Il se nomme Abou Souleimane et c’est l’un des hauts commandants de l’État islamique dans le Sinaï égyptien, que le groupe terroriste considère comme l’une de ses provinces (wilayat Sinaï, en arabe). Vers la mi-juillet, après avoir été grièvement blessé dans des combats contre l’armée égyptienne, ce chef djihadiste a été transféré à l’hôpital européen de Gaza, un établissement construit sur fonds de l’UE à la fin des années 1990 et administré par le ministère de la Santé du gouvernement Hamas de Gaza. Il est situé entre les localités de Khan Younès et de Rafah, tout près de la frontière et des tunnels de contrebande utilisés par les contrebandiers et les activistes du Hamas. Selon une source égyptienne, son infiltration dans Gaza a été assurée par les brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du mouvement islamiste palestinien. Plusieurs hommes seraient affectés à la surveillance de l’unité où il est actuellement soigné.

Comme la plupart des djihadistes du Sinaï, Abou Souleimane est moins connu que ses semblables d’Irak et de Syrie. Son nom apparaît dans une récente étude du spécialiste égyptien de l’islam radical Mohannad Sabry, qui l’associe dès 2004 au premier transfert de roquettes Grad à destination du Hamas. À cette époque, les islamistes n’étaient pas encore au pouvoir à Gaza et la péninsule égyptienne, bien loin de toute velléité insurrectionnelle, était grande ouverte aux trafics en tout genre des Bédouins.

Ennemis communs

Abou Souleimane n’est pas un cas particulier. Comme lui, plusieurs combattants de l’EI auraient été acheminés vers des hôpitaux de Gaza à la fin du mois dernier après avoir été repérés puis visés par des tirs de soldats égyptiens alors qu’ils dissimulaient des explosifs sur la plage d’El-Arish, la capitale du nord de la province du Sinaï, à 50 km à l’ouest de Rafah. Selon une source sécuritaire israélienne, près d’une centaine de djihadistes auraient été soignés dans l’enclave palestinienne depuis le début de l’année, période à partir de laquelle cette coopération clandestine avec l’aile militaire du Hamas s’est intensifiée.

« Nous avons reçu des preuves authentiques que les membres de Daech entrent dans la bande de Gaza via des tunnels afin de recevoir des traitements dans les hôpitaux du Hamas », déclarait au printemps le général israélien Yoav Mordechai, chargé de la coordination des activités du gouvernement dans les territoires palestiniens (Cogat). Personne n’est en mesure d’expliquer clairement ce qui pourrait justifier cette collaboration entre le Hamas et Daech, dans la mesure où l’État islamique juge les islamistes de Gaza, issus des Frères musulmans, pas assez orthodoxes sur le plan religieux. Ni si les soins accordés aux combattants de Daech l’ont été en échange d’armes ou d’équipements. Mais il est clair que les deux organisations ont deux ennemis communs : le gouvernement du maréchal Sissi en Égypte et celui de Benyamin Netanyahou en Israël.

Aller-retour dans la bande de Gaza

«Nous savons aussi que le Hamas négocie avec les services spéciaux égyptiens pour leur livrer des gens de Daech»

« Que des combattants de Daech au Sinaï se soient réfugiés à Gaza, oui, qu’il y ait des contacts entre Daech et le Hamas, oui aussi. Mais le degré de complicité est difficile à évaluer car nous savons aussi que le Hamas négocie avec les services spéciaux égyptiens pour leur livrer des gens de Daech », assure au JDD une source diplomatique européenne proche du dossier, davantage préoccupée par les flux de combattants de Daech du Nord-Sinaï vers la Libye par la mer et par le retour d’autres soldats de l’EI en Égypte via la frontière libyenne.

Les relations troubles entre la branche armée du Hamas et les djihadistes du Sinaï irritent en tout cas au plus haut point les autorités du Caire, qui peinent toujours à reprendre le contrôle de la péninsule désertique malgré un raid militaire meurtrier, rendu public le 4 août, qui aurait décimé une partie de la hiérarchie de Daech. D’après les services de renseignement égyptiens, Souleimane Al-Sawarka, l’un des fondateurs du groupe Ansar Bet al-Maqdis qui a prêté allégeance à l’État islamique, s’est rendu plusieurs fois dans la bande de Gaza en 2015 pour y rencontrer les chefs militaires du Hamas. Sawarka est le cerveau présumé du triple attentat contre des hôtels de Taba en octobre 2004 qui avait fait 34 morts dont 16 touristes.

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Paula Koiran

Cela ne m’étonne pas. Qui se ressemble, s’assemble

Paula Koiran

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