Des sociétés américaines telles que Twitter, Facebook, Google, Apple, Microsoft, Yahoo et d’autres services populaires, parmi lesquels YouTube, WhatsApp, Skype, Tumblr et Instagram, facilitent le djihad mondial.

Ce constat était un des principaux sujets abordés, lors d’une récente rencontre entre le Premier ministre britannique David Cameron et le Président Obama, consacrée à la cyber-sécurité et au contre-terrorisme. Le président a affirmé que « les médias sociaux et Internet sont la manière principale de communiquer des organisations terroristes » et que « nous devons encore trouver des méthodes pour garantir que, si une filiale d’Al-Qaida opère en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis, nous puissions éviter une véritable tragédie. Et je pense que ces sociétés le souhaitent également. Elles sont patriotes… Nous allons également dialoguer avec ces sociétés pour faire en sorte que cela fonctionne ».

Ces déclarations font suite à celles de Robert Hannigan, Directeur du Bureau des Communications gouvernementales au Royaume-Uni, qui a décrit « les grandes sociétés technologiques américaines » comme « des réseaux de commandement de choix pour les terroristes », dans le Financial Times du mois de novembre. M. Hannigan a dit haut et fort ce que quelques personnes affirment depuis presque une décennie : ces sociétés ont aidé Al-Qaida, et aident à présent l’EI à lever des fonds, recruter, endoctriner et former de nouveaux terroristes. Presque chaque jour apporte son lot de nouvelles informations concernant l’arrestation de jeunes Occidentaux suspectés d’activités terroristes, de planification d’attentats ou de tentatives pour se rendre au Moyen-Orient et rejoindre une organisation terroriste.

L’EI a compris l’efficacité des médias sociaux

Les sociétés américaines de médias sociaux sont au centre de chacune de ces affaires. L’EI a bien compris l’efficacité des médias sociaux, ce qui a abouti à sa décision stratégique de montrer la décapitation du journaliste américain James Foley le 19 août. Il avait tout d’abord posté la vidéo sur YouTube et twitté une série d’images violentes détaillées, montrant son égorgement, sa décapitation et la pose de sa tête sur son corps privé de vie. Ceci avait causé un tremblement de terre sur les médias sociaux, des milliers de ces tweets s’étant propagés comme une traînée de poudre.

Le jour suivant, le PDG de Twitter, Dick Costolo, twittait : « Nous avons suspendu et continuons activement de suspendre les comptes, lorsque nous découvrons qu’ils sont liés à des images violentes ». Mais la publication des vidéos des quatre décapitations suivantes d’Américains et de Britanniques par l’EI a aussi été annoncée par Twitter – avec de nouvelles images violentes des décapitations et de leurs suites – démentant son propos. En outre, quatre mois plus tard, le nombre de tweets djihadistes violents relatant des décapitations et des exécutions se trouve à son apogée.

Plus récemment, le 20 janvier, l’EI a envoyé sur Twitter une vidéo de YouTube montrant « Djihadi John », le probable auteur des décapitations de ses précédentes vidéos, qui menaçait de tuer deux otages japonais si le gouvernement japonais ne payait pas une rançon de 200 millions de dollars dans les 72 heures.

Le gouvernement doit demander aux dirigeants de ces sociétés pourquoi ils ne font pas plus

« Pourquoi YouTube, Facebook et Twitter ne font pas plus pour empêcher les terroristes d’inciter à la violence ? », demandait le journaliste de MSNBC, Ronan Farrow, dans son éditorial du Washington Post en date du 10 juillet 2014. C’est précisément la question que les représentants du gouvernement des Etats-Unis devraient poser aux dirigeants de ces sociétés. Farrow a également observé que « ces sociétés savent bien comment réglementer et retirer des contenus qui enfreignent les autres lois. Chaque réseau social important emploie des algorithmes,pour détecter automatiquement et empêcher la publication de pédopornographie. Beaucoup, YouTubenotamment, utilisent une technique similaire pour empêcher tout matériel soumis à copyright d’atteindre le Web. Pourquoi ne pas employer un système préventif similaire dans ces cas de vidéos de décapitations et d’appels au meurtre ? »

Interrogé sur l’utilisation de YouTube dans une interview à CNN, en mai 2013, le PDG de Google, Eric Schmidt, a déclaré : « S’il existait un algorithme pour détecter les terroristes, c’est vrai, nous l’utiliserions ». Google est pourtant capable d’identifier et de retirer des contenus de ses moteurs de recherche en utilisant des algorithmes – et il l’a prouvé en de nombreuses occasions. Pourquoi la sécurité nationale dépendrait-elle des salariés de Google ? En quoi sont-ils qualifiés pour déterminer ce qui peut menacer la vie des citoyens américains ?

Ceux qui soutiennent l’autorisation des contenus djihadistes sur les médias sociaux affirment que lesdits contenus doivent être autorisés, en raison de leur valeur pour les services de renseignement. Dans un éditorial publié le 9 octobre 2014 par le Washington Post, intitulé « Nous ne devons pas empêcher les terroristes de twitter », Daniel Byman et Jeremy Shapiro du Brookings Institute ont ainsi défendu la position de Twitter d’autoriser et ne pas retirer les contenus djihadistes. « Interdire des sites ou des particuliers peut se justifier si le risque de recrutement et de radicalisation est élevé. Mais ces risques doivent être mesurés en tenant compte de la valeur que constitue pour les services de renseignement l’activité de groupes comme l’Etat islamique sur les médias sociaux… »

Une telle approche est biaisée. On peut en effet difficilement imaginer le développement du mouvement djihadiste mondial sans Internet. Une génération entière de jeunes musulmans a été, et continue d’être radicalisée en ligne par des images violentes et des incitations au meurtre. Le nombre des recrues augmente, parce que rien n’a été fait pendant trop longtemps, pour endiguer le flux de ces contenus djihadistes, diffusés par ces médias. Si l’on tient compte du fait que les djihadistes qui postent ces contenus sont pleinement conscients du fait qu’ils sont surveillés par les services de sécurité occidentaux, l’argument selon lequel il faut les autoriser à continuer d’utiliser ces plateformes, en espérant que leurs comptes donneront accès à des informations de valeur, est tout simplement naïf. La vérité est que le gouvernement ne peut compter uniquement sur les médias sociaux pour réunir des informations.

Une menace croissante pour la sécurité nationale

Un autre rappel de la liberté dont bénéficient les djihadistes en ligne a été donné par un article du New York Times, le 10 janvier, juste après les attentats de Paris : « Les djihadistes et leurs soutiens utilisent les médias sociaux pour faire l’éloge de l’attaque contre Charlie Hebdo ». Le lendemain, les ministres de l’Intérieur et de la Justice de douze pays européens, parmi lesquels le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, publiaient un communiqué conjoint exprimant leur préoccupation face à l’utilisation d’Internet par des terroristes, et appelant les sociétés technologiques à faire plus sur ce sujet.

Nouvelle preuve de la menace croissante pour la sécurité nationale posée par Al-Qaida, l’EI et d’autres groupes : le 12 janvier, des hackers pro-EI sont entrés sur les comptes Twitter et YouTube de l’état-major de l’armée américaine, CENTCOM, s’emparant de documents et d’informations et les répercutant sur Twitter à volonté. « Après l’attaque contre Sony, et le compte Twitter qui a été piraté par des sympathisants islamistes hier, nous constatons la quantité de travail qui reste à accomplir pour renforcer notre cyber-sécurité », a mis en garde le président Obama le lendemain.

Le général (rés.) Jack Keane, ancien adjoint au chef d’état-major de l’armée américaine, a bien compris l’importance stratégique qu’Al-Qaida, l’EI et d’autres groupes djihadistes accordent à l’utilisation des médias sociaux et les dommages causés en les laissant faire. Il a déclaré le 23 octobre 2014 sur Fox News : « Je pense que nous devons clairement faire appel aux sociétés qui gèrent Twitter, Facebook et les différents sites Internet pour faire cesser cet état de choses ».

Il est temps que le Congrès se saisisse de l’utilisation d’Internet par les terroristes et légifère de nouvelles lois pour traiter ce problème

Le nouveau Congrès et l’administration Obama doivent faire de cette question une priorité en 2015. La première étape, attendue depuis longtemps, devrait consister à lancer un avertissement aux dirigeants des sociétés de médias sociaux, en établissant clairement quelle doit être leur politique. Les solutions envisageables pourraient inclure l’avis d’experts en droit constitutionnel, et un recours à la Cour suprême si nécessaire.

Les décisionnaires américains peuvent s’inspirer de plusieurs modèles, que les gouvernements européens ont récemment commencé à mettre en œuvre. Le 8 octobre dernier, la Commission européenne, qui réunit les ministres des 28 Etats membres, a convoqué les principales sociétés technologiques américaines à une réunion « privée » au Luxembourg, consacrée à l’utilisation terroriste d’Internet, sur toile de fond du « flux de combattants étrangers » et des « appels au djihad électronique » auxquels l’UE fait face. Le but de la réunion était d’élaborer un plan pour que ces sociétés mettent fin à la radicalisation en ligne sur leurs sites Internet.

Il est difficile de comprendre pourquoi aucun responsable au sein de l’administration américaine n’a encore entrepris d’action similaire. Ces sociétés doivent être interrogées dans un cadre transparent, et doivent s’engager à aborder le problème de l’éradication de la violence djihadiste de leurs plateformes. Il est temps pour le gouvernement de combler son retard face à l’utilisation d’Internet par les terroristes, de légiférer et d’appliquer de nouvelles lois pour traiter ce problème urgent. Le retrait d’une poignée de vidéos sur YouTube, de comptes Twitter et de pages Facebook n’est pas une solution sérieuse.

Par Yigal Carmon et Steven Stalinsky* – MEMRI article en anglais paru sur FORBES

* M. Carmon est le président fondateur du Middle East Media Research Institute. M. Stalinsky est le directeur exécutif de MEMRI.

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