Le djihadiste Salim Benghalem, absent omniprésent

Le djhadiste français Salim Benghalem, en Syrie, en février 2015 . Capture d'ecran d'une vidéo de propagande diffusée par l'Etat islamique.

Salim Benghalem est aussi incontournable qu’introuvable. Désigné par les services de renseignement français comme « le responsable de l’accueil des Français et des francophones » en Syrie, le djihadiste fait toujours l’objet d’un mandat d’arrêt international. C’est donc en son absence que se déroule, du mardi 1er au lundi 7 décembre, au tribunal correctionnel de Paris, le procès d’une filière d’acheminement de djihadistes implantée dans de Val-de-Marne, dont il apparaît pourtant comme l’élément central.

Les faits remontent à 2013 et impliquent aussi six autres prévenus. Tous sont également mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme » ; sont déjà placés entre-temps en détention provisoire dans des prisons d’Ile-de –France ; et surtout, tous sont en lien avec Salim Benghalem, l’homme le plus impliqué de la filière, selon l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Né à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), Salim Benghalem, 35 ans, a grandi à Cachan (Val-de-Marne). Il s’établit en Syrie dès mars 2013. Le Francilien dit à son entourage avoir combattu d’abord aux côtés du Front Al-Nosra, un groupe affilié à Al-Qaida, puis avoir rejoint l’organisation Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Il est l’un des geôliers présumés de quatre journalistes français retenus en otage pendant dix mois puis libérés en avril 2014.

Lire aussi : Syrie : Salim Benghalem, la cible des frappes françaises à Rakka

Carte prépayée

Des écoutes téléphoniques précisent son rôle durant les premiers mois. Depuis la Syrie, Salim Benghalem et Abdelmalek T. entretiennent à l’époque à tour de rôle un contact régulier avec Younes C., le seul des sept prévenus resté en France. Celui-ci utilise alors une carte prépayée ouverte au nom de « Jean Cœurdelion ».

Le 21 avril 2013, Abdelmalek T. lui transmet ainsi un message important : la femme de Salim Benghalem doit venir au plus vite en Syrie, car celui-ci figure désormais sur la liste des candidats prêts à devenirmartyr. Le lendemain, nouvel échange. Cette fois, Abdelmalek T. raconte que Salim Benghalem a prévu de couper la main à un voleur pour empêcher toute récidive.

Il arrive parfois que Salim Benghalem soit directement au bout du téléphone. Le 8 juin 2013, le meneur indique que deux jeunes Français, Karim H. et Mehdi I., l’ont bien rejoint au Proche-Orient. Plusieurs deses appels s’accompagnent d’une requête précise : il y est question de son « besoin d’argent », tantôt pour acheter « deux voitures » en Syrie, tantôt pour acquérir un « Macbook ». Salim Benghalem recommande même à Younes C. de réclamer de l’argent à Karim H. lorsque celui-ci revient en France plus tôt que prévu, à peine deux semaines après son arrivée.

« Opportunité de dingue »

Les autres prévenus partis en Syrie y restent deux mois tout au plus. Le 7 juillet 2013, Salim Benghalem reproche à Mehdi I. d’avoir « raté une opportunité de dingue ». Manifestement moins motivé, ce dernier est rentré en France au bout de seulement trois semaines, alors qu’il faisait partie des rares hommes à avoir été sélectionnés pour commettre des attentats.

Deux jours plus tard, Salim Benghalem annonce au téléphone une nouvelle défection à venir. Il rapporte les propos tenus par un apprenti djihadiste, le « Chinois », surnom supposé de Karl D. : « Si je reste là, je vais m’énerver contre les frères, j’aime pas le manque d’hygiène, j’aime pas le fait qu’on est je sais pas combien dans la chambre… »

A la différence de ces prévenus indécis, la surveillance téléphonique dont a fait l’objet Salim Benghalem accrédite l’idée qu’il a participé activement à des combats. « Abou Mohamed » (son nom de combattant) aurait même été blessé par balles à la jambe. C’est sa compagne, Kahina H., qui l’affirme dans un interrogatoire.

« Les tueries en série étaient préconisées »

Par peur des bombardements, la mère de ses deux enfants n’est restée que trois mois en Syrie. Auditionnée à son retour, en janvier 2014, Kahina H. a assuré aux enquêteurs que l’ancien délinquant de Cachan faisait partie de la police islamique et qu’il n’avait pas l’intention de revenir en France : « S’il rentrait, ce serait pour faire un attentat, un maximum de dégâts. » Le mode opératoire ? Salim Benghalem lui aurait expliqué que « les attentats à la bombe n’étaient plus trop d’actualité » et que « c’étaient les tueries en série qui étaient préconisées ».

Condamné à onze ans de réclusion, en 2007, pour une affaire de meurtre, Salim Benghalem s’est radicalisé à la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne). Sa femme confirme aussi un court séjour d’entraînement militaire en 2011 avec Al-Qaida au Yémen, où on le soupçonne d’avoir côtoyé un certain Chérif Kouachi, l’un des auteurs des attentats de janvier.

Dans une vidéo diffusée le 12 février depuis la Syrie, Salim Benghalem invitera d’ailleurs d’autres « loups solitaires » à passer à l’acte en France et à imiter l’attaque perpétrée au siège de Charlie Hebdo. Depuis, difficile de retrouver trace du propagandiste. A plus forte raison depuis la nuit du 8 au 9 octobre, date des bombardements français sur Raqqa (Syrie), son principal camp de base.

LE MONDE | • Mis à jour le | Par


Source :  lemonde.fr

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