Michpatim: sans Loi, pas de Liberté (vidéo)
Raphaël Draï, zal
Cette paracha Michpatim suit celle intitulée « Yétro » qui contenait notamment l’exposé des dix Paroles du Décalogue. De nombreux commentaires se sont attachés au cours des siècles à discerner leur logique interne et leur structure profonde.
Il n’en va pas de même pour les michpatim, pour les règles de droit positif qui correspondent également à des normes de comportements, à des règles de conduites compatibles avec l’existence et le développement d’un peuple libre.
On a tenté ailleurs (La traversée du désert, Fayard, 1988) de discerner également la logique d’exposition et la structure interne de cette série de michpatim qui donnent parfois l’impression d’un simple et fort long catalogue. En réalité cette logique et cette structure sont à découvrir dés leur toute première séquence. Deux points, entre autres, attirent l’attention.
Le premier de ces michpatim concerne le sort réservé au travailleur ou au servant qui au bout de six années de son office refuse de recouvrer la condition et le statut juridique de l’être libre. De ce refus, il doit désormais porter la marque. Pourquoi est-ce cette situation et son issue qui inaugurent cette paracha intensément juridique?
L’on peut estimer qu’il s’agit d’un principe vraiment essentiel. Comment assumer sa vie intersubjective et sa vie sociale si l’on refuse cette forme de liberté qui n’est pas une liberté « sauvage », comme diraient les psychanalystes, mais une liberté impliquant lucidité, capacité de jugement et finalement plein exercice de sa responsabilité? Tous les autres michpatim en découlent.
Mais il ne s’agit pas non plus d’une simple construction logique. Si la série des michpatim commence par celui là, c’est au regard des premiers pas, des premiers expériences des Bnei Israël comme peuple libéré physiquement de l’esclavage.
Bien des épisodes difficiles (Mara, les cailles, les émeutes contre Moïse et Aharon etc..) démontrent qu’il ne suffit pas de proclamer la liberté pour qu’elles devienne une donnée intime du jugement et du comportement.
L’esclavage ne se réduit pas à l’oppression des corps. Lorsqu’il dure trop longtemps et qu’il se proroge de génération en génération, il devient une véritable addiction, de laquelle il est difficile de se défaire et qui peut même se transformer en amour inavouable de la servitude.
C’est pourquoi il faut sans tarder y couper court. Telle semble être la première préoccupation de cette série de prescriptions, pour ainsi dire son Préambule, homologue à la première des dix Paroles.
L’autre concerne la primauté de la Loi qui interdit désormais le passage à l’acte, toutes les formes de violence, et bien sûr les coups et blessures, sans parler du meurtre (Ex, 21, 14). Il ne faut plus se tromper sur la hiérarchie des normes qui doit prévaloir pour un peuple à la fois libre et responsable.
En cas de meurtre commis par préméditation, rien ne servirait de se réfugier au sein du Sanctuaire et de s’agripper à un coin de l’Autel. Il appartient à présent aux instances légitimes de ce peuple, et notamment à ses juges dont il faut souligner qu’ils sont institués avant même le don de la Thora, d’en connaître.
Si l’homme est responsable devant Dieu, il l’est aussi, du fait même de la Parole divine, d’abord et avant tout devant la loi régissant ses rapports avec son prochain. Si le mot de révolution a jamais eu un sens, il trouve dans cette prescription l’un de ceux qui ne doivent plus s’effacer de la conscience humaine.
JForum.fr avec Raphaël Draï, zal,
LA LOI ORALE (seconde partie) par Caroline Rebouh
La Loi orale est la deuxième loi qui fut promulguée au Mont Sinaï en même temps que la Torah écrite. Elle vient compléter et expliquer la Loi Écrite en nous expliquant comment nous devons appliquer les commandements.
Cette loi orale se transmettait de père en fils oralement : le Cohen Gadol l’enseignait à son successeur etc… ceci se perpétua jusqu’à la destruction du Temple. Les Juifs exilés et déportés en Babylonie. La tradition orale n’avait aucun risque d’être déformée étant transmise par des personnes dont c’était la mission. Cependant, lors de l’exil de Babylone, on s’aperçut que déjà, la Torah courait de graves dangers et tomba en effet dans l’oubli. Au retour en Palestine, les Prophètes et les Prêtres ainsi que des Sages redonnèrent à la Torah la place qu’elle méritait. Pour éviter qu’elle ne soit transgressée, les Sages au nombre de 71 se réunirent en Conseil (Sanhédrin) et renforcèrent la loi.
Après la destruction du second Temple, à la fin du IIème siècle après l’ère vulgaire, un érudit répondant au nom de Rabbi Yéhouda HaNassi ou Rabbi Yéhouda le Saint prit la décision d’écrire la loi orale plutôt que de risquer de la voir déformée ou perdue. Toutes les règles (‘halakhot) furent classées et ordonnées et, toutes les opinions émises furent retranscrites. Cette rédaction forme la MISHNA soit répétition ou étude (car on considère qu’on étudie vraiment en répétant sans cesse) elle se compose de six « ordres » ou six sedarim (shisha sidré mishna). Chaque « ordre » se répartit en traités (massakhtot) chaque traité en chapitres et chaque chapitre en ‘halakha.
Les ordres sont : « ZERAYIM » ou semences soit tout ce qui concerne l’agriculture depuis la culture jusqu’à la consommation.
Et puis il y a « MOED » ou fêtes soit tout ce qui concerne le shabbat et les fêtes, les jeûnes etc… « NASHIM » tout ce qui concerne les Femmes et la vie conjugale, le mariage, le divorce, les vœux etc…. Puis, « NEZIKIN » soit les dommages ou droit civil et droit pénal et un traité de maximes et de morale les PIRKE AVOTH.
Après viendra l’ordre de « KIDOUSHIN » ou saintetés traitant de l’abattage rituel du culte et des sacrifices.
Enfin, le sixième ordre est « TA’HAROT » les Puretés avec tous les problèmes posés par la pureté en général et la pureté de la femme mariée en particulier avec le traité de NIDDA.
Après que la mishna fût terminée, les maîtres de la Mishna, les TANAYIM recueillirent les opinions de Sages sur des points particuliers en une « Tossefta » ou « Beraïta » (ajouts).
Les commentaires de la mishna risquant de se perdre aussi à cause de la dispersion du peuple, des érudits se réunirent encore une fois et écrivirent le complément de la mishna ou GUEMARA du verbe LIGMOR (finir).
L’ensemble Mishna + Guemara forme le Talmud qui signifie enseignement.
Sur les 63 traités de la mishna, seuls 35 ont leur commentaire détaillé dans le Talmud car les autres commentaires n’étant destinés qu’au Temple de Jérusalem et au pays d’Israël, ils ne furent pas inclus dans le Talmud de Babylone (Talmud Bavli) terminé vers l’an 500 au contraire du Talmud Yéroushalmi ou Talmud de Jérusalem rédigé environ 80 ans après la clôture de la Mishna ; ainsi que cela a été dit plus haut, le texte concerne plus particulièrement la vie agricole du territoire aujourd’hui israélien.
Le Talmud a donc un caractère juridique (‘halakhique). Le Talmud comprend aussi une autre partie : la Agada interprétation morale du Talmud, sous forme d’histoires ou de relations d’évènements historiques ou psychologiques visant à illustrer la pratique religieuse ou encore sous forme de paraboles ou encore d’allégories. Cependant, aucune loi ne pourra être déduite de la Agada .
Le Talmud, force vivante du judaïsme est enseigné dans des écoles spécialisées ou yéshivoth ou dans des instituts d’enseignement supérieur ou Collel.
L’étude du Talmud confère une ouverture d’esprit par ses raisonnements poussés et les discussions qui en découlent : « pilpoul » qui permet de comprendre ce que nous proposent toutes les autres disciplines de manière plus aisée.
Le Talmud tout comme la Torah fut commenté par de nombreux érudits parmi lesquels : Rashi dont les commentaires mirent le Talmud à la portée de tous. Les autres commentateurs sont appelés les Tossafistes à cause des commentaires qu’ils ont ajouté. Parmi ces Tossafistes figurent les trois petits-fils de Rashi.
Animé du désir de faciliter la consultation du Talmud, Maïmonide (Rabbi Moshé ben Maïmon ou Rambam 1135-1204) écrivit une œuvre en 14 volumes (Yad Hazaka ou Mishné Torah) dans le but de rédiger un recueil de lois, coutumes et doctrines religieuses dans le judaïsme.
Au XIVème siècle, Rabbi Jacob ben Asher, composa un code religieux en 4 volumes dont le nom est le Arbaâ Tourim soit les 4 rangées (allusion aux quatre rangées de pierres précieuses sur le pectoral que portait le Cohen Gadol) le Orah Hayim traitant des prescriptions de la vie quotidienne et du shabbat, fêtes et jeûnes. Puis, le Yoré Déâ concernant l’abattage rituel, les lois alimentaires et la vie domestique), le Even ‘haEzer pour le droit familial, le mariage et le divorce. Et enfin, le Hoshen Mishpat pour le droit civil et pénal dans le judaïsme.
Un siècle plus tard, au XVème siècle, Rabbi Yossef Caro ayant commenté le Mishné Torah du Rambam, et les Arbaâ Tourim de Rabbi Jacob ben Asher écrivit le « SHOULHAN AROUKH » ou « Table dressée » allusion au fait que le fidèle n’aura qu’à se servir pour trouver les lois toutes prêtes et faciliter ainsi la recherche. Ce manuel permet donc aux Juifs de voir les lois classées méthodiquement et expliquées en les mettant à la portée de tout un chacun. Le Shoulhan Aroukh étant d’auteur séfarade, un ajout fut fait concernant les particularités présentées dans les rites des communautés ashkenazes. Cette addition fut préparée par le Rama ou Rabbi Moshé Isserlès qui avait composé de son côté un Shoulhan Aroukh semblable à celui de Yossef Caro et publié antérieurement au sien. Le Rama, prit ainsi la décision de brûler le sien.
De ces écrits ‘halakhiques il a été fait un manuel abrégé (kitsour Shoulhan Aroukh). Ceci constitue un guide pour la vie quotidienne. L’un de ces abrégés fut écrit au XVIIIème siècle par le Rav Avraham de Dantzig ce livre s’intitule : « Hayé Adam » puis, un autre manuel parut au XIXème siècle écrit par Shlomo Gantzfried.
A ces ouvrages s’ajoutèrent au long des siècles des livres de morale juive qui permettent à ceux qui les étudient de se maintenir dans un juste milieu ainsi qu’il est dit :
« Si vous étudiez la Torah, vous dominerez votre mauvais penchant ».
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