Entendre et accueillir la parole de Vladimir Jankélévitch

Vladimir Jankélévitch et Françoise Schwab ©Radio France - DR

 

L’éblouissement Jankélévitch

« Il y a dans toute vie un éblouissement, un moment de lumière si intense qui, même si celle-ci est immédiatement rappelée par l’ombre, construit l’événement fondateur, indicible, que toute une vie va tenter de dire. Il ne s’agit pas de comprendre ni d’expliquer cette lumière car dans les profondeurs où nous nous aventurons tout est hautement inexplicable. Il s’agit seulement de continuer à vivre en s’éclairant de cette lumière surgie de la mémoire, lumière venue d’ailleurs par laquelle on sent que la vie recèle un abondant, un inépuisable trésor. »

Cette réflexion d’Henri Bauchau résume me semble-t-il l’expérience qu’ont faite toutes les personnes qui ont eu la chance de rencontrer cet homme d’exception que fut Vladimir Jankélévitch, ce philosophe qui disait souvent que sa philosophie n’avait pas été pensée pour le XXe siècle mais le XXIe siècle, hors des conformismes et des non-conformismes.

Pensée intempestive aurait dit Nietzsche, mais pensée actuelle au sens étymologique, c’est à dire une pensée qui se traduit en acte, dans l’engagement d’un agir toujours attentifs aux bruits du monde. Pensée au bout des doigts aussi, car le piano et la musique furent pour lui une passion inextinguible, un enchantement du monde qu’il offrit à ses lecteurs et auditeurs dans une prose toujours au bord des mots, au bord des choses, avec grâce et légèreté, avec sérieux et humour, dans la fragilité d’un je ne sais quoi et d’un presque rien nous conduisant dans les humbles sommets du monde, quelque part dans l’inachevé.

Mais quelle est l’actualité ce philosophe de la musique, ce musicien de la philosophe ? Quelle est l’actualité de ce professeur qui invitait à réfléchir au pur amour, l’amour totalement désintéressé ? Que nous enseigne pour aujourd’hui cet homme pour qui pardonner fut l’un des grand dilemme de sa vie ? Cet homme écrivit que « si les juifs n’existaient pas il aurait fallu les inventer » ? Qu’apprendre pour époque tourmentée politiquement de ce philosophe pour qui le judaïsme était mobilité d’esprit et esprit d’ouverture, et Israël, ce peuple capable de « faire briller dans le passé les étincelles de l’espérance » selon une belle formule de Walter Benjamin ?

Qui fut ce grand professeur, au style et à la voix inimitable, le plus grand disciple de Bergson, cet ami de Chestov, de Levinas et d’Edmond Fleg et de ses étudiants ?

L’invitée

Françoise Schwab est historienne, philosophe et spécialiste de l’oeuvre de Vladimir Jankélévitch. Proche amie du philosophe et de sa famille elle se consacre depuis de nombreuses années à l’édition des œuvres et écrits posthumes de Vladimir Jankélévitch. Elle a notamment établi l’édition du premier tome des œuvres complètes chez Flammarion, La philosophie morale, qui regroupe : La Mauvaise Conscience, Du mensonge, Le Mal, L’Austérité et la vie morale, Le Pur et l’impur, L’Aventure, L’Ennui, Le Sérieux, Le Pardon. Elle est également l’auteur de nombreux articles sur Jankélévitch et a participé à l’élaboration du catalogue de la Bibliothèque nationale de France consacré à Vladimir Jankélévitch.

Archive sonore

 

Le livre de l’invitée

Albin MichelAlbin MichelAlbin Michel © Radio France – DR

Le livre de Françoise Schwab vient combler un vide. Il s’agit de la première biographie du philosophe et musicographe Vladimir Jankélévitch (1903-1985) – dont l’importance, non seulement en France, mais aussi à l’étranger, en particulier en Italie et en Allemagne, où ses prises de position contre le nazisme sont toujours au coeur des débats, ne cesse de grandir.

Françoise Schwab, qui fut une de ses proches, a publié les ouvrages posthumes de Vladimir Jankélévitch et organisé de nombreux colloques consacrés à l’actualité et à l’originalité de son oeuvre. Son essai se propose de croiser les dimensions biographiques et intellectuelles de ce penseur majeur. On découvre l’itinéraire d’un homme extraordinaire qui fut pris dans les combats de son temps, depuis l’École normale supérieure, où il fut admis avec Raymond Aron et Jean Cavaillès, à sa filiation avec Henri Bergson, mais aussi avec les penseurs russes de l’exil, comme Nicolas Berdiaev, sans oublier son combat décisif pour la Résistance pendant la guerre.

Au service de l’universalité d’une pensée vive, ravivée au creuset de son identité juive, Vladimir Jankélévitch a questionné la Grèce, le legs romain et celui de toute l’Europe. Il a été un homme dans son temps, un Socrate au milieu de la cité, que ce fût à Prague, à Lyon ou lors des événements de Mai 68, voire lors des états généraux de la philosophie à la Sorbonne en 1979.

JForum avec www.radiofrance.fr

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