Salman Rushdie poignardé : un journal iranien dénonce un complot des États-Unis.
Après l’attaque de Salman Rushdie, un journal iranien insinue ce dimanche 14 août que l’attaque est un complot des États-Unis pour propager l’islamophobie. La presse conservatrice s’était déjà félicitée de l’attaque.
La violente attaque contre Salman Rushdie est un complot des États-Unis qui « veulent probablement propager l’islamophobie dans le monde », affirme ce dimanche 14 août un journal iranien, alors qu’il n’y a eu jusqu’ici aucune réaction officielle de la République islamique.
L’auteur jugé blasphématoire.
Menacé de mort depuis une « fatwa » de l’Iran de 1989, un an après la publication des Versets sataniques, l’écrivain britannique naturalisé américain a été poignardé une dizaine de fois vendredi dans l’État de New York (nord-est des États-Unis), une attaque qui indigne en Occident mais qui est saluée par des extrémistes en Iran et au Pakistan.
« Peut-être qu’un jeune musulman, qui n’était pas né lorsque Salman Rushdie a écrit son livre satanique, a voulu se venger de lui », avance ce dimanche le quotidien ultraconservateur Javan. L’assaillant Hadi Matar, un Américain d’origine libanaise âgé de 24 ans, est né plusieurs années après la publication des Versets sataniques. Ce roman satirique est considéré par les musulmans les plus rigoristes comme blasphématoire à l’égard du Coran et du prophète Mahomet.
La volonté de « propager l’islamophobie »
Le journal Javan évoque aussi l’hypothèse d’un complot ourdi par les Américains : « Un autre scénario, c’est que les États-Unis veulent probablement propager l’islamophobie dans le monde », ajoute Javan.
Pour le quotidien Kayhan, « l’attaque contre Salman Rushdie a montré la faiblesse du renseignement des États-Unis et démontré que même des mesures de sécurité strictes ne peuvent empêcher des attentats ».
« Se venger de criminels sur le sol américain n’est pas difficile »
« L’agression contre Salman Rushdie prouve aussi que se venger de criminels sur le sol américain n’est pas difficile. Désormais, [l’ex-président Donald] Trump et [l’ex-secrétaire d’État Mike] Pompeo se sentiront plus menacés », ajoute Kayhan.
Le journal brandit une menace contre ces deux anciens responsables, qui sont « les principaux auteurs de l’assassinat du général Qassem Soleimani », éliminé lors d’un raid américain en Irak en 2020. Il était le chef des forces Qods, branche des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, armée idéologique de l’Iran.
Pas de déclaration des autorités
Les autorités iraniennes n’ont jusqu’ici pas réagi à la tentative de meurtre de l’écrivain âgé de 75 ans, toujours hospitalisé dans un état grave.
L’assaillant de Salman Rushdie plaide non coupable
Hadi Matar, l’homme suspecté d’avoir poignardé l’écrivain, a plaidé non coupable lorsqu’il a été présenté samedi 13 août devant un tribunal.

L’homme accusé de l’attaque au couteau perpétré tout juste avant le début d’une conférence dans l’État de New York a plaidé non coupable de tentative de meurtre et d’agression dans ce qu’un procureur a qualifié de crime « planifié ». L’assaillant de Salman Rushdie, un jeune Américain d’origine libanaise, a été présenté à un juge de l’État de New York pour « tentative de meurtre » de l’écrivain, toujours hospitalisé dans un état grave, mais qui a pu dire quelques mots samedi soir.
Menacé de mort depuis une fatwa de l’Iran de 1989, un an après la publication des Versets sataniques, Salman Rushdie a été poignardé une dizaine de fois vendredi, une attaque qui indigne en Occident, mais qui est saluée par des extrémistes en Iran et au Pakistan. Lors d’une audience de procédure au tribunal de Chautauqua, Hadi Matar, 24 ans, poursuivi pour « tentative de meurtre et agression », a comparu en tenue rayée noire et blanche de détenu, menotté et masqué, et n’a pas dit un mot, d’après le New York Times (NYT) et des photos de la presse locale.
Attaque préméditée.
Les procureurs ont estimé que l’attaque de vendredi dans un centre culturel de Chautauqua, où Salman Rushdie allait donner une conférence, était préméditée. À 75 ans, l’intellectuel a été poignardé au moins à dix reprises au cou et à l’abdomen. Le suspect, qui vit dans le New Jersey, a plaidé non coupable par la voix de son avocat et comparaîtra une nouvelle fois le 19 août. Samedi, les autorités et les proches de Salman Rushdie ont gardé le silence sur l’état de santé du Britannique naturalisé américain. Il a été hospitalisé vendredi sous assistance respiratoire à Érié, en Pennsylvanie, au bord du lac qui sépare les États-Unis du Canada.
Toutefois, son agent Andrew Wylie, alarmiste vendredi soir auprès du New York Times, « Salman va probablement perdre un œil, les nerfs de son bras ont été sectionnés et il a été poignardé au foie », a simplement confié au NYT que son client a recommencé à parler samedi soir, sans dire s’il restait ou non sous assistance respiratoire. L’attentat provoque une onde de choc, surtout dans les pays occidentaux : le président américain Joe Biden a condamné « une attaque brutale » et rendu hommage à Salman Rushdie pour son « refus d’être intimidé et réduit au silence ».
Vie normale à New York
Vivant à New York depuis 20 ans, Salman Rushdie avait repris une vie à peu près normale tout en continuant de défendre, dans ses livres, la satire et l’irrévérence. Coïncidence, le magazine allemand Stern l’a interviewé quelques jours avant l’attaque : « Depuis que je vis aux États-Unis, je n’ai plus de problème. […] Ma vie est de nouveau normale », assure l’écrivain, dans cet entretien à paraître in extenso le 18 août, en se disant « optimiste », malgré « les menaces de mort quotidiennes ». La fatwa de l’Iran n’a de fait jamais été levée et beaucoup de ses traducteurs ont été blessés par des attaques, voire tués, comme le Japonais Hitoshi Igarashi, poignardé à mort en 1991.
Aux États-Unis, le géant Amazon a fait état d’une hausse des commandes pour Les Versets sataniques et la librairie new-yorkaise Strand Bookstore a indiqué à l’AFP que « des gens venaient voir ce qu’il a écrit et savoir ce qu’on avait » en stock. « Son combat est le nôtre, universel », avait lancé, vendredi, le président Emmanuel Macron, tandis que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’était déclaré « horrifié ». Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a dénoncé samedi une « attaque lâche » et un « affront à la liberté d’expression ». « Rien ne justifie une fatwa, une condamnation à mort », s’est indigné Charlie Hebdo, journal satirique français décimé par un attentat islamiste en janvier 2015.
L’attaque saluée en Iran et au Pakistan
Dans le sud du Liban, Ali Qassem Tahfa, le chef du village de Yaroun, a indiqué à l’AFP que Hadi Matar était « d’origine libanaise ». Le jeune homme « est né et a grandi aux États-Unis. Sa mère et son père sont de Yaroun », a-t-il assuré sans commenter l’attaque. Mais en Iran, le quotidien ultraconservateur Kayhan a félicité l’assaillant : « Bravo à cet homme courageux et conscient de son devoir qui a attaqué l’apostat et le vicieux Salman Rushdie », écrit le journal. « Baisons la main de celui qui a déchiré le cou de l’ennemi de Dieu avec un couteau. » Et au marché aux livres de Téhéran, Mehrab Bigdeli, un religieux chiite, s’est dit « très heureux d’apprendre la nouvelle. Quel que soit l’auteur, je lui baise la main. […] Que Dieu maudisse Salman Rushdie. »
Au Pakistan voisin, le parti Tehreek-e-Labbaik Pakistan, réputé pour sa violence contre ce qu’il appelle du blasphème antimusulman, a jugé aussi que Rushdie « méritait d’être tué ». Salman Rushdie, né en 1947 en Inde dans une famille d’intellectuels musulmans non pratiquants, avait embrasé une partie du monde islamique avec la publication des Versets sataniques, conduisant l’ayatollah iranien Rouhollah Khomeiny à émettre la fatwa réclamant son assassinat. L’auteur d’une quinzaine de romans, récits pour la jeunesse, nouvelles et essais écrits en anglais avait été contraint de vivre dans la clandestinité et sous protection policière, allant de cachette en cachette.
Sud Ouest – Le Point.fr
![]() |
![]() |