Dona Gracia Nassi : Une héroïne Juive au 16ème siècle

Lors de l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 , ceux qui choisirent de se réfugier au Portugal, pensaient trouver un répit, mais en 1497, ce pays choisit à son tour d’obliger tous les Juifs à se convertir sans possibilité de s’exiler à nouveau.

Et c’est dans ce contexte que Dona Gracia Nassi naquit le 20 juin 1510 dans une famille Marrane au Portugal.  A sa naissance on l’appela Béatriz de Luna et en privé Gracia, l’équivalent de Hannah en hébreu. Pourtant, elle n’apprend qu’à 12 ans qu’elle est Juive. Elle se marie à 18 ans en faisant clandestinement un mariage Juif dans une cave avant un mariage officiel à l’église avec Joseph Mendes qui a fait fortune dans le commerce des épices avant de fonder la puissante banque Mendes rivale de celle des Médicis et qui rayonna dans toute l’Europe de la Renaissance.

Son mari meurt à 28 ans. De fait, elle devient l’une des femmes les plus riches de son époque. En 1536 l’inquisition s’installe au Portugal et elle s’exile à Anvers et fréquente la cour de Charles Quint à qui sa banque fait des prêts d’argent comme à de nombreux rois et seigneurs d’Europe.

Elle crée un réseau clandestin d’aides aux Marranes Portugais et Espagnols persécutés et désireux de quitter la péninsule ibérique pour des contrées plus accueillantes, ce qui l’oblige à s’exiler à Venise puis à Ferrare en Italie où elle revient officiellement au judaïsme. Elle participe à l’impression de la première Thora en ladino à Ferrare ce qui permettra aux Marranes déjudaïsés de renouer avec leur foi. ​Les érudits Juifs qu’elle aida à imprimer cette première bible traduite écrivirent à son propos : elle a la piété de Miriam, la sagesse de Déborah le dévouement d’Esther et le courage de Judith.

La protégée du Sultan

En 1553 elle part à Constantinople avec son neveu devenu son gendre en épousant sa fille unique Reyna et deviennent protégés du sultan Soliman le Magnifique. En 1555 le pape antisémite Paul IV fait arrêter des crypto Juifs à Ancône et fait périr cent d’entre eux sur des bûchers. Elle fait appel à Soliman qui établit un siège au port d’Ancône obligeant le pape à libérer les marranes retenus prisonniers.

Dona Gracia s’installe à Galata dans la banlieue de Constantinople qui devient le centre mondial d’aide aux Marranes. Elle fait bâtir des Yeshivots encourageant le renouveau de  la culture hébraïque, et en finançant la création d’imprimeries afin de diffuser des livres de la Thora pour rejudaïser les Marranes. Elle est vénérée par les communautés Juives qui l’appellent : « notre ange » ou « la Señora » ou en hébreu ha-geveret.

Son neveu et gendre devenu quasi ministre des affaires étrangères de Soliman et qui prend le titre de Duc de Naxos et participe à la libération des Pays Bas du joug des Espagnols ainsi qu’à la nomination du roi de Pologne. Il entraine aussi l’empire Ottoman à déclarer la guerre à l’état de Venise qui ,vaincu ,dut céder l’ile de Chypre à la Turquie en 1570.

Dona Gracia, précurseur du sionisme

Dona Gracia Nassi achète pour une somme considérable des terres à Tibériade afin d’accueillir les Marranes persécutés en Europe et obtient du sultan un bail à long terme sur la région de Tibériade afin d’accueillir plusieurs dizaines de milliers de Juifs en reconstruisant de nombreuses villes abandonnées. Aussi, elle est considérée comme précurseur du sionisme 400 ans avant Théodore Herzl.

Elle meurt à 59 ans avant d’avoir pu se rendre en Palestine On aurait pu rêver et imaginer la voir face à Tibériade de l’autre coté du lac dans la ville de Safed où elle aurait pu assister à la naissance de la Kabale et aurait connu Isaac Louria et Haim Vital. Le rabbin Italien Josué Soncino qui l’a suivi​e à Constantinople déclara dans son éloge funèbre : Elle n’est plus la sérénissime princesse, la gloire d’Israël, la fleur splendide de l’exil qui a bâti sa maison sur la pureté et la sainteté ; elle aidait les pauvres et les démunis pour les délivrer et leur donner le repos dans ce monde et dans l’autre.

Peu connue du public jusqu’au 19ème siècle, il a fallu plusieurs siècles pour mettre en lumière la figure têtue de cette admirable résistante. Et elle devient au 20eme siècle une figure très populaire en écho à la nouvelle place des femmes aujourd’hui.

Pierre Mamou 30 avril 2021 par coolamnews

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