Réactions russes au Brexit

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Le 23 juin 2016, la Grande-Bretagne a voté dans un référendum la sortie de l’Union européenne. Avant le vote, le Premier ministre britannique David Cameron avait déclaré que l’Etat islamique et le président russe Vladimir Poutine « pourraient se féliciter » du Brexit. Ce commentaire évoquait de vieilles rivalités entre la Russie et la Grande-Bretagne. Au XIXe siècle, les empires britannique et russe se sont opposés dans une lutte d’influence en l’Asie centrale, dans ce qui est plus connu sous le nom de « Grand Jeu ». Les deux puissances y recherchaient une hégémonie politique et territoriale pour étendre leur sphère d’influence. Aujourd’hui, une nouvelle forme d’hostilité a vu le jour. A l’intérieur de l’UE, c’est le Royaume-Uni qui a le plus agressivement incité à imposer des sanctions à la Russie, suite à son annexion de la Crimée en 2014.

Le 21 juin, seulement 48 heures avant le référendum du Brexit, le Comité des représentants permanents de l’UE (COREPER) s’est réuni et a convenu de prolonger les sanctions contre la Russie jusqu’au 31 janvier 2017. La décision doit être formellement approuvée par les ministres des Affaires étrangères du bloc. Toutefois, la position britannique sur les sanctions est claire. Le 21 juin, le ministre britannique des Affaires étrangères Philip Hammond a déclaré : « Les Russes jouent un jeu. Honnêtement, c’est un jeu consistant à diviser pour mieux régner. En visant ceux qui sont naturellement enclins à parler d’un assouplissement des sanctions : en exerçant des pressions sur eux, en les amadouant… Tout signe de révision sera perçu comme un signe de faiblesse. »

Les réactions russes au Brexit ne sont pas monolithiques. La Russie officielle du président Vladimir Poutine a tenté d’afficher une stricte neutralité. Les commentaires et analyses non officiels se sont focalisés sur l’impact du Brexit dans plusieurs domaines, y compris les sanctions, l’économie russe et les relations UE-États-Unis. La plupart des commentateurs ont considéré la crise migratoire comme la principale raison du vote britannique.

Lire le rapport intégral en anglais

memri.fr


Le Brexit, bonne nouvelle pour la Russie et grosse migraine pour l’Otan

En sortant de l’Union européenne, le Royaume-Uni fragilise son rôle de meilleur allié de l’Amérique en Europe et laisse un continent plus divisé et plus dissipé –tout ce qu’adore Poutine.

Depuis des années, le Kremlin cherche à fissurer l’Otan et l’Union européenne, sans grand succès. Avec le résultat du référendum britannique et Londres qui perd de fait de son influence au sein de l’UE, le désir de Poutine de voir l’Europe plus divisée et potentiellement plus préoccupée par ses propres désaccords que par le reste du monde devient réalité. «La vodka coule à flot au Kremlin ces jours-ci», déclare Derek Chollet, ancien conseiller principal du Département américain de la défense.

«Le plus déprimant, c’est que l’erreur est parfaitement spontanée, ajoute Derek Chollet, qui travaille désormais au German Marshall Fund of the United States. Poutine a tout fait pour diviser l’Occident, mais sans y parvenir. [Le Brexit] l’avantage, sans qu’il n’ait rien eu à faire.»

Du côté des politiques russes, on célèbre en effet le résultat du référendum, en espérant qu’il minera la détermination du continent à faire appliquer les sanctions décidées contre la Russie pour son intervention militaire en Ukraine. «Sans la Grande-Bretagne, il n’y aura plus personne en UE pour défendre les sanctions à notre encontre avec autant de zèle», confirme sur Twitter Sergueï Sobianine, le maire de Moscou.

Le 25 juin, Andrei Klimov, président adjoint de la commission des Affaires étrangères de la chambre haute du parlement russe, déclarait au New York Times qu’il ne pensait «pas que l’Union européenne allait avoir désormais le temps de penser à l’Ukraine ou aux sanctions». Michael McFaul, ancien ambassadeur des États-Unis en Russie, est du même avis. Au lendemain du référendum, il tweetait: «Poutine profite d’une Europe affaiblie. Le vote du Royaume-Uni affaiblit l’Europe, c’est aussi simple que cela.»

Statut altéré

Selon des défenseurs du Brexit, la Grande-Bretagne va pouvoir au contraire se réaffirmer sur la scène internationale sans être ralentie par la bureaucratie de l’Union européenne ou par les fonds qu’elle devait chaque année consacrer à Bruxelles. Mais des analystes et des anciens responsables politiques américains estiment que la Grande-Bretagne sortira de l’UE plus affaiblie et plus isolée.

L’importance de la Grande-Bretagne dans l’Otan est en partie liée à sa capacité d’influer sur les politiques sécuritaires de l’Europe et de convaincre d’autres membres de l’UE de soutenir Washington

Le référendum britannique a eu lieu deux semaines avant l’ouverture d’un sommet majeur de l’Otan à Varsovie, en Pologne, censé recentrer l’attention de l’alliance sur la menace croissante que représente la Russie. Mais le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne –et le spectre d’une unité vacillante à travers le continent– planera au-dessus du sommet. Depuis jeudi 23 juin, les dirigeants de l’Otan font d’ailleurs tout leur possible pour calmer les esprits au sein de l’alliance.

Vendredi 24 juin, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, publiait un communiquéprécisant que le résultat du référendum n’allait pas altérer le statut de la Grande-Bretagne au sein de l’alliance. À l’heure où Londres «définit le nouveau chapitre de ses relations avec l’UE, sa position à l’Otan restera inchangée», écrit Stoltenberg.

En tant qu’allié stratégique des États-Unis, l’importance de la Grande-Bretagne –puissance capable de «boxer en dehors de sa catégorie»– est en partie liée à sa capacité d’influer sur les politiques sécuritaires de l’Europe et de convaincre d’autres membres de l’UE de soutenir Washington en suivant une ligne plus dure, que ce soit au sujet de la guerre en Afghanistan ou de la résistance à opposer à la Russie. Selon des experts, ce statut sera entamé par la décision de l’électorat britannique de sortir de l’UE.

Victimes du Brexit

Le référendum pourrait avoir d’autres effets insidieux, en rognant par exemple sur l’arsenal nucléaire de la Grande-Bretagne et en modifiant le paysage nucléaire stratégique européen. En Écosse, une large majorité d’électeurs se sont opposés à la sortie de l’UE et les dirigeants ont déclaré vouloir organiser un nouveau référendum pour décider si le territoire devait se séparer ou non du Royaume-Uni. Si l’Écosse se fait la malle, la Grande-Bretagne fera face à un nouveau problème aux conséquences des plus graves pour la sécurité européenne: elle n’aura plus d’endroit où amarrer ses sous-marins nucléaires.

Depuis les années 1960, la Royal Navy stationne ses quatre Vanguard dans la base navale de Faslane, en Écosse. Au Royaume-Uni, aucune autre infrastructure portuaire n’est capable d’accueillir ces vaisseaux. Avec l’indépendance de l’Écosse, l’Angleterre (avec le Pays de Galles et l’Irlande du Nord) devra faire un choix cornélien: abandonner tout simplement cet arsenal, ou passer a minima une décennie –et dépenser des millions de livres– pour construire une nouvelle base. Et si Londres perd son arsenal nucléaire sous-marin, alors les États-Unis seront tout simplement obligés de revoir entièrement leur propre stratégie nucléaire.

Les projets ambitieux de Londres visant à augmenter ses dépenses militaires d’ici dix ans, après des années de coupes franches, pourraient être une autre victime du Brexit. Si les prévisions extérieures se révèlent exactes, l’économique britannique pourrait perdre jusqu’à 6%, ce qui siphonnerait des fonds autrement alloués à la défense, dont le budget est en repli significatif depuis plusieurs années. En 2010 et 2015, les dépenses militairesont baissé de 8% au Royaume-Uni, avec un effectif réduit de 31.000 têtes, entre autres compressions budgétaires majeures.

«Le Royaume-Uni aura été l’un des partenaires les plus importants [des États-Unis]. Il sera moins enclin à jouer ce rôle, a déclaré lors d’une téléconférence de presse l’ancien diplomate américain Richard Haass, président du Council on Foreign Relations. En fin de compte, cette relation spéciale va perdre de sa spécificité.»

Allié écorné

Le statut de la Grande-Bretagne, allié zélé et essentiel de Washington, avait déjà commencé à s’écorner bien avant le référendum. En 2014, la Grande-Bretagne retirait ses troupes de combat d’Afghanistan et en août 2013, le Parlement britannique s’opposait à des frappes menées par les États-Unis contre le régime syrien. Une évolution en miroir de celle de la France –considérée pendant des décennies comme un partenaire conservatoire de Washington–, qui aura récemment endossé un rôle plus musclé et fait montre d’une volonté bien plus farouche à déployer ses troupes au côté des américaines ou à mener ses propres missions de contre-terrorisme en Afrique, dans la région du Sahel. «En matière de crises politiques urgentes, la France est devenu un partenaire plus actif, plus engagé», résume Derek Chollet.

La voix de Londres est-elle nécessaire pour garantir la stabilité de l’équilibre des pouvoirs en Occident?

Pour autant, Londres ne s’est pas totalement évaporée. Les avions de chasse britanniques survolent quotidiennement l’Irak et le gouvernement s’est engagé à entretenir l’un des quatre bataillons de l’Otan qui stationneront dans la Baltique d’ici un an. Les analystes estiment que la Grande-Bretagne honorera ses engagements, mais des questions demeurent sur le type de déploiements étrangers qu’un gouvernement britannique recentré sur lui-même sera susceptible de décider à l’avenir.

Aujourd’hui, les dirigeants britanniques et européens s’attaquent à une lourde tâche : réfléchir aux modalités précises du désengagement de la Grande-Bretagne, un boulot fastidieux qui prendra sans doute le pas sur d’autres priorités, estiment des experts. Quelques mois avant le référendum, le maréchal Lord Bramall, ancien commandant de l’armée britannique, avait publié une lettre ouverte favorable au maintien de son pays dans l’UE, où il écrivait que la voix de Londres était nécessaire pour garantir la stabilité de l’équilibre des pouvoirs en Occident. Selon lui, «une Europe brisée et démoralisée de l’autre côté de la Manche, privée d’influence pratique sur ce pays, constituera une menace bien plus conséquente pour notre avenir, et de fait pour tout l’équilibre et la stabilité du monde occidental, que de devoir continuer à supporter l’ingérence inutile et irritante de Bruxelles».

L’absence de la Grande-Bretagne se fera cruellement sentir dans l’émergente force militaire européenne, conçue pour combler les lacunes des missions en Afrique ou en Europe de l’Est, où l’Otan élargie n’a pas de présence. Si le Royaume-Uni ne joue qu’un rôle limité dans ce programme, Bruxelles a «toujours [prévu] que la Grande-Bretagne devienne un contributeur de premier plan», déclare Christopher Chivvis, chercheur à laRand Corporation. Sans l’appui du Royaume-Uni, ce projet «n’est pour ainsi dire plus possible».

slate.fr

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