1751098 r-l : Thomas Elek, Maurice Fingerweig, Szlama Grzywacz, Wolf Wasjbrot, Joseph Boczov, Missak Manouchian, Robert Witchitz, resistants, arrested in 1943, they were executed on february 21, 1944 at Mont Valerien in Paris . their face appeared on "The Red Poster ", german propaganda document in february 1944 to discredit the French Resistance; (add.info.: r-l : Thomas Elek, Maurice Fingerweig, Szlama Grzywacz, Wolf Wasjbrot, Joseph Boczov, Missak Manouchian, Robert Witchitz, resistants, arrested in 1943, they were executed on february 21, 1944 at Mont Valerien in Paris . their face appeared on "The Red Poster ", german propaganda document in february 1944 to discredit the French Resistance); © Tallandier; it is possible that some works by this artist may be protected by third party rights in some territories.

Szlama Grzywacz, l’un des 10 résistants de l’Affiche rouge, reconnu « mort pour la France »

Juif polonais communiste fusillé le 21 février 1944, il était le dernier du groupe Manouchian à ne pas avoir reçu cette distinction. L’Élysée a annoncé le lancement de travaux pour faire la « lumière » sur les étrangers résistants ou otages exécutés tombés dans l’oubli.

Sur la mythique « Affiche rouge », Szlama Grzywacz est l’un des dix visages. Le plus en haut, à gauche, avec ses cheveux plaqués en arrière et sa bouche légèrement entrouverte. Sous la photo, une mention : « Juif Polonais, 2 attentats ». Le 21 février 1944, ce résistant de 33 ans a été exécuté au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine) avec 21 autres camarades des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans, Main d’œuvre immigrée) de la région parisienne : le célèbre « groupe Manouchian », du nom de son chef.

La seule à échapper au peloton fut Olga Bancic, unique femme du groupe. Non par clémence, mais parce que femme, elle « bénéficia » d’un traitement à part stipulé par le droit criminel allemand qui leur refusait le droit aux balles : celui d’être guillotinée en Allemagne.

« Injuste oubli »

Des « 23 », Szlama Grzywacz, pourtant décoré en 1947 de la Médaille de la résistance française, était le dernier à ne pas être reconnu « mort pour la France ». Le chef de l’État a décidé de « réparer cet injuste oubli », a fait savoir l’Élysée ce samedi dans un communiqué. « Comme tous ses compagnons d’armes, Szlama Grzywacz démentit par son héroïsme la propagande nazie, qui entendait lui dénier la qualité de combattant digne de la patrie des Lumières », écrit le président de la République.

Grzywacz n’était pas le plus connu des « 10 » de l’Affiche rouge sang que les nazis diffusèrent massivement sur les murs de France, croyant ainsi les faire blâmer par l’opinion publique. Elle fut placardée lors du procès expéditif qui allait condamner à mort les 23 résistants de la branche armée des FTP-MOI en région parisienne, l’un des groupes résistants les plus actifs en 1943. Tous étaient communistes et étrangers. Quelques Arméniens, comme Missak Manouchian, leur « commissaire politique », des Italiens, des Espagnols. Mais surtout des Juifs d’Europe centrale et orientale, contraints de fait à la clandestinité par le régime de Vichy.

Les visages des fusillés du 21 février 1944 ont été placardés dans toute la France sur la tristement célèbre «Affiche rouge».Les visages des fusillés du 21 février 1944 ont été placardés dans toute la France sur la tristement célèbre «Affiche rouge». AFP

Szlama Grzywacz était l’un d’eux, né au centre de la Pologne en 1910 dans une famille juive pauvre et très religieuse. Au côté de son père, il apprend très jeune le métier de cordonnier et milite le reste du temps au sein des Jeunesses communistes. Son engagement lui vaut cinq de prison en Pologne. En sortant, il reprend la lutte mais la police lui met la pression. Il se réfugie en France, puis file en Espagne prendre les armes au sein des Brigades internationales. Après la défaite contre Franco, il est interné dans les camps du sud-ouest de la France mais s’en échappe en 1940.

Le voilà clandestin à Paris, très actif au sein d’un syndicat qui rassemble les travailleurs juifs de la fourrure. Il commence son activité de résistant en empêchant les ateliers, très sollicités par les occupants nazis, d’envoyer les vêtements fourrés ou des gants à destination des soldats allemands. Il contribue aussi au sabotage des machines, et sans doute à quelques actions punitives avant de rejoindre les FTP-MOI en août 1942, sous le matricule 10157. Son pseudonyme : Charles. Évidemment pas le nom — Jean Jagodacz — que mentionnent ses faux papiers.

Sur l’Affiche rouge, les nazis lui attribuent « deux attentats » : une grenade lancée dans les locaux d’un journal allemand à Paris, et une bombe incendiaire jetée dans un camion de soldats allemands. Mais comment savoir qui fait quoi dans ces armées de l’ombre ? On sait que l’ancien cordonnier fut muté au détachement des dérailleurs, juste avant d’être arrêté le 29 novembre 1943 par les inspecteurs français de la BS2, qui, à force de filatures, ont réussi à faire tomber tout le réseau Manouchian.

« De meilleurs lendemains ne sont pas loin »

Juif, communiste, saboteur… Grzywacz eut droit à un traitement de « faveur » avant d’être livré aux Allemands et incarcéré à Fresnes. « Aujourd’hui à 15 heures, je vais être fusillé. J’ai conservé mon sang-froid jusqu’à la dernière minute, comme cela convient à un ouvrier juif », écrit-il une dernière fois à sa compagne, Janine, le 21 février 1944. « Je meurs, mais toi tu vis (…) Je te dis adieu ainsi qu’à tous mes amis. Du courage, du courage et encore du courage. De meilleurs lendemains ne sont pas loin. Je t’embrasse mille fois. »

Il est exécuté à 15h56 avec ses frères d’armes, au fort du Mont-Valérien, là où les nazis ont tué 1009 personnes, résistants ou simples otages, jusqu’à ce qu’ils soient chassés de Paris en août 1944. Parmi ces fusillés, 86 (le 87e était Grzywacz) n’ont toujours pas la mention « mort pour la France ». Pourquoi ? À l’origine, elle a été créée pour les soldats français tombés en 14-18, et pour les combattants de la Légion étrangère. La Seconde Guerre mondiale est arrivée et avec elle son cortège de résistants étrangers, « soldats réguliers de l’armée française de la libération », comme se définira Manouchian dans la lettre qu’il écrira à sa femme Mélinée, avant son exécution aux côtés des Grzywacz, Elek, Alfonso et autres Rajman.

« Scandale »

« Dès 1945, certains ont été reconnus morts pour la France. Manouchian, lui, a dû attendre 1971, peut-être à cause de son engagement communiste », décrypte l’historien Denis Peschanski. Ce directeur de recherches au CNRS n’hésite pas à parler de « scandale » en évoquant tous ces morts non reconnus. « Comment justifier que des étrangers, qui meurent dans les mêmes conditions que des Français, ne soient pas, comme eux, considérés morts pour la France ? C’est incompréhensible. » Olga Bancic, le dernier « oubli » avant Grzywacz, ne l’a été qu’en 2011.

Samedi, lors d’un colloque au Sénat sur « les étrangers dans la résistance », Patricia Miralles, la secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, a signé, « très émue », l’acte faisant de Grzywacz un « mort pour la France ». D’autres suivront, comme l’a laissé entendre l’Élysée dans son communiqué : « Lumière doit être faite sur ces destins exemplaires, afin de leur rendre la reconnaissance que leur doit la République. »

Pour rendre justice aux 86 fusillés du Mont-Valérien qui n’ont pas encore cette mention, la secrétaire d’État, missionnée par la Présidence, pourra s’appuyer sur les recherches d’Alain Simonnet. Cet ancien ouvrier de 76 ans s’est pris un jour de passion pour ces destins négligés. Les martyrs du Mont-Valérien, et ailleurs en France. Grâce à son infatigable travail de recensement et ses démarches fastidieuses auprès des registres d’état civil, 263 étrangers, otages ou résistants, sont grâce à lui reconnus comme « morts pour la France ».

Et 264 avec Grzywacs ! « Je me suis bien battu, c’est vrai, mais je n’ai pas risqué ma vie, moi. Et il reste encore beaucoup de boulot », sourit humblement le retraité de Franconville (Val-d’Oise). Des centaines, voire des milliers d’otages ou résistants étrangers tués (ou suicidés) en France pendant la guerre, sont passés entre les mailles.

Ce chantier lancé par Emmanuel Macron aboutira prochainement à une autre décision, très attendue : l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, que tous espèrent pour les 80 ans de son exécution, le 21 février 2024. « C’est une très grande figure et ça a beaucoup de sens », avait lâché le chef de l’État il y a près d’un an au micro de France Inter.

« Manouchian, c’est le symbole des symboles. À travers lui, la nation reconnaîtra l’action héroïque des étrangers, qui étaient sur-représentés dans la résistance », poursuit Denis Peschanski. Cet Arménien, rescapé du génocide de 1915 perpétré par les Turcs, avait eu cette phrase en toisant ses bourreaux français, complices des nazis : « Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée. »

JForum avec www.leparisien.fr ( Charles de Saint Sauveur)
Szlama Grzywacz (troisième en partant de la droite) a été exécuté à 15h56 avec ses frères d’armes, au fort du Mont-Valérien, là où les nazis ont tué 1009 personnes. Tallandier/Bridgeman Images

 

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