Décès du rabbin Uri Zohar Za’l, qui fut un des cinéastes les plus importants en Israël.

Uri Zohar a signé plusieurs films emblématiques avant de se rapprocher de la religion dans les années 70. Le rabbin Uri Zohar, qui fut l’un des cinéastes israéliens les plus importants du pays est décédé jeudi à l’âge de 86 ans.  Uri Zohar, comédien, acteur et réalisateur à succès, a signé un certain nombre de films emblématiques, la plupart aux côtés du chanteur décédé Arik Einstein, dont il était proche.
À la fin des années 1970, il s’était rapproché de la religion, avant de devenir rabbin et d’être considéré comme une des personnalités les plus importantes de la communauté ultraorthodoxe. « La mort du rabbin Uri Zohar est une grande tristesse », a déclaré le ministre de la Culture et des Sports, Hili Troper.
« Le rabbin Uri Zohar était l’un des plus grands artistes d’Israël et une pierre angulaire de la culture israélienne. Au fil des ans, Zohar a été l’un des concepteurs du cinéma israélien et ses films sont entrés dans chaque foyer. Il avait un esprit, un humour et une créativité exceptionnels, et ses créations et son héritage resteront avec nous », a ajouté le ministre.
Uri Zohar a commencé sa carrière d’acteur dans les années 1950 et 1960, développant un style et un humour uniques, avant de réaliser son premier long métrage « Un trou dans la lune », sélectionné à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes en 1964, et qui a marqué un tournant dans le cinéma israélien.
Vers la fin des années 1960, Zohar a fondé et dirigé le groupe « Lol » de Tel Aviv, avec ses amis Arik Einstein et Zvi Shissel, décédés ces dernières années. Avec son groupe, Zohar a réalisé des sketches pour la télévision et de nombreux longs métrages.
Les films de Zohar sont devenus, en partie, des films cultes israéliens, à l’instar de « Metzitzim » ou « Eynaim Gdolot », à la fois en raison de leur caractère comique, mais aussi parce qu’ils ont fortement reflété les problématiques de la seconde génération du sionisme.
Mais à la fin des années 1970, Uri Zohar a délaissé le cinéma pour se rapprocher de la religion et a commencé à étudier dans les yeshivas ultra-orthodoxes. En 1976, il devait recevoir le Prix Israël, une première alors pour un cinéaste, mais Uri Zohar avait refusé cette prestigieuse distinction.

Uri Zohar : le Truffaut israelien qui a abandonné le cinéma pour la religion.

Le réalisateur phare de la “nouvelle sensibilité”, pendant israélien de la Nouvelle Vague, est passé de la caméra à l’étude du Talmud. Retour sur le parcours de ce héros culturel méconnu, alors que trois de ses films ressortent en salle.
Icône de la bohème de Tel-Aviv et de la culture israélienne laïque dans les années 1960 et 1970, l’acteur-réalisateur Uri Zohar a renié son passé hédoniste pour devenir rabbin ultraorthodoxe. Pour tenter de comprendre le rôle et la personnalité de ce cinéaste majeur et méconnu, nous avons demandé de l’aide à l’historien et critique Ariel Schweitzer.

Qui était Uri Zohar ?

Pour moi, le plus grand cinéaste israélien. Il était connu en France dès les années 60 pour son premier film de fiction, Un trou dans la lune (1964), remarqué à la Semaine de la critique, à Cannes. Son deuxième film, Trois Jours et un enfant, a même obtenu le prix d’interprétation masculine pour la performance d’Oded Kotler au festival de Cannes 1967. Il a été oublié car il a abandonné le cinéma en 1978 pour devenir religieux. Mais il reste un personnage extrêmement célèbre en Israël, un héros culturel. Des cinéastes de la jeune génération, Nadav Lapid, Keren Yedaya ou Tom Shoval le considèrent comme une source d’inspiration.

Quel était son style ?

Il est le chef de file d’un mouvement qu’on appelle en Israël la « nouvelle sensibilité », par allusion à la nouvelle vague française, qui décrit de façon très moderne la société israélienne contemporaine. Un trou dans la lune est une parodie du cinéma sioniste, une oeuvre d’une grande radicalité formelle, en rupture avec le cinéma officiel des années 40 et 50, porte-parole des institutions. Uri Zohar a réussi à réaliser onze films en douze ans de carrière. Il a su alterner les comédies populaires commerciales avec des projets personnels, dont Trois Jours et un enfant, un film très proche du cinéma d’Alain Resnais, basé sur un mode de narration à temporalité multiple, autour de la crise existentielle du personnage principal. A ce titre, il est vraiment représentatif de la nouvelle sensibilité, qui tourne le dos aux valeurs collectives pour se focaliser sur l’individu.

“Le malaise existentiel des personnages renvoie au propre malaise d’Uri Zohar, et plus globalement à la crise de toute une génération”

Comment se manifeste chez lui le glissement vers la religion ?

Dans les années 70, il opère une sorte de synthèse entre cinéma d’auteur et cinéma populaire. Il réalise trois films qu’on appelle la « Trilogie de la plage », car ils se déroulent à Tel-Aviv et qu’Uri Zohar interprète dans deux d’entre eux un maître nageur. Ce sont des comédies inspirées à la fois par la nouvelle vague et par la comédie italienne. Mais il y intègre des préoccupations personnelles qui en font un peu des autobiographies. Les héros sont des hommes quadragénaires, mariés avec des enfants, qui n’assument pas leur rôle d’adulte et leurs responsabilités familiales, et qui passent leur temps à draguer les filles au bord de la mer. Le malaise existentiel des personnages renvoie au propre malaise d’Uri Zohar, et plus globalement à la crise de toute une génération qualifiée de post-sioniste, née après celle des pionniers, qui n’arrive pas à adhérer aux valeurs sionistes et évolue dans un vide idéologique total. La grande question posée par le cinéma d’Uri Zohar est celle des limites. Sa passion pour le cinéma et sa libido envahissante l’ont plongé dans une autodestruction dont il a réussi à sortir grâce à la religion. Incapable de se poser des limites lui-même, il a été obligé de se trouver une autorité extérieure.

 

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