTRE ISRAËL ET EDOM

Jacob sort de chez Laban en catimini avec ses deux épouses et ses deux concubines et 11 garçons et une fille et des troupeaux témoignant d’une fortune considérable. Jacob nous est toujours décrit comme un homme paisible « yoshèv ohalim » se tenant dans l’ombre de sa tente (pour étudier). Il s’agit d’un intellectuel, un vieillard dirait-on de nos jours car c’est à 84 ans qu’il convole en justes noces et qu’il commence à procréer dans l’optique de fonder un peuple, SON peuple, celui qui prendra le nom d’enfants d’Israël car, c’est après avoir défendu son droit à la vie et son droit à être respecté parce qu’il s’est attaché toute sa vie à l’étude de la Torah et à l’exercice de la Torah qu’il va devenir non plus Jacob, le pâtre, mais ISRAËL1 celui qui a démontré à l’Éternel qu’il est DROIT selon les exigences divines.

Cette péricope est non pas la rencontre de deux frères jumeaux mais la préfiguration de la rencontre messianique qui aura lieu entre Israël et Edom (descendant d’Esaü) représentant les autres nations non juives.

Les envoyés porteurs de messages, les cadeaux, et la logistique qui caractérise l’ordre dans lequel se profilent les différents groupes, démontrent d’un savoir-faire et d’une sagesse exemplaires.

Jacob est entièrement saisi et empreint de crainte. Pour quelles raisons Jacob éprouve-t-il autant de crainte ? Pour quelles raisons Jacob craint-il cette confrontation ? Esaü, a pris épouse et a commencé à être père à l’âge de 40 ans désirant montrer qu’il prend appui et exemple sur son père. Jacob en a plus du double !!

L’ordre dans lequel il fait défiler ses troupeaux puis ses femmes et ses enfants devraient suffire à Jacob pour se sentir sûr de lui MAIS voilà : il y a deux choses qui font que Jacob craint cette rencontre : Esaü pense Jacob a à son « palmarès » deux mitsvoth qu’il ne possède pas pense-t-il car il est trop humble : Esaü a « honoré son père et sa mère » et, il n’a jamais abandonné le pays de Canaan du jour où il est né au jour de sa mort !!!

Jacob est beaucoup trop humble et il se juge inférieur car il est parti de Canaan et a vécu de longues années à l’étranger et JACOB PENSE ETRE CONDAMNABLE POUR AVOIR ÉPOUSE DEUX SŒURS !!!

Or, Jacob a, semble-t-il, omis de se souvenir du fait que s’il s’est exilé pour aller fonder une famille à Aram c’est bien parce qu’il a eu à cœur d’honorer son père et sa mère qui lui ont demandé d’aller trouver une épouse chez Laban !!

D’autre part, de ses deux épouses légitimes Rahel et Léa, il pouvait s’enorgueillir du fait que Yssakhar soit un érudit de Torah et étudie sans cesse et que Yossef exerce lui-même la mitsva d’honorer son père et sa mère car contrairement aux dispositions prises par Jacob où les mères défilent avant leurs enfants, ici, Yossef prend place avant sa mère afin de la protéger.

La plupart des exégètes s’étonnent du fait que la Torah (qui n’énonce rien sans qu’il n’y ait une raison capitale) énonce la lignée d’Esaü…. La mise en parallèle est somme- toute assez claire. En effet, nous lisons qu’à 7 reprises Jacob s’est prosterné devant Esaü et l’a appelé « seigneur » tout en se qualifiant d’esclave ou de serviteur… Aussi, enseigne le midrash, « puisqu’il l’a appelé seigneur à 8 reprises, alors HaShem fera en sorte que règnent 8 « princes » (ou rois) d’Edom avant que n’arrive le Messie. Le fait que Jacob se soit prosterné devant Esaü entraîna le fait que tous les « temples » d’Israël tombent aux mains des « conquérants » y compris Edom !

La différence sur le plan spirituel entre Jacob et Moïse qui tous deux étaient la proie de la peur : pour le premier il s’agissait comme nous l’avons décrit ci-dessus de la peur d’avoir mal fait ou plutôt de ne pas avoir assez mérité était donc une crainte révérencielle, tandis que pour Moïse, il s’agissait d’une autre sorte de crainte il pensait qu’étant rois, ses adversaires étaient plus puissants que lui…. Ces sentiments provenaient du fait qu’ils étaient très humbles et, en tant que personnes effacées devant les autres qu’ils considéraient comme plus méritants au point de s’effacer totalement.

Il est un fait sur lequel peu d’exégètes s’attardent : la « blessure » de Jacob sortant vainqueur de sa lutte contre « l’ambassadeur » (ou prince/envoyé/ministre) d’Esaü : désormais le patriarche boite : il est blessé à la hanche et, en commémoration de cette lutte nous ne consommons la partie inférieure des animaux qu’à la condition que soit extirpé le nerf sciatique2. Certains exégètes tels Ibn Ezra, par exemple, signalent qu’à cette époque, prêter serment était un acte qui n’aurait su s’accomplir que si celui qui devait prêter serment le faisait en mettant sa main sous la hanche de celui qui demandait cette marque de confiance ne citant pour exemple qu’Eliezer partant chercher une épouse pour Isaac. Il apparaît ainsi que la hanche est un point particulièrement sensible en cette époque. Le secret de cette lutte réside en ceci : Jacob est certain d’être l’aîné de son frère puisqu’il a été créé le premier3 et, en conséquence, il se considéra comme chargé d’exercer le culte ce à quoi n’aspirait nullement Esaü qui démontra en tous temps un désintérêt total pour la spiritualité qu’il abandonnait volontiers à Jacob. D’ailleurs, lorsqu’à la mort d’Abraham Jacob cuisina et accommoda des lentilles pour les endeuillés, Esaü affamé se désintéressa des attributions qu’il avait en tant qu’aîné et s’en débarrassa, puis, lorsqu’il fut dépossédé également de sa bénédiction, il devint furieux or, à ce moment de l’histoire, Jacob posséda tout ce que devait recevoir l’aîné : la responsabilité du spirituel et la bénédiction. Le dessein d’Esaü dans ce combat singulier de Jacob contre l’émissaire d’Esaü qui blessa le patriarche à la hanche en signifiant par cette lutte sa volonté « d’annuler » ce double signe d’aînesse. Mais, s’ il fut blessé au combat, il ne fut pas vaincu et, les termes de la bénédiction furent confirmés.

La mort de Rahel. Il est un adage selon lequel ce qu’un Tsadik prononce, HaShem l’accomplit. Rahel était d’une piété telle qu’il lui était insupportable de constater que son père et ses proches s’adonnaient à l’idolâtrie et, qui plus est au culte des « terafim ». De quoi s’agissait-il : Lorsque sous certaines conditions naissaient un garçon, il était « sacrifié » et on le préparait selon certains cérémonials en plaçant sous sa langue une barrette de métal et, ce corps pouvait s’exprimer et répondre à ceux qui l’interrogeaient. Jacob, persuadé qu’il devait regagner le domicile paternel précipita leur départ. Aussi, afin que Laban n’interroge pas les « terafim » pour savoir où son gendre ses filles et ses petits-enfants sont partis, elle déroba ces objets et les dissimula. Elle fut la seule à savoir ceci et lorsque Jacob fut soupçonné par Laban, Jacob, persuadé que l’un des serviteurs avaient dérobé ces terafim il émit la malédiction selon laquelle que celui qui les a dérobés « ne vive plus » peu de temps après, à l’orée de Beith Lehem en Yéhouda, Rahel accoucha et mourut bien que son vœu fut d’arracher son père et sa maisonnée au culte infâme.

Caroline Elishéva REBOUH

Notes

1 ISRAËL ce nom se divise en deux YSHAR = droit et le nom divin.

2 Cette caractéristique tout-à-fait particulière aux Juifs servit à dénommer les Juifs en Chine où le judaïsme était la religion de « ceux qui extirpent les nerfs de la viande ».

3 Et, en tant que premier à être créé il fut le second à sortir de même que le second à être créé, Esaü fut le premier à sortir.

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