Ces dernières années Tel-Aviv a connu une révolution juive du côté des « laïcs ». Ces derniers évidemment des non-religieux, n’ont pas effectué leur ‘Téchouva’ vers la pratique et les rites; mais les vieilles synagogues presque abandonnées se sont emplies de personnes qui y pénètrent après leur baignade en mer ou avant d’aller à une fête. Ils ne voient pas en cela d’incompatibilité. Leurs rencontres lors d’études avec les Rabbins ont eu comme vertu une influence mutuelle positive.

Dans la ville des extrêmes mais aussi des contraires on a pu assister au mois de juin, d’un côté à une manifestation homosexuelle puis à quelques centaines de mètres, au plus grand repas de Chabbath qui sera certainement inscrit et homologué par le Guiness. Cela fait assez longtemps que “la Ville qui ne s’arrête jamais”, capitale de la vie nocturne grâce à ses fêtes en tous genres, laisse entrevoir un véritable intérêt pour le Judaïsme. Il n’est pas question ici d’un grand retour à la Torah ni d’une transformation des laïcs en religieux ou en gens plus croyants. Ceux qui vivent ce processus le définissent plutôt comme un nouvel intérêt pour la tradition juive. Non pas par obligation ni par le besoin de se plonger dans l’étude d’une page de Talmud, mais surtout par respect et le désir de comprendre cette tradition.

Là où cette vague spirituelle se fait bien sentir est la présence dans les synagogues. Pour exemple : rue Ben Yéhouda, trois synagogues dans un rayon de 300 mètres sont envahies par ces non-religieux. Ces mêmes trois locaux allaient être définitivement fermés, étant presque abandonnés. Le plus frappant est le “Beth Knesset Hamerkazi leTsafon”. Cette synagogue qui accueillait péniblement difficilement dix personnes à chaque prière, se retrouve aujourd’hui avec 250 participants jeunes et très actifs : repas en commun, soirées, cours, Kiddouch après la prière. Car, comme en d’autres lieux, un ami en amène un autre… Le Rav Ytshak Bar-Zeev raconte : « Viennent ici des personnes de tous bords, religieux ou pas. Certains arrivent même après leur baignade en mer.» Le Rav, 27 ans, marié et père de deux enfants, fait ses premiers pas dans le Rabbinat. Ancien étudiant de grandes Yechivot ‘Haredi (“orthodoxes”) il dirige la grande synagogue de Tel-Aviv, mais il passe un temps non négligeable dans celle de “Merkazi Letsafon”. Il a même poussé le bou­chon jusqu’à s’engager dans Tsahal, au sein du rabbinat de l’Armée de l’air: « Il n’est pas honorable pour un Rav entouré de centaines de jeunes qui ont porté l’uniforme de ne pas servir. Donner et servir d’exemple est primordial en tant que chef d’une collectivité.»

La recette

Selon lui, cet intérêt nouveau pour le Judaïsme doit sa réussite au format social : Tout comme dans les congrégations juives à l’étranger, tout le monde appartient à la communauté. Les rencontres se font autour d’une prière ou d’un repas, entre Juifs d’appartenance à des courants variés, religieux, traditionalistes ou complètement éloignés mais toujours chaleureusement; homme, femmes, tout est là pour se sentir bien et désirés.

Pas seulement le Chabbath

La Grande Syna­gogue, où officie Rav Bar Zeev, a connu le même sort. 25 personnes pour 1500 places. Avec la nomination d’un nouveau président, qui a imposé le jeune Rav, l’espoir a été mis dans la jeunesse. Pari gagné ! Même en semaine la synagogue est largement fréquentée grâ­ce aux commerces alentours. Le Chabbath, jeunes hommes et jeunes femmes abondent. “Nous avons organisé une “Méga-prière”, un repas de Chabbath géant avec 350 participants. Nous avons récité “Chalom Aleikheim” et avons chanté des chants traditionnels de Chabbath. C’est un aboutissement assez grandiose. L’édifice a 85 ans, Ben-Gourion et Bialik y ont prié, aujourd’hui des dizaines de jeunes y manifestent leur rapprochement à la tradition.”

Quelle définition ?

L’ancienne vedette de l’émission TV reality Hissardout (le Koh-Lanta israélien), Nathan Bachbakin, lui aussi fait partie de ces jeunes. Il a même utilisé sa notoriété pour attirer deux ou trois jeunes à venir compléter le Minyan (assemblée de dix hommes nécessaires à la prière). « Je ne me considère ni comme religieux ni comme laïc; je ‘préserve’ la tradition juive, selon ma propre définition. J’essaie de faire passer les valeurs du Judaïsme autour de moi. Je n’observe pas Chabbath, mais je mets tous les jours mes Téfilines et fait en sorte de séparer le lait de la viande. La synagogue est ouverte à tout un chacun: pas de gêne et les prières ne sont ni raccourcies ni rallongées.» Selon Bachbakin, cet éveil est aussi lié à l’opération Tsouk Ethan : « Il y a eu une prise de conscience. Les gens ont compris pendant la guerre qu’il nous fallait avoir la foi, posséder une voie. Sans cela nous nous perdons nos guerres. Cet élan n’a pas pour but le retour total aux commandements de Dieu. Il faut voir cela plutôt comme un besoin de remercier quelqu’Un ou quelque chose. Les gens ont vu l’évidence des miracles de la dernière guerre de Gaza.»

Le Rav Bar Zeev n’a pas l’intention de transformer la ville et ses habitants en religieux. Le Rav admet que la très large ouverture d’esprit qui règne à Tel-Aviv, permet à ces jeunes de ne pas se sentir atypiques. « Personne ne les force à venir. C’est justement se sentiment de liberté qui les amène. Très nombreux sont ceux qui désirent retrouver le goût de la tradition qu’ils ont connu chez leurs parents ou grands-parents.»

Liat Goursetman, 36 ans, se définit comme une laïque à tendance traditionaliste* et elle décrit une nouvelle Tel-Aviv quant à sa relation à la religion. A l’entendre, elle et d’autres très nombreuses personnes se trouvent dans un flou artistique : pas religieuse mais pas laïque non plus. Elle fréquente une organisation qui ne cherche pas à lui faire faire Téchouva mais qui lui offre un message facile à accepter. Elle déplore aussi l’incitation contre la religion. Selon Liat, dans le pays des Juifs on ne peut passer à côté du message de la Torah et l’ignorer.

Le Rav Israël Meïr Lau, Grand rabbin de Tel-Aviv, possède son explication à cette nouvelle situation qu’il connait bien. Pour lui l’exemple des Juifs de France en fournit les raisons ; la synagogue est ouverte à tous, aucun Juif non pratiquant ne pense passer une semaine sans la fréquenter. Chez eux le clivage et les étiquettes religieuses sont beaucoup plus effacées que ce que l’on connait ici. Il en veut pour preuve les cinq (!) nouvelles synagogues ouvertes par des immigrants de France. Toujours selon le rav Lau : Au milieu du siècle précèdent il y a eu un déplacement des communautés religieuses de Tel-Aviv vers Bné-Brak pour les ‘Haredi ou Peta’h Tikva pour les “kipotes tricotées” du mouvement nationaliste. Ce nouvel éveil doit aussi sa réussite aux “Garinim Toranim”, ces groupes de jeunes familles religieuses venues s’installer intentionnellement dans les recoins des villes israéliennes où la tradition se perdait.

Quand le Rav Lau demande aux gens combien à leur avis il y a de synagogues actives en ville, certains répondent 10 à 15, d’autres vont même jusqu’à 30. Le Rav les surprend tous, et nous aussi, en annonçant : « Il y a à Tel-Aviv 547 synagogues actives !»

*Il est important de différencier ces Juifs de ceux du courant libéral. Quand ces derniers transforment un interdit en permis, les premiers acceptent le fait que leur acte soit en fait une transgression.

Par Yehouda Schrem – Israël Magazine

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