Macron sur TF1, prisonnier de lui-même.
Les oppositions politiques et les commentateurs dans la presse ont dénoncé le caractère « hors sol » et l’impuissance d’Emmanuel Macron, après son intervention télévisée.
« Rester libre » : les premiers mots d’Emmanuel Macron, mardi soir sur TF1. En réalité, le président s’est montré prisonnier de lui-même, c’est-à-dire de son narcissisme, de ses certitudes, de ses évitements. En plus de trois heures d’autosatisfactions, rien de concret n’est ressorti d’un amas de mots désincarnés.
Montesquieu avait prévenu (Lettres persanes, LXVI) : « Quand un homme n’a rien à dire de nouveau, que ne se tait-il ». Ne reste, de cet énième et vain exercice promotionnel, que le portrait appuyé du bonimenteur, créature désuète d’un monde politique qui ne touche plus terre.
Mâle blanc fragile
Plus que d’habitude, se sont dévoilées les faiblesses d’un homme fragile, ébranlé par les assauts réalistes de Robert Ménard et Agnès Verdier-Molinié. Le savoir-faire de Macron dans la défausse et l’illusion explique en partie le doute qui a pu naitre, chez d’autres affabulateurs, dans la manière oblique qu’il a eu à cacher un banal mouchoir trainant sur une table, pris du coup pour un sachet de drogue par des esprits perméables aux rumeurs. La scène, filmée le 10 mai dans un train conduisant Macron de Pologne en Ukraine avec ses homologues allemand et britannique, a souligné le comportement alambiqué du joueur de bonneteau révélant une dextérité dans la manipulation, l’escamotage, la dissimulation. L’Élysée, en se fendant le 11 mai d’un communiqué pour dénoncer, autour du banal papier pris sottement pour de la cocaïne, une « désinformation propagée par les ennemis de la France », a aussi mis en relief la paranoïa complotiste d’un président énamouré de lui-même, incapable de concevoir qu’il ne puisse être simplement admiré. La prestation de mardi soir a montré un homme perdu.
Monde verbeux qui s’effondre
Parler pour ne rien dire : c’est ce que retiendra notamment l’histoire, pour caractériser la faillite des « élites » d’un monde verbeux qui s’effondre. Depuis cinquante ans, elles n’ont cherché qu’à satisfaire la pensée mondaine, son confort intellectuel, ses récitations hypocrites sur des lois « d’humanité et de fraternité » (Macron, hier soir, parlant de l’euthanasie et du suicide assisté) qui ont créé la société des désastres.
Épuisement
Lundi, le pape Léon XIV a, pour sa part, tenu une conférence de presse qui n’a pas excédé dix minutes. Avec des paroles choisies et pesées, il a eu le temps d’inciter les médias à promouvoir la quête de vérité, de dénoncer les atteintes à la liberté d’expression, de s’alarmer du sort des journalistes emprisonnés, etc. C’est cette sobre efficacité qui est désormais attendue, chez ceux qui ont des messages à faire passer.
Au lieu de quoi, le président a épuisé son auditoire en refusant de considérer l’immigration légale (500 000 entrées par an) comme un problème, en promettant vaguement des référendums sur des sujets flous, en semblant découvrir des mesures de bon sens avancées par Ménard, maire de Béziers. Il a également qualifié de « honte » l’attitude d’Israël dans sa guerre face au Hamas islamiste à Gaza, en oubliant que qualifier l’attitude de l’Algérie, qui détient Boualem Sansal, face à la France.
Guerre Israël-Hamas : « Ce n’est pas à Macron de trancher » s’il y a ou non un « génocide » à Gaza
Marc Knobel revient sur les paroles d’Emmanuel Macron mardi soir, qui a jugé « honteuses » les actions du gouvernement israélien.
C’est un sujet particulièrement délicat. Mardi soir, lors d’un entretien télévisé sur TF1, Emmanuel Macron a abordé la guerre entre Israël et le Hamas. Le président a qualifié d’« inacceptables » les actions du gouvernement de Benyamin Netanyahou, estimant qu’il s’agissait d’une « honte ». Il est toutefois resté prudent sur la question d’un « génocide » en cours à Gaza.
Une position qui a provoqué une avalanche de réactions alors que le bilan au Proche-Orient est dramatique : les attaques sanglantes du 7-Octobre perpétrées par le Hamas ont entraîné la mort de 1.218 civils israéliens, un millers de soldats israéliens, et la riposte de Tel-Aviv aurait fait près de 53.000 morts à Gaza dont plus de 20.000 terroristes. Marc Knobel, historien spécialiste de l’antisémitisme, revient sur les déclarations d’Emmanuel Macron auprès de 20 Minutes.
Que pensez-vous de l’intervention d’Emmanuel Macron, qui a refusé de qualifier les actions d’Israël à Gaza de « génocide » tout en refusant d’exclure définitivement ce terme ?
Sur cet aspect, il faut rappeler les faits. En janvier 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) – qui juge les différends entre États – a reconnu un risque plausible de génocide à Gaza et a ordonné à Israël de prendre des mesures conservatoires. À ce jour, la CIJ n’a pas statué sur l’existence d’un génocide, mais elle prétend qu’il y aurait les allégations suffisamment sérieuses pour justifier une enquête approfondie.
Emmanuel Macron a donc fait preuve de prudence en refusant de qualifier définitivement les actions d’Israël : il n’est ni juge à la CIJ, ni historien, et ce n’est pas à lui de trancher une question aussi grave, qui relève de la justice internationale et de l’analyse historique. Sa position me semble donc équilibrée et conforme à la séparation des rôles.
Malgré cet entre-deux, sa réponse provoque une avalanche de réactions, notamment en ligne. Comment l’expliquer ?
L’émotion et la colère suscitées par la guerre à Gaza sont sans commune mesure avec la plupart des autres conflits, y compris la guerre en Ukraine. Ce conflit touche à des questions d’identité, d’Histoire et de mémoire qui résonnent profondément en France, tant dans la communauté juive que chez d’autres citoyens. Dans ce contexte, chaque mot du président est scruté et interprété, car beaucoup attendent une prise de position claire sur un sujet aussi sensible.
Les réseaux sociaux amplifient encore cette polarisation : on voit ainsi des Français juifs s’indigner qu’Emmanuel Macron n’ait pas exclu le terme de génocide, tandis que d’autres lui reprochent de ne pas l’avoir employé. Cette réaction en chaîne s’explique par la charge symbolique du conflit israélo-palestinien et par l’impact particulier des propos présidentiels, qui cristallisent les attentes et les frustrations des deux camps.
Certains reprochent leur silence aux chercheurs et aux personnalités juives de France. Comment l’expliquer ?
Dans la diaspora, il est vrai qu’une partie des personnalités juives françaises adopte souvent une posture de réserve face à la critique d’Israël. Cette attitude s’explique par un attachement fort à ce pays, mais aussi par une injonction implicite, parfois exprimée au sein de la communauté, à ne pas s’exprimer publiquement lorsqu’on n’y réside pas. S’ajoute la crainte, bien réelle, d’alimenter l’antisémitisme ou d’être accusé de « trahison » ou de « double allégeance », dans un contexte où la parole publique sur Israël reste très surveillée et parfois instrumentalisée.
Il est donc légitime, et même salutaire, que ces débats existent et que des voix critiques s’expriment librement, au nom d’un attachement à la justice et à la démocratie.
Quelle émotion prédomine chez les Français de confession juive ?
Depuis le 7-Octobre, les actes antisémites ont atteint des niveaux alarmants, et cette montée de l’antisémitisme accapare les pensées et génère une grande anxiété. Les Français de confession juive sont profondément affectés par l’intensité de ce conflit. Ils se sentent d’autant plus en insécurité qu’un amalgame injuste est fait entre eux et Israël. Ils ont la nationalité française et vivent à 3.500 km d’Israël !
Même s’ils ont de la famille, même s’ils y vont régulièrement, ils ont le droit qu’on cesse de les prendre à témoin de tout ce qui se passe là-bas. Tout comme on ne doit pas prendre à témoin nos compatriotes de confession musulmane de toutes les horreurs qui ont court dans le monde arabo-musulman.
Êtes-vous optimiste pour l’avenir ?
Malheureusement, je ne peux pas dire que je sois optimiste à court terme. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avec plus de 1.500 actes antisémites recensés en France en 2024, le phénomène reste à un niveau historiquement élevé, et il serait illusoire de croire à une disparition rapide de l’antisémitisme.
Concernant le conflit israélo-palestinien, la situation actuelle est profondément bloquée, en grande partie à cause de la défiance mutuelle, de l’absence de volonté politique réelle et du maintien au pouvoir de dirigeants qui incarnent l’impasse – il est difficile d’imaginer aujourd’hui Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas engager un dialogue constructif. La guerre ne peut être une solution : elle ne fait qu’ajouter de la souffrance et de la destruction.
Cependant, je veux croire qu’à terme, l’épuisement mutuel et la lassitude des sociétés finiront par ouvrir la voie à d’autres voix, à de nouveaux leaders, et à une volonté de dialogue. L’Histoire montre que des évolutions inattendues peuvent surgir, souvent portées par la société civile ou de nouvelles générations. Garder cette lueur d’espoir, même ténue, est essentiel pour ne pas céder au fatalisme.
Quant à Macron, il y a encore deux ans à tenir !
JForum.Fr Ivan Rioufol
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