Sauvé d’un camp de la mort, le livre d’un père pour son fils en librairie

Pour Tommy, pour son troisième anniversaire à Theresienstadt, le 22 janvier 1944 a été réalisé par le graphiste et artiste juif tchécoslovaque Bedrich Fritta pour son fils, qui avait également été déporté avec son père.

Pour Tommy, pour son troisième anniversaire à Theresienstadt, le 22 janvier 1944 a été réalisé par le graphiste et artiste juif tchécoslovaque Bedrich Fritta pour son fils, qui avait également été déporté avec son père. John MACDOUGALL / AFP

 

Après les éditions en néerlandais en 1980, puis en allemand, tchèque, anglais et hébreu, les éditions du Rocher font paraître la traduction française de Pour Tommy, 22 janvier 1944, mercredi.

Pour Tommy, pour son troisième anniversaire à Theresienstadt, le 22 janvier 1944, a été traduit en français. Ce livre pour enfants signé de la main du dessinateur tchécoslovaque et juif, Bedrich Fritta, d’abord publié dans les années 1980 en néerlandais puis en allemand, en anglais, en tchèque et en hébraïque est sorti en France le 18 janvier. Dans cet ouvrage il raconte le quotidien du ghetto et camp de concentration de Theresienstadt. L’original de Pour Tommy, 22 janvier 1944 (Tomíckovi en tchèque) avait été montré en 2013 lors d’une exposition au Musée juif de Berlin.

Dans les années 1980, le livre est découvert par l’auteure jeunesse néerlandaise Mies Bouhuys et est présenté au grand public. Aujourd’hui, alors qu’il travailla sur la musique issue des camps de la mort, le compositeur et musicien Hélios Azoulay est saisi par cet ouvrage dessiné. «De la musique au dessin il n’y avait qu’un pas à franchir. Quand je suis tombé sur cette histoire, j’ai trouvé ça aussi précieux que les comptines chantées dans ces camps», explique-t-il. Fasciné par l’ouvrage, il décide de le faire publier en français.

Comme Mies Bouhuys avant lui, il retrace dans une longue postface le destin tragique de Bedrich Fritta, détenu à Theresienstadt avec sa femme Johanna (dite Hensi) et leur fils Tomás (dit Tommy). Natif d’un village de Bohême, Visnova, formé à Paris, Fritta est dessinateur à Prague, pour le très sérieux Prager Tagblatt et le magazine satirique antifasciste Simplicus, quand l’Allemagne nazie envahit la Tchécoslovaquie. En novembre 1941, il est arrêté en tant que Juif et déporté à Terezin, ville fortifiée que les SS transforment en ghetto.

Officiellement il s’agit de travailler, comme dessinateur, à la construction d’un camp de transit. De fait, Theresienstadt est un camp de concentration, où passeront entre autres le poète Robert Desnos, la cinéaste Marceline Loridan-Ivens, ou une sœur de Franz Kafka, Ottla. Les dessins à Tommy, conçus clandestinement entre deux séances de dessin technique, sont la face lumineuse de l’œuvre de déporté de Bedrich Fritta. Ils débordent de couleur et d’humour, mettant en scène un petit garçon pas très sage.

Enterrés dans une ferme

«Si le livre était destiné à ce fameux Tommy, alors tous les enfants peuvent le lire aujourd’hui. Mais l’histoire de son auteur est de celles qu’on ne raconte pas aux plus petits», explique Hélios Azoulay. La face sombre des dessins de Bedrich Fritta est faite de croquis de la vie dans le ghetto, que la promiscuité et les pénuries rendent terrible. Quand les SS découvrent ces dessins en noir et blanc, en juillet 1944, cinq dessinateurs sont torturés puis envoyés vers le camp d’Auschwitz, en Pologne.

Cette arrestation est connue sous le nom d’«affaire des peintres». Bedrich Fritta meurt en novembre 1944. L’un de ses compagnons, Leo Haas, non seulement survivra, mais élèvera Tommy Fritta, après être allé retrouver dans Terezin libérée par l’Armée rouge les dessins destinés au petit garçon. Ils étaient cachés dans une caisse en métal enterrée dans la cour d’une ferme.

Tommy Fritta est mort à 74 ans, en 2015. Et ses quatre enfants viennent de léguer «Tomíckovi» au Musée juif de Berlin. «C’est une pièce que la directrice du musée n’attendait pas. Je me trouvais à Berlin et j’y ai été convié avec David, l’un des fils de Tommy, à l’occasion de cette publication en français. C’était très émouvant», raconte Hélios Azoulay.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires