Les vaccins au centre d’une nouvelle passe d’armes entre Londres et Bruxelles

Charles Michel a déploré que le Royaume-Uni bloque l’export de vaccins. Boris Johnson a fermement réfuté cette accusation. Les retards de livraison d’AstraZeneca attisent les tensions. Quelque 34 millions de doses ont été exportées de l’UE vers des pays tiers depuis que Bruxelles a mis en place son système de contrôle.

« Cette pandémie nous a tous placés du même côté dans le combat pour la santé dans le monde. Nous nous opposons au nationalisme vaccinal », a assuré le Premier ministre britannique, Boris Johnson.
« Cette pandémie nous a tous placés du même côté dans le combat pour la santé dans le monde. Nous nous opposons au nationalisme vaccinal », a assuré le Premier ministre britannique, Boris Johnson. (AFP)
Par Derek Perrotte Mis à jour le 11 mars 2021 à 9:32

 

La bataille des vaccins contre l’épidémie de Covid-19 attise les tensions entre Londres et Bruxelles. Mardi soir, Charles Michel, le président du Conseil européen, a affirmé que le Royaume-Uni et les Etats-Unis bloquaient les exportations de vaccins depuis leur sol. Son propos visait à défendre par contraste l’UE, critiquée pour avoir bloqué la semaine dernière, une première, l’envoi par AstraZeneca en Australie de vaccins produits en Italie.

L’Europe, qui se targue d’être à la pointe de l’entraide internationale et autorise la quasi totalité des demandes d’exportations des laboratoires, « n’a jamais cessé d’exporter », a rappelé Charles Michel. Et pas qu’un peu. Au 9 mars, selon des chiffres dévoilés par Bloomberg et confirmés par plusieurs sources européennes, 34 millions de doses avaient quitté l’UE pour une trentaine de pays tiers, dont au moins 8 millions pour le Royaume-Uni (qui ne produit pas le vaccin Pfizer sur son sol).« Mais seulement les doses de producteurs qui ont par ailleurs honoré leurs engagements vis-à-vis de l’Union européenne », précise bien un diplomate européen. Des chiffres qui mesurent les exportations depuis début février, quand Bruxelles a instauré son mécanisme de contrôle.

Jeudi matin sur France Inter, le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune a été plus explicite en soulignant que ces exportations correspondaient «à 95% à des vaccins Pfizer», laboratoire qui tient ses engagements de livraisons. L’Europe n’est donc «pas naïve» selon lui, la suspicion portant sur AstraZeneca.

Convocation diplomatique

« Toute allusion à une interdiction britannique d’exportation ou à une quelconque restriction sur les vaccins est complètement fausse », a réagi dès mardi soir un porte-parole du gouvernement britannique. « Nous n’avons pas bloqué l’exportation du moindre vaccin […] ou du moindre composant de vaccin », a réaffirmé mercredi le Premier ministre, Boris Johnson, tandis que son ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab, a convoqué une représentante diplomatique de l’UE en Grande-Bretagne mercredi matin pour « rétablir les faits ».

Pavé dans la mare

Mardi soir, face au démenti britannique, Charles Michel, décidé à jeter un pavé dans la mare, a précisé qu’il y a « différentes manières d’imposer des interdictions ou des restrictions sur les vaccins », et s’est dit « heureux » que la réaction du Royaume-Uni conduise à « plus de transparence et une augmentation des exportations, vers l’UE et des pays tiers ». Selon des sources européennes, le Royaume-Uni, où sont produits uniquement des vaccins AstraZeneca, empêcherait de facto les exportations via une clause dans son contrat avec le laboratoire anglo-suédois lui accordant un accès prioritaire.

Pascal Soriot, le PDG d’AstraZeneca, avait lui-même affirmé dans les médias que la production issue des deux usines britanniques était destinée au Royaume-Uni. L’UE, pénalisée par d’importants retards de livraison, proteste depuis des semaines, sans succès, en arguant que son contrat inclut les usines britanniques comme sites de production de sa commande . « Nous nous opposons au nationalisme vaccinal sous toutes ses formes », a pourtant répété Boris Johnson mercredi.

Brexit

Bruxelles déplore en outre qu’avant la mise en oeuvre du mécanisme de contrôle, des millions de doses de vaccin produites en décembre et en janvier par l’usine d’AstraZeneca aux Pays-Bas aient été envoyés au Royaume-Uni, et non stockées pour le marché européen dans l’attente du feu vert de l’Agence européenne des médicaments. A l’opposé, aucune dose produite outre-Manche n’a été envoyée dans l’UE depuis le début de la production, selon plusieurs sources européennes, qui pointent que le Royaume-Uni « ne donne aucun chiffre » sur sa propre participation – a priori nulle estime Bruxelles – à la solidarité internationale qu’il prône pourtant dans le discours.

Cette passe d’arme intervient dans un contexte de tensions déjà croissantes, autour du respect de l’accord post Brexit. Fin janvier, Bruxelles avait rendu furieux le Royaume-Uni en voulant imposer – avant de vite renoncer – des contrôles à la frontière entre les deux Irlande pour surveiller les exportations de vaccins. La semaine dernière, Londres a provoqué un nouveau différend en prolongeant unilatéralement de six mois le sursis appliqué sur les contrôles sanitaires en mer d’Irlande.

Derek Perrotte (Bureau de Bruxelles)

https://www.lesechos.fr/monde/europe/les-vaccins-au-centre-dune-nouvelle-passe-darmes-entre-londres-et-bruxelles-1297141

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