Réfugiés juifs au Puy-en-Velay durant la guerre, ils vont marquer leur gratitude à la ville et ses habitants ce dimanche

Dimanche, deux plaques seront dévoilées en présence du Crif Auvergne-Rhône-Alpes et de l’Association des fils et filles de déportés, Juifs de France. Photo dr © Vincent JOLFRE
Dimanche, deux plaques seront dévoilées en ville. La première pour l’association Les Petits Bergers des Cévennes qui a sauvé des enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale. La seconde, plus inédite, est une cérémonie de « reconnaissance et gratitude » d’anciens réfugiés juifs envers Le Puy et ses habitants pour « leur bienveillance ». De quoi remettre en lumière un pan oublié de l’histoire locale.
L’histoire n’est pas toujours juste et comme l’écrivait Anatole France, il faut, sur le sujet, « se résoudre à beaucoup ignorer ». Et si Le Puy faisait justement partie de ces oubliés, passés sous les radars des livres d’histoire ? Moins de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la ville est en passe de lever le voile sur une période tombée, de manière incompréhensible, dans l’oubli.
« On doit beaucoup à cette ville, peut-être même d’être encore en vie »
Car dans l’ombre du Chambon-sur-Lignon et du plateau protestant, Le Puy et sa proche banlieue ont accueilli plusieurs centaines de Juifs, français comme étrangers, entre 1939 et 1944. Des réfugiés relativement épargnés par les rafles grâce à l’action d’habitants, héros de l’ombre, de fonctionnaires courageux et, plus surprenant, d’un responsable allemand peu concerné par la traque des Juifs… Une addition d’acteurs, dans un récit historique plus compliqué qu’il n’y paraît, faisant voler en éclat la vision manichéenne du passé, qui a sans doute plongé Le Puy dans les abîmes de l’histoire.
« On doit beaucoup à cette ville, peut-être même d’être encore en vie. Si tout n’a pas été parfait, on peut dire qu’ici, nous avons trouvé une certaine tranquillité qu’il n’y avait pas ailleurs. Tout ça grâce aux habitants ». MICHEL BLUM (ancien réfugié juif au Puy)
Lui et d’autres se battent depuis plusieurs années pour une reconnaissance de la Ville. Ce sera (en partie) chose faite ce dimanche avec l’inauguration de deux plaques en ville. La première, rue Porte Aiguière, pour rendre hommage aux Petits Bergers des Cévennes, association fondée par Alex Brolles, Juste Parmi les Nations, qui a sauvé des enfants juifs pendant la guerre. La seconde, en mairie pour la « reconnaissance et gratitude vis-à-vis des habitants de l’Administration préfectorale et de la Police du Puy pour leur bienveillance envers tous les réfugiés juifs pendant les années sombres 1940-1944 ». Cette dernière constitue l’aboutissement de longues années de démarches portées entre autres par Michel Blum, Gérard Marx et Yvan Raphaël, tous réfugiés dans le Velay durant cette période sombre.
En octobre 2019, la parution de Puy Secret II (*), magazine de L’Eveil de la Haute-Loire, a mis en lumière leur démarche et leurs témoignages. Le dossier de 12 pages a aussi permis de mesurer l’ampleur de l’accueil de ces réfugiés (document de recensement à l’appui), avec plusieurs centaines de familles partout sur le bassin ponot. Un chiffre sans doute sous-estimé puisque de nombreux faux-papiers avaient été fournis par des policiers à l’instar du commissaire Robert Brie ou du sous-brigadier Marcel Fachaux, devenu Juste parmi les nations à titre posthume.
Le témoignage poignant de Michel Blum, réfugié juif au Puy-en-Velay durant la Seconde Guerre mondiale
Le rôle du major Schmähling
« Beaucoup de familles ont trouvé refuge au Puy car elles savaient qu’elles seraient tranquilles, c’était un peu le bouche-à-oreille, expliquait Yvan Raphäel dans Puy Secret en 2019. À l’école ou au lycée, dans chaque classe, nous étions quatre ou cinq réfugiés juifs. Je dois dire que je n’ai jamais ressenti d’antisémitisme. » À Chadrac, à cette époque, le quartier de la Renaissance était surnommé « la petite synagogue ».
Les réfugiés juifs recensés ont été très nombreux.
Ces nombreux réfugiés, relativement épargnés, doivent leur salut aux habitants mais aussi aux autorités, avec de nombreux policiers et agents de la préfecture, qui ont désobéi où joué un double jeu à l’instar du préfet Bach.
Sujet à controverse, le rôle du major Julius Schmähling constitue sans doute l’une des clés de ce que certains n’hésitent pas à définir comme « le miracle ponot ». L’étonnante passivité du personnage central de l’occupant en place en Haute-Loire a été mise en évidence dès 1989 par le réalisateur Pierre Sauvage dans Les Armes de l’esprit. et confirmé par Serge Klarsfeld dans son livre Mémoires.
Intraitable avec les Résistants, Schmähling, arrivé en Haute-Loire en novembre 1942, est critiqué au sein même de la Kommandantur pour son « inaction » envers les Juifs. Sur le plateau portestant comme au Puy… Le fils du rabbin Poliatschek, qui officiait à la synagogue du Puy, écrit en 1992 en soutien à Pierre Sauvage :
Je suis d’autant plus heureux de donner mon témoignage en faveur du commandant de la place du Puy Julius Schmäling que mon père et moi-même lui devons sans doute le fait de ne pas avoir été “inquiétés” pendant toute l’occupation allemande, de novembre 1942 à août 1944. Ceci sera confirmé par tous les Juifs, français ou étrangers, ayant résidé en Haute-Loire et en particulier au Puy.
« Schmähling ne pouvait pas ne pas savoir, il a fermé les yeux », rajoute Michel Blum dont la famille alsacienne avait trouvé refuge au Puy. Pour lui, cette cérémonie, dimanche, est un premier pas vers une reconnaissance qu’il aimerait voir s’accompagner dans les prochains mois d’un colloque d’historiens pour faire toute la lumière sur cette période.
Victime d’un petit incident de santé cette semaine, Michel Blum ne sera finalement pas là dimanche. Une absence dommageable tant ce dernier s’est investi ces dernières années, multipliant les démarches et les interventions comme en 2020 à l’occasion de la Saint-Charlemagne devant les anciens du lycée Charles-et-Adrien-Dupuy.
Au-delà du symbole de la plaque, la mobilisation de ces anciens réfugiés, derniers témoins où presque de cette époque, constitue sans aucun doute la plus belle preuve de gratitude envers Le Puy et ses habitants.
Christophe Darne www.leveil.fr/
La famille Blum a vécu au Puy durant la guerre. Photo dr
(*) Le Puy Secret II, hors-série du journal L’Éveil. Sorti en 2019 avec un dossier de douze pages réalisé par Christophe Darne, Comment Le Puy a protégé « ses” réfugiés juifs. En vente au prix de 7,50 euros, disponible à l’accueil du journal (9, place Michelet).
Publié le 03/11/2022 à 20h14
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On peut lire, sur le Web,
« Le mythe du commandant SS protecteur des Juifs
Dans Le Monde Juif 1988/2 (N° 130), pages 61 à 69 ».
Je n’arrive pas a me faire une opinion. Le sujet me parait important: une conviction dans le sens emis par le present article renforcerait notre foi en la possibilite, pour certains, de rester des hommes meme dans les conditions les plus inhumaines.