La livre syrienne s’est renforcée immédiatement après l’annonce de l’ordre de Trump de lever les sanctions américaines, et les gens ont célébré dans les rues à travers le pays.

Les sanctions sévères imposées par les États-Unis étaient considérées comme le dernier obstacle majeur à la reprise économique de la Syrie. Mardi, avant une rencontre avec son homologue syrien, le président américain Donald Trump a annoncé la levée des sanctions.

« Ces sanctions étaient brutales et paralysantes… Nous les levons toutes », a déclaré Trump lors d’un discours au Forum d’investissement américano-saoudien à Riyad. Ses propos ont déclenché des acclamations de la foule composée de responsables politiques et financiers. Cette annonce retentissante marque un tournant dans la politique de Washington au Moyen-Orient et va à l’encontre des exigences d’Israël de maintenir les restrictions imposées à la Syrie.

La levée des sanctions est une bouffée d’air frais tant attendue pour les Syriens, étouffés depuis des décennies par une profonde crise économique. Selon la Banque mondiale, l’économie syrienne s’est contractée d’environ 85 % entre 2011 et 2023, et le coût de la reconstruction du pays est estimé entre 250 et 400 milliards de dollars. Plusieurs agences des Nations Unies estiment que plus de 90 % de la population vit dans la pauvreté.

À quoi ressemblent ces sanctions ?

Des sanctions plus ou moins sévères pèsent actuellement sur l’économie syrienne. Dès 1979, Washington a désigné la Syrie comme « État soutenant le terrorisme », ce qui a entraîné des restrictions financières, notamment sur l’aide au développement, et un embargo sur les armes. Une nouvelle vague de sanctions, limitant les échanges économiques entre les deux pays, a été imposée en mai 2004 contre le gouvernement de Bachar el-Assad, accusé de posséder des armes de destruction massive et d’entretenir l’instabilité régionale en soutenant des groupes islamistes qualifiés de terroristes.

Avec le début de la guerre civile syrienne en 2011 et la multiplication des crimes contre l’humanité commis par le régime baasiste contre son peuple, l’administration Obama a imposé une nouvelle série de sanctions à grande échelle à la Syrie : gel des avoirs du gouvernement syrien à l’étranger, restriction des importations de pétrole et interdiction pour les Américains d’investir dans le pays, ainsi que des sanctions contre les individus liés au régime.

« L’entrée en vigueur de la loi César en 2019 a porté un coup fatal à l’économie syrienne », déclare Vittorio Maresca di Serracapriola, analyste chez Karam Shaar Advisory. « Le décret a instauré de lourdes sanctions secondaires, interdisant notamment aux institutions financières étrangères non américaines d’effectuer des transactions avec le gouvernement syrien. »

Les sanctions demeurent contre le président syrien Ahmad al-Charaa lui-même, toujours désigné comme terroriste par les États-Unis pour ses liens avec Al-Qaïda et pour son rôle de chef de l’organisation Hay’at Tahrir al-Cham (HTS). En janvier, lors de la visite d’un responsable américain à Damas, Washington a supprimé la récompense de 10 millions de dollars promise pour la capture du nouvel homme fort de la Syrie.

Après l’éviction d’Assad le 8 décembre, l’administration Biden a accordé quelques exemptions, bien qu’insuffisantes pour soutenir la reprise économique. En janvier, les États-Unis ont mis en place une dérogation de six mois pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. Le 7 mai, le Qatar a annoncé qu’il financerait les salaires du secteur public syrien (hors Intérieur et Défense), un geste probablement approuvé par la Maison Blanche.

Quelles sanctions seraient les premières à être levées ?

« Le président Trump peut facilement lever un large éventail de sanctions américaines contre la Syrie, imposées par décret entre 2004 et 2019 », explique le consultant économique et financier Abdullah Ojeil. « Ces sanctions comprennent des sanctions économiques visant spécifiquement les industries syriennes, ainsi que des sanctions financières, telles que le gel des avoirs, l’interdiction des transactions en dollars et la déconnexion des banques syriennes du système mondial SWIFT, qui peuvent être levées. »

Dans une interview accordée le 8 mai à l’agence de presse officielle syrienne SANA, le ministre syrien de l’Economie Mohammad Nidal al-Shaar a déclaré que si la Syrie – qui a été complètement isolée du système financier mondial depuis 2011 – revenait au système bancaire mondial, l’économie syrienne connaîtrait une reprise significative et un afflux de fonds et d’investissements.

Cependant, d’autres sanctions semblent plus difficiles à lever, notamment la loi César et la désignation de la Syrie comme État soutenant le terrorisme. « Ces sanctions sont inscrites dans le droit américain et ne peuvent être levées unilatéralement par le président Trump », explique Neil Quilliam, chercheur au sein du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House. « Leur abrogation ou leur modification nécessite l’approbation du Congrès. »

Les profondes implications juridiques et politiques rendront leur levée controversée et lente. Pourtant, ce n’est qu’une fois ces sanctions levées que la banque centrale syrienne pourra contracter des prêts auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. « Pour lever cette mesure, l’administration Trump doit prouver au Congrès que la Syrie a respecté les critères mentionnés dans la loi en matière de droits de l’homme », déclare Ojeil.

Le sénateur républicain Lindsey Graham a mis en garde mardi contre toute action prise sans l’approbation d’Israël : « La levée des sanctions doit être coordonnée avec nos alliés, en particulier nos amis en Israël, afin de répondre à de nombreuses préoccupations sécuritaires. » Israël a bombardé la Syrie des centaines de fois depuis la chute d’Assad. Le journal qatari al-Araby al-Jadeed a rapporté mercredi qu’en avril, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait expressément demandé à Trump de ne pas lever les sanctions contre la Syrie.

« Même si certains aux États-Unis pourraient s’opposer à la levée des sanctions, l’important est que le chef de l’État et l’exécutif américain aient clairement exprimé leur vision », déclare Ojeil. De plus, légalement, le président américain a le pouvoir de suspendre unilatéralement le Caesar Act pour des périodes renouvelables de 180 jours. « Il est également important de noter dans ce contexte que le président américain a déjà refusé d’appliquer les sanctions imposées par le Congrès à la Turquie en 2020 », souligne Serracapriola. « Ainsi, même si le Congrès n’abroge pas le Caesar Act, on peut imaginer que Trump pourrait refuser de l’appliquer. »

Qu’advient-il de l’économie syrienne maintenant ?

Alors que les Syriens se tournent vers l’ouverture du marché du travail et une augmentation des salaires, Serracapriola estime que les conséquences de la levée des sanctions « sont potentiellement importantes, en termes d’entrées de capitaux ainsi que d’opportunités de reconstruction et de marché du travail ».

Les effets se font déjà sentir en Syrie. Peu après l’annonce de la levée des sanctions par Trump, la livre syrienne s’est appréciée d’environ 25 %, atteignant 8 000 livres avec le dollar. « Une fois les sanctions levées, le système Swift facilitera les transferts financiers et permettra l’afflux d’investissements », ajoute Ojeil, avec des améliorations attendues dans les flux d’importation de biens, de médicaments et de technologies.

L’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar semblent prêts à investir massivement dans le pays. Il appartient toutefois aux autorités syriennes de confirmer cette dynamique en rétablissant la confiance avec le secteur privé. L’annonce de Trump pourrait également encourager les Nations Unies à lever leurs sanctions contre la Syrie et inciter d’autres pays à faire de même.

Donald Trump demande à la Syrie une normalisation avec Israël

Donald Trump a rencontré mercredi à Ryad le président syrien islamiste Ahmad al-Chareh, lui réclamant de normaliser ses relations avec Israël, après avoir annoncé une levée des sanctions contre son pays, dans un changement de cap majeur.

Il doit se rendre jeudi aux Émirats arabes unis, étape finale de sa tournée dans le Golfe, sauf s’il décide à la dernière minute d’aller en Turquie pour des pourparlers russo-ukrainiens, une «possibilité» qu’il a évoquée.

Portrait élogieux

La rencontre avec le président par intérim syrien s’est «très bien passée», a confié Donald Trump aux journalistes dans l’avion, parlant d’un «homme jeune et séduisant. Un gars costaud».

Le portrait élogieux est frappant, pour un homme qui a figuré un temps sur une liste des djihadistes recherchés par les États-Unis, devenu président par intérim après avoir renversé en décembre Bachar al-Assad à la tête d’une coalition de forces islamistes.

Donald Trump a assuré que le dirigeant syrien était prêt à accéder à sa demande d’une normalisation des relations avec Israël, avec qui la Syrie est officiellement en guerre depuis 1948.

«Beaucoup de travail à faire»

Interrogé à ce sujet, le président américain a dit: «Je lui ai dit, j’espère que vous rejoindrez (les accords d’Abraham, ndlr) une fois que vous aurez réglé votre situation et il m’a dit +oui+. Mais ils ont beaucoup de travail à faire», en référence aux accords par lesquels plusieurs pays arabes ont reconnu Israël en 2020.

En Syrie, la perspective d’une levée des sanctions qui étranglent le pays a suscité des manifestations spontanées de joie. «Cela stimulera l’économie et encouragera les gens à revenir», s’est réjouie Zain al-Jabali, 54 ans, propriétaire d’une fabrique de savon à Alep (nord).

L’entrevue, la première du genre en 25 ans, a duré près d’une trentaine de minutes, en présence du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui s’y est joint virtuellement.

«Une chance de grandeur»

Le président américain a aussi demandé à Damas d’expulser les membres de groupes armés palestiniens et de prendre «la responsabilité» des prisons détenant des membres du groupe djihadiste État islamique en Syrie, actuellement prises en charge par les forces kurdes.

La diplomatie syrienne a évoqué une «rencontre historique», sans mentionner les relations avec Israël. Donald Trump avait créé la surprise mardi en annonçant qu’il allait «ordonner l’arrêt des sanctions» pour donner «une chance de grandeur» à la Syrie.

Le pays fait l’objet de sanctions internationales depuis 1979, renforcées après la répression par le pouvoir de Bachar al-Assad de manifestations prodémocratie en 2011. La rencontre Trump-Chareh a eu lieu malgré les réticences d’Israël, allié indéfectible des États-Unis.

Israël mène régulièrement des frappes en Syrie, pour empêcher selon lui que les armes du pouvoir déchu ne tombent entre les mains des nouvelles autorités, considérées comme hostiles.

JForum.Fr

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

0 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires