PROCHE ORIENT: LA GUERRE DE CENT ANS 2

Bonjour
La semaine dernière, avec mon ami Stéphane WAHNICH, chercheur à l’Université de Tel-Aviv, au laboratoire ADARR, ex professeur associé des Universités de l’Université Paris Est Créteil (UPEC), je vous ai envoyé une chronique sur la situation au Proche Orient. Aujourd’hui, nous vous adressons nos commentaires consécutifs au cessez le feu.
Merci
Le nouveau round d’affrontements entre Israël et Gaza s’est achevé au bout de onze jours cette fois-ci, alors que le précédent, en 2014, avait duré 50 jours.
Même s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives tant la désinformation a été importante de la part du Hamas et que peu d’informations structurantes ont été émises de la part d’Israël, il est néanmoins possible de repérer certains éléments factuels.
Indiscutablement, le Hamas a obtenu, en partie ce qu’il recherchait :
  • Il a renforcé son image de défenseur des Palestiniens.
  • Il a affirmé sa montée en puissance en bombardant Tel-Aviv sans difficultés.
  • Il a démontré son pouvoir à travers un réseau de mosquées proches des frères musulmans et en favorisant une nouvelle forme de révolte arabe au sein même de la société israélienne.
  • Enfin, il a remis sur le devant de la scène médiatique la cause palestinienne.
« L’image de la victoire » avec les défilés de ses partisans en Cisjordanie, à Jérusalem ont salué ces performances. Cette impression s’est accentuée avec le sentiment que les responsables internationaux, Joe BIDEN au premier chef, ont contraint Israël à un cessez le feu non désiré par ce dernier.
Comme d’habitude, malgré la lourdeur des procédures onusiennes, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité se sont rapidement réunis pour permettre à la majorité islamo-arabe de condamner l’État juif. Le Secrétaire général a également enfoncé le clou en déclarant « s’il y a un enfer sur terre, c’est la vie des enfants à Gaza », passant sous silence la situation des enfants d’Ashdod, Ashkelon, Beer Scheva, Nétivot, Sdérot, et autres localités israéliennes bombardées à l’aveugle par le Hamas.
De plus, pour Israël, cette confrontation est aussi pour une part un succès :
  • Les récents « Accords d’Abraham » ont tenu malgré le bombardement israélien sur Gaza.
  • Plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Slovaquie ont marqué leur solidarité envers Israël face aux bombardements aveugles de civils israéliens par le Hamas. Cela constitue indiscutablement un notable changement pour Israël.
  • Israël a pu défaire un grand nombre de structures militaires du Hamas avec peu de morts du côté palestinien.
Parallèlement, Israël a envoyé un message au Hezbollah avec le pont aérien bombardant le « métro » de Gaza ; la capacité de coordination de l’armée de l’air israélienne avec la présence simultanée de 130 avions dans le ciel de Gaza, a fait entrevoir ce que pourrait être la réponse de l’Etat juif en cas d’attaque chiite provenant du Liban.
Mais pour les protagonistes, ces victoires, seulement revendiquées par le Hamas, sont des « victoires à la Pyrrhus ».
Quelles que soient les prouesses de son armée, Israël n’a pas changé structurellement la situation sécuritaire au lendemain du cessez le feu, pour au moins deux raisons :
  • Même affaibli, le Hamas est toujours présent et se reconstruira avec le temps, ce qui prélude à un nouveau round.
  • Pour la première fois depuis les émeutes de 1929, les Juifs ont été confrontés à des attaques arabes dans les villes mixtes ce qui va poser un problème structurel à Israël. C’est en effet la remise en cause d’une certaine « cohabitation pacifique » qui reposait jusque-là sur la seule acceptation par les Arabes israéliens du contrat social ; en revanche, rares étaient les personnes prétendant qu’ils adhéraient au projet politique sioniste.
Au-delà du contexte intérieur, le plus préoccupant pour Israël est la position de l’Administration BIDEN. La page des années TRUMP a bien été tournée. Au-delà des pressions exercées pour obliger Israël à cesser le feu, la volonté de conclure un accord avec les Iraniens en faisant fi des craintes des voisins arabiques et des Israéliens, les responsables américains ont rétabli toutes les aides financières pour les Palestiniens et envisagent de rouvrir un consulat pour les Palestiniens à Jérusalem.
Tout aussi inquiétant, en même temps qu’il annonçait le cessez le feu, Joe Biden assurait Israël de lui fournir tout le nécessaire pour le fonctionnement du système « Dôme de fer ». Telle la corde qui soutient le pendu, une assurance sous forme de rappel de dépendance.
Enfin, Joe BIDEN a annoncé les financements pour la reconstruction de Gaza, en prenant soin d’affirmer qu’il veillera à ce que l’argent ne soit pas détourné au profit du Hamas. Il s’agit d’une intention louable, sous réserve de communiquer le modus operandi.
Pour le Hamas, son aventure militaire à des fins politiques a provoqué un réel retour en arrière pour le parti islamiste :
  • Malgré la sympathie acquise parmi les Arabes israéliens et les Palestiniens de Cisjordanie, le Hamas n’a pas renversé l’Autorité palestinienne.
  • Des pertes humaines difficiles à évaluer car, contrairement à 2014, le Hamas n’a pas dressé le tableau quotidien des morts…
  • Des destructions matérielles remettant en cause des années de travail
  • Une incapacité à frapper réellement Israël, avec 12 morts pour plus de 4 000 missiles lancés
  • Enfin, les seuls soutiens de taille du Hamas ont été l’Iran et la Turquie, les deux pays où les gouvernements portent les valeurs de l’islam politique radical. Mais, il s’agit d’un soutien prudent. Le Hezbollah n’a pas bougé pendant onze jours et a même condamné des tirs de roquettes orchestrés par des milices palestiniennes en provenance du Liban. En revanche, dès la survenance du cessez le feu, il n’a pas hésité à saluer la victoire du Hamas et, hier, son président, dans un discours de 90 mn, a continué à menacer Israël.
Pour conclure, deux réflexions :
Au vu de ce qui s’est passé, la question de la disparition du Hamas se pose car son influence devient trop dangereuse aussi bien pour la société israélienne que pour l’Autorité palestinienne et les Palestiniens. Pour l’instant, il n’existe pas d’alternative tant que Mahmoud Abbas ne peut pas donner de perspectives positives à son peuple, mais il n’est pas interdit de penser que le futur renouvellement de génération au sein du Fatah sera l’occasion de bousculer, voire renverser le Hamas. Israël pourra alors donner les clefs du territoire à la nouvelle direction de l’Autorité palestinienne.
Enfin, il convient de réfléchir au rôle stratégique des anti-missiles du « Dôme de fer ». À la fois il protège efficacement la population israélienne mais il permet également au Hamas de bombarder massivement Israël en connaissant le manque d’efficacité de ces bombardements. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, « Dôme de fer » sape en partie la dissuasion israélienne, c’est pour cela que le statut quo avant l’attaque du Hamas ne pourra pas durer, et qu’un nouveau round est malheureusement prévisible.
Stéphane WAHNICH
Dov ZERAH

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