Nouveau modèle d’assassinats à l’étranger soutenus par l’Iran?

Après une série d’assassinats macabres des opposants politiques de la République islamique d’Iran à l’étranger dans les années 1980 et 1990, les observateurs ont longtemps pensé que le pays avait abandonné sa pratique d’assassinats extraterritoriaux de citoyens iraniens. Mais des incidents dans trois pays européens différents, dont les responsables européens ont, de plus en plus, discuté ces derniers jours, suggèrent un possible retour en arrière de Téhéran.

Le régime iranien tente-t-il de revenir en arrière au temps des années 80 et du début des années 90? Les assassinats et les complots terroristes orchestrés au Danemark, en France et aux Pays-Bas soulignent cette inquiétude.

Ces derniers jours, l’incident au Danemark, qui avait attiré relativement peu d’attention à l’époque, a été discuté publiquement par les plus hauts responsables de ce pays. La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères du Danemark a même posté un tweet qualifiant de « totalement inacceptable » le fait que l’Iran ait planifié une attaque dans ce pays.

L’incident s’est produit fin septembre, lorsque le Service danois de sécurité et de renseignement a lancé une chasse à l’homme qui a coupé l’île orientale de la Zélande et la capitale Copenhague du reste du pays. La police danoise a déclaré être à la recherche d’une voiture noire immatriculée en Suède et liée à la «grande criminalité». Quelques jours plus tard, il est devenu évident que la police danoise s’attendait à ce que des agents iraniens assassinent ou enlèvent de manière imminente un individu connu sous le pseudonyme de Yaqoub al-Tostari. Tostari est un porte-parole du Mouvement séparatiste arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz (ASMLA). Il avait publiquement défendu l’attaque terroriste du 22 septembre contre un défilé militaire iranien à Ahvaz.

L’attaque à Ahvaz, qui a coûté la vie à 29 personnes, essentiellement des Pasdaran et fait 70 blessés, a été revendiquée par deux organisations différentes. L’un était la Résistance nationale d’Ahvaz et l’autre, l’État islamique (Daesh), qui a diffusé une vidéo le 23 septembre qui montrerait trois auteurs se rendant au défilé militaire.

Dans une interview accordée à Iran International TV à Londres, Tostari avait déclaré que le mouvement indépendantiste Ahvaz endossait le principe de la « lutte armée contre les objectifs militaires et légitimes, y compris les oléoducs et les gazoducs, les forces de l’ordre et les forces armées de la République islamique ». Tostari a ensuite changé d’avis au cours d’une interview avec Radio Denmark, soulignant que son organisation était le bras politique plutôt que le bras militaire de la Résistance nationale d’Ahvaz. Il a déclaré que son groupe n’était pas responsable de l’attaque, mais il ne l’a pas condamnée.

Les autorités danoises ont arrêté un suspect dans le cadre de ce complot présumé, qui a été maintenu en détention provisoire jusqu’au 8 novembre.

Un incident plus visible a eu lieu en France, notamment lors de la réunion à Paris du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), le 30 juin 2018, vitrine politique de l’Organisation de la résistance Mojahedin-e-Khalq (MKO). Le gouvernement français a accusé les services de renseignements iraniens d’avoir planifié de faire exploser une bombe, lors du rassemblement du CNRI à Paris. Un long rapport du Wall Street Journal publié le 31 octobre détaille de manière exhaustive les évaluations du renseignement.

en Asadollah Assadi

Les autorités ont arrêté les présumés comploteurs dans plusieurs pays européens. Assadollah Assadi, un diplomate iranien basé en Autriche, a été arrêté en Allemagne pour avoir fourni une bombe à deux Belges d’origine iranienne. Il aurait rencontré au Luxembourg un mari et sa femme, connus sous le nom d’Amir Sadouni et Nasimeh Noami, et leur aurait remis la bombe. Lorsque Sadouni et Noami ont été arrêtés par la police belge, ils auraient eu leur posséssion un demi-kilogramme d’explosif et un détonateur. Plus tard, les autorités ont arrêté un certain Merhad A. en France, accusé de complicité.

L’agence de presse Tasnim, un journal iranien proche du corps des gardiens de la révolution, a depuis publié des photos de Sadouni lors de rassemblements du MEK, affirmant qu’elles montreraient que le MEK avait lui-même organisé le complot parisien comme un acte de provocation. En effet, la Belgique a initialement accordé l’asile à Sadouni en tant que membre du MEK. Mais les photos pourraient également être interprétées comme une preuve de l’utilisation de Sadouni par le régime pour espionner le MEK, un rôle que les responsables européens concluent avoir soupçonné l’Iran de le jouer ces dernières années.

Une dernière série d’incidents s’est produite aux Pays-Bas. Le Service néerlandais des renseignements généraux et de la sécurité (AIVD) a confirmé le 2 juillet que deux membres du personnel de l’ambassade iranienne avaient été expulsés du pays. L’AIVD a refusé de fournir plus d’explications publiquement. Selon la chaîne de télévision néerlandaise NOS, les expulsions ont eu lieu le 7 juin, un mois avant la confirmation par un porte-parole des services de renseignement néerlandais. Téhéran a répondu en convoquant l’ambassadeur des Pays-Bas et en condamnant l’expulsion de ses diplomates.

Plus de détails sur cet incident sont parus dans Mashregh News, un média iranien proche de l’IRGC, soutenu par l’État. Selon cette publication, l’expulsion des diplomates iraniens était liée à l’enquête sur deux affaires de meurtre aux Pays – Bas, que les autorités néerlandaises ont attribuées à des agents iraniens. Mashregh News a expliqué que le premier cas était celui du meurtre d’Ahmad Mola Abou Nahez, également connu sous le nom d’Ahmad Nissi, le fondateur de l’ASMLA, le 8 novembre 2017. Nahez a été abattu par un assaillant non identifié devant son domicile à La Haye.

Mashregh News a rapporté que la deuxième enquête sur l’assassinat ayant conduit à l’expulsion des diplomates iraniens était l’assassinat de Mohammad-Reza Kolahi Samadi le 15 décembre 2015 dans la ville d’Almere.

Kolahi Samadi, un ancien membre du MEK, figurait sur la liste des personnes recherchées par la République islamique d’Iran depuis le bombardement spectaculaire du siège du Parti républicain islamique en 1981. Soixante-quinze hauts responsables du régime, dont le président de la Cour suprême, Mohammad Beheshti, ont été tués dans l’attaque.

Paul Vugts, un journaliste judiciaire local, a expliqué à la BBC que la veuve de Kolahi Samadi avait déclaré à la police que son défunt mari lui avait confié son passé caché en 2000. Il avait avoué qu’il était responsable de l’attentat de 1981. Vugts a également déclaré à la BBC que la police néerlandaise soupçonnait un criminel de droit commun d’avoir tiré sur Kolahi Samadi. Vugts dit que, bien que l’Iran a utilisé le Hezbollah pour assassiner les gens dans le passé, ses sources pensent le Hezbollah « a recruté des criminels du milieu de la drogue néerlandais pour mener à bien ce meurtre. » Il a expliqué que l’ Iran ne voulait pas laissé ses « empreintes sur les lieux de cet assassinat.»

Dans les mois à venir, les poursuites judiciaires à l’encontre des personnes arrêtées pour leur rôle dans ces complots fourniront probablement des informations plus détaillées. Mais nous pouvons, d’ores et déjà voir, un ensemble d’événements inquiétants suggérant que la République islamique pourrait revenir au temps de l’assassinat de ses opposants politiques en Europe.

Si tel est le cas, les services de détection et de répression occidentaux et les services de renseignement en amont, tels que le Mossad israélien, devraient être davantage sur le qui-vive.

Ali Alfoneh est membre principal de l’Institut arabe du Golfe à Washington, Dave Gartenstein-Ross est membre non permanent de la Fondation pour la défense des démocraties et directeur général de la société privée Valens Global.

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Adaptation : Marc Brzustowski

PAR  | 5 novembre 2018 | daveed@valensglobal.com |

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