La « disparition » de Poutine, une diversion stratégique?

Un documentaire de 2h visant à accroître sa popularité diffusé le jour de sa « réapparition » publique

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Personne n’avait vu Vladimir Poutine depuis dix jours.

Après le 5 mars, date à laquelle le président a disparu, les médias russes et la blogosphère traitaient presque uniquement de cette question. Le meurtre de l’opposant Boris Nemtsov était relégué en arrière-plan.

Des rumeurs contradictoires ont alors émergé:

– Poutine avait été arrêté et retenu par un mystérieux groupe de comploteurs contre l’homme fort des Tchétchènes, Ramzan Kadyrov, auteur présumé du meurtre de Nemtsov.

– Poutine était malade, on avait bâclé son lifting du visage

– Poutine s’était rendu en Suisse pour être au chevet de sa petite amie présumée, la gymnaste olympique Alina Kabaeva, qui donnait naissance à leur fils.

Soit dit en passant, le principal « événement Poutine » n’a pas été le retour public du président russe lors d’une réunion avec le président du Kirghizistan lundi, mais la diffusion d’un documentaire de plus de deux heures dédié au premier anniversaire de l’annexion de la Crimée, sur la chaîne publique russe.

Il se pourrait que la « disparition » de Poutine ait détourné l’attention portée à l’assassinat de Nemtsov vers le héros principal du documentaire.

Poutine accuse dans le film les Etats-Unis d’avoir orchestré la révolution de l’Euromaïdan en Ukraine. Il prend tout le crédit de la victoire majeure et sans effusion de sang en Crimée, qui a « bénéficié » à la Russie et au peuple de Crimée. La question de la lutte sanglante qui se poursuit dans l’est de l’Ukraine y est soigneusement évitée.

Le film est censé accroître la popularité du président russe. Le documentaire, que j’ai regardé tout en prenant de nombreuses notes, suggère plusieurs choses:

Premièrement, Poutine y annonce publiquement qu’il a ordonné aux chefs de la sécurité russes de « prendre des mesures » pour annexer la Crimée dans la nuit du 22 au 23 février 2014, lorsqu’il est devenu clair que le président ukrainien Victor Ianoukovitch pourrait perdre le pouvoir. Cela sape tout le discours sur la légitimité du « référendum » organisé en Crimée, qui a eu lieu trois semaines plus tard.

Il admet aussi avoir ordonné aux forces spéciales russes, soit la “Spetznaz”, contrôlée par la Direction du renseignement militaire (GRU), et l’infanterie de la marine, de préparer la reconquête de la péninsule stratégique pour réaliser sa «réunification». L’armée russe, qui avait des plans pour cette prise de contrôle depuis au moins 10 ans, s’était déjà exercée de manière secrète à mener toutes sortes d’opérations dans la région.

La prise de contrôle est justifiée dans le film par une volonté de protéger la majorité russe de la péninsule. Pourtant, il existe aussi des groupes de résidents russes en Estonie, en Lettonie et au Kazakhstan. Ces pays sont peut-être les prochains sur la liste.

Poutine ignore le fait que la Crimée est le territoire d’un Etat souverain et que sa prise de contrôle est un acte d’agression selon le droit international.

Il ignore aussi l’Histoire: il existe aujourd’hui une majorité russe en Crimée seulement parce que Joseph Staline a procédé à un nettoyage ethnique des Tatars dans leur patrie ancestrale en 1944. Les Soviétiques ont par la suite empêché les Tatars de Crimée de retourner dans leur patrie. L’Assemblée représentative des Tatars, le Majlis, a désespérément tenté d’empêcher la tenue du référendum de mars 2014.

L’opposition démocratique en Russie a fortement réagi aux « vraies confessions » de Poutine. Pourtant, ce dernier ne semble pas avoir songé à reconnaître aucune responsabilité. Il ne considère pas son action comme une agression, même s’il ne la qualifie pas d’ »auto-défense ». Poutine est apparu détendu et a rejeté la possibilité de sanctions ou des poursuites contre lui de la part de l’Occident.

Deuxièmement, Poutine admet qu’il a lancé son plan en Crimée sur la base de sondages d’opinion secrètement ordonnés et clandestinement exécutés. Ils ont été menés avant qu’il ordonne le référendum sur la « réunification » en Crimée, une nouveauté en géopolitique moderne.

Le président explique aussi qu’il a commandé des sondages d’opinion en Russie avant le vote sur l’annexion/”réunification” au parlement russe. Il a mené une offensive de propagande à la télévision, qu’il avait chorégraphié à la fois politiquement et militairement.

Compte tenu du contrôle de Poutine sur la télévision nationale et le flux incessant de propagande sur les « Ukrainiens nazis » et leurs plans de «tuer» les orateurs russes en Crimée, il n’est pas surprenant que l’opinion publique ait été en faveur de l’annexion.

Poutine avait parlé dans le passé des insidieux plans américains d’établir une base navale de l’OTAN au port de Sébastopol en Crimée. Dans le film, il justifie le lien de la Russie avec la péninsule sur la base de la conversion au 10e siècle de Kievan Rus au christianisme. A l’époque, l’Empire byzantin contrôlait la péninsule.

Troisièmement, Poutine aime visiblement parler de son commandement direct des opérations en Crimée. Il ne donne aucun crédit à ses collègues dans le documentaire. Le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, reçoit plutôt une douce réprimande.

Il s’agissait en effet d’un exploit complexe d’action clandestine, d’une démonstration de la puissance politique militaire de la Russie, qui a impliqué les forces spéciales russes, la flotte en Mer noire, les forces aériennes et les forces des fusées stratégiques (que Poutine a mis en alerte pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide). M. Poutine a également mené de front, soutient-il, la politique intérieure et étrangère.

Le film montre surtout de manière éclatante commment Poutine utilise sans problème de conscience des “structures informelles » de violence. On parle notamment ici du crime organisé local et de ses dirigeants, dont l’actuel Premier ministre de la Crimée, Sergey Aksenov, qui était alors chef d’un petit parti politique pro-russe.

Étonnamment, le film met également en évidence l’utilisation des “Loups de nuit”, un gang violent de motards ultra-nationalistes, essentiellement en tant qu’unité des forces spéciales servant le Kremlin. Le gang de motards est dirigé par Alexander Zaldonstanov, surnommé “Khirurg” (le chirurgien) pour sa propension à couper les gens.

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Il s’agit d’un style politique connu de la Russie tsariste depuis les Cent-Noirs, les ultra-nationalistes qui tuaient et volaient les Juifs. C’est également arrivé sous Vladimir Lénine, père de l’Etat soviétique, qui s’est servi d’un voleur de banque géorgien du nom de Joseph Djougachvili (Staline).

L’utilisation massive de formes de violence illégitime est un enjeu particulièrement problématique pour les démocraties représentatives d’Europe et pour les Etats-Unis, en particulier lorsque ces organisations sont utilisées par une superpuissance nucléaire dirigée par la police secrète. Il faut garder cela à l’esprit alors que des rapports font état d’un soutien croissant de la Russie à l’extrême gauche et à l’extrême droite en Europe.

Le film se veut un avertissement à l’Ukraine, à d’autres pays de l’ex-URSS et à l’Occident : Poutine ne regrette rien. Il préfère ses victoires sans effusion de sang s’il le peut, car il a lu Sun Tzu. Le théoricien militaire chinois qui a enséigné il y a 2.300 ans que la plus grande victoire est quand l’ennemi se rend sans combattre, ce qui a été démontré en Ukraine.

Cependant, Poutine souligne que son armée a maintenant confiance en son art opérationnel et en son commandant suprême. Il admet, non sans un air de déjà vu de Guerre froide, qu’il a mis les forces nucléaires de la Russie en état d’alerte, question d’envoyer un message clair à l’Occident.

L’opération en Crimée, dont nous commémorons le premier anniversaire ces jours-ci, était l’acte d’ouverture d’une nouvelle confrontation entre la Russie et l’Occident.

Le nouveau documentaire de Poutine a clairement démontré la portée de la menace à laquelle fait face l’Occident.

Le Dr. Ariel Cohen est consultant en risques politiques internationaux et directeur du Centre pour l’Energie, les ressources naturelles et la géopolitique à l’Institut pour l’analyse de la sécurité internationale (www.arielcohen.com)

i24news.tv

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gabriel Taieb

ouvert le feu, à la fois sur les manifestants pacifiques et sur les forces de l’ordre, comme cela a été démontré par les excellents articles du « Spiegel » et à la 1ère chaine allemande ARD 1. Le chaos qui a succédé à ces actes criminels a permis à la junte de s’installer par la violence et a tenté de tuer le président Yanoukovitch. Tout cela par ce que le gouvernement en place en Ukraine avait repoussé l’accord avec l’UE, il fallait donc le renverser. Non pas légalement par des éléctions -cela aurait été trop risqué pour les putschistes – mais par un coup de force armée et le muselage par la force et l’intimidation de tout « récalcitrant » à la « révolution ».

2. « Il ignore aussi l’Histoire: il existe aujourd’hui une majorité russe en Crimée seulement parce que Joseph Staline a procédé à un nettoyage ethnique des Tatars dans leur patrie ancestrale en 1944. »
C’est faux, l’auteur devrait relire son histoire, la Crimée a été entre les mains des Russes depuis les derniers tsars, bien avant Staline. La Crimée, effectivement peuplée à 87% de Russes (non pas de Russophones comme l’Est des Régions) a été offerte en cadeau à l’Ukraine par Nikita Khrouchchev, lui même ukrainien, car à cette époque l’Ukraine faisait partie intégrante d »e l’URSS et que l’appartenance à la République Socialiste d’Ukraine de cette presqu’île ne changeait rien à la situation de ses habitants. Mais depuis que l’Ukraine a acquis son indépendance, et que les gouvernements souvent russophobes – par ce que financés par l’union USA-UE – les habitants de Crimée ne se sentaient plus chez eux. Après le coup d’Etat de Kiev, la population de la presqu’île ne voulait plus appartenir à ce nouveau régime faschiste, n’oublions pas que de très nombreux russes Crimée sont des vétérans de la seconde guerre mondiale qui se sont battus contre le nazisme,et qu’ils ont été horrifié de voir le retour de la bête brune. J’en arrive au 3ème point logiquement.

3.  » flux incessant de propagande sur les « Ukrainiens nazis » et leurs plans de «tuer» les orateurs russes en Crimée » Les faits sont les suivant:

a. le parti au pouvoir, le « front national » est un regroupement encore plus à droite que celui en France, ce sont des ultra-nationalistes qui seraient près à déclencher une guerre avec la Russie en espérant que l’Occident viendrait à leur secour.
b. les partis légalement au pouvoir « Svaboda » et « Praviy sektor » sont des partis néo-nazis armés et entraînés: comme de nombreux reportages tant en Allemagne (qui est évidemment très sensible sur ce sujet) qu’en Italie et en Suisse l’ont montré, nous avons là réuni tous les ingrédients nazis, à savoir: défiles aux flambeaux avec les mers de drapeaux ultranationalistes – en particulier la croix celtique, que l’on retrouve chez les Sorals et co, en Allemagne dans le NPD- bastonnade et menaces de mort à tous leurs opposants, cris et vociférations antisémites  » les djids hors d’Ukraine » mais aussi bien antirusses.
A cela s’ajoutent encore d’autres éléments: sous la pression néo-nazie, le gouvernment de Kiev a accepté de réhabiliter les anciens SS- ukrainiens, dont leur principal « héros » BANDERA – celui qui s’est rendu célèbre par la traque de milliers de Juifs en Pologne, en Ukraine et en Létonie – se voit dresser des statues dans toutes les villes d’Ukraine! J’en passe et des pires. Mon beau-père m’a rapporté que quand sa division est arrivée à Auschwitz, il n’ y avait pratiquement plus d’allemands dans le camps, seulement deux bataillons des SS-ukrainiens. D’ailleurs même dans l’allemagne nazie, les soldats allemands on vite été remplacés par des ukrainiens et des lituaniens dans les camps d’extermination, parce que même les « bons aryens »ne le supportaient plus!
Il y a une semaine, il y a eu en Lituanie la commération de la division SS-litvienne (comme tous les ans d’ailleurs, sans que l’UE n’ait rien à objecter) à cette grande fête en l’honneur des bourreaux nazis, on a retrouvé nos ukrainiens, où l’un de leurs chefs affirme clairement « le problème de notre monde, ce sont les Juifs et les Russes, il faut y trouver une solution. »
3. Le problème de l’Ukraine, en fait, pour la Russie n’est pas vraiment son appartenance à l’UE – des pays comme la Tchéquie ou la Hongrie en font parti et ont de bonnes relations avec le Kremlin, même chose pour la Pologne (encore que là, dû au négationisme polonais, les choses se gâtent), non le problème c’est leur éventuelle soumission à l’OTAN. Là, il convient de faire un petit retour en arrière. Avec l’effondrement de l’URSS, la nouvelle Russie s’était engagée à éradiquer le pacte militaire de Varsovie et l’Occident devait en faire de même avec l’OTAN. Or si la Russie a bien dissolu le pacte de Varsovie, non seulement l’OTAN existe encore mais s’étend de plus en plus vers l’Est, jusqu’à arriver pratiquement aux portes de la Russie, et l’Ukraine serait l’ultime étape de l’encerclement de la Russie. Les soit-disant bouclier de protection de l’OTAN ne situent pas près de l’Iran comme il se devrait mais près de la Russie. Nul n’est dupe de cette stratégie.
4. « L’opposition démocratique en Russie »- de quelle opposition parle-ton ici, celle d’un groupuscule anti-Poutine qui malgré les millions de dollars versés à de pseudo ONG, ne parvient pas à atteindre 1%.
Il existe en Russie, une véritable opposition parlementaire, non téléguidée depuis la maison blanche, il s’agit d’abord du parti « d’extrême-droite » de Jirinovski lequel pourrait obtenir entre 10 et 13% aux prochaines élections, mais surtout le parti communiste russe qui lui, obtiendrait entre 25 et 30% de voix.
Or ces deux partis, plus un petit parti du Centre  » Russie juste », ont soutenu Poutine pour son opération en Crimée.

Je conclurai ce petit rapport presque avec les termes de Gorbatschov. Même si je ne suis pas tout d’accord avec le genre de gouvernement actuel en Russie – étant d’origine suisse, je sais ce qu’est une vraie démocratie – je suis persuadé que Poutine est le seul (pour le moment) à préserver efficacement les intérêts économiques de son pays, à pouvoir le défendre les menaces occidentales et surtout pour moi, à veiller à la sécurité et au bien-être de la communauté juive de Russie, ce qui explique d’ailleurs les bonnes relations entre Israël et la Russie.

gabriel Taieb

Cette article comporte de lourdes lacunes plus ou moins volontaires et des propos de pure désinformation sdans doute dictés par la maison blanche (brune..). Je vais reprendre quelques points importants que n’importe quel lecteur honnête pourra retrouver soit dans Wikipedia, soit dans les journaux en ligne allemands et suisses.
1. »Poutine accuse dans le film les Etats-Unis d’avoir orchestré la révolution de l’Euromaïdan en Ukraine. » Ceci est un fait prouvé, le groupe « Maiden » n’a pu agir que grâce aux millions de dollars américains mais essentiellement afin de créer un bain de sang, de l’utilisation des deux partis néo-nazi « Svaboda » et « Praviy Sektor » QUI ONT VOLONTAIREMENT